Personnes âgées : Face à la hausse des cas de maltraitance, des bénévoles à l’écoute « pour soulager » les souffrances…

Au dernier semestre 2021, le 3977, numéro national de lutte contre les maltraitances envers les personnes âgées, a enregistré une hausse de 22 % des signalements.

Mais le sujet rencontre peu d’écho.

Personnes âgées : Face à la hausse des cas de maltraitance, des bénévoles à l’écoute « pour soulager » les souffrances...

 

  • En France, le numéro 3977 permet de signaler des faits de maltraitance commis à l’encontre de personnes âgées et d’adultes en situation de handicap.
  • Après une baisse des signalements enregistrés en 2020 dans un contexte d’épidémie de Covid-19 et de confinement, la plateforme a noté une hausse constante des appels en 2021.
  • Physiques, psychologiques ou financières, ces maltraitances à l’égard des personnes en situation de vulnérabilité nécessitent, selon les acteurs du secteur, une réponse politique d’ampleur.

Autour de la table, les réglisses passent de main en main. Malgré le froid et le regain de l’épidémie de Covid-19, Claude, Renée, Isabelle, Nadine et sept autres bénévoles de l’association Alma Paris ont fait le déplacement pour la première réunion d’équipe de 2022. Anciens médecin, psychologue, juriste ou assistantes sociales, ces membres de l’équipe écoutent et orientent les personnes âgées ou en situation de handicap victimes de maltraitances.

Un accompagnement qui s’est intensifié depuis l’apparition du coronavirus au printemps 2020. Rattachée au niveau départemental à la plateforme d’écoute nationale, le 3977, Alma Paris a géré près de 460 dossiers l’année passée, un chiffre en hausse constante depuis trois ans. La tendance est la même à l’échelle nationale, puisqu’au dernier semestre 2021, les signalements de maltraitance à l’encontre des seniors ont  augmenté de 22 % sur ce numéro dédié.

Des maltraitances « mal connues »

En dépit de ce constat, la question de la maltraitance des personnes âgées est passée sous les radars de l’opinion et des responsables politiques, estiment les acteurs du secteur. « Au début de l’épidémie de Covid-19, les pouvoirs publics ont eu un discours de prévention très fort sur les violences faites aux enfants et aux femmes mais la thématique des violences faites aux personnes âgées a été totalement absente. On sent bien que ça n’est pas perçu comme une priorité depuis le début du quinquennat », analyse Pierre Czernichow, le président de la Fédération 3977. Dans les locaux parisiens d’Alma, Claude Lepresle, qui préside la structure, peine à cacher son « irritation » : « Dès le premier confinement, on est monté au créneau auprès de l’adjoint à la maire de Paris pour dire que ça suffisait et que les vieux aussi, ça existait ! »

« Mal connues », selon Pierre Czernichow, les maltraitances à l’égard de nos aînés peuvent s’exercer de diverses façons. Psychologiques, physiques ou financières, ces violences se déroulent soit dans un cadre institutionnel au sein d’établissements médico-sociaux comme les Ehpad, soit dans le huis clos familial, au domicile des personnes âgées. Elles peuvent être le fait d’un proche mais aussi d’un aidant ou d’un professionnel. Les signalements, eux, émanent parfois de la victime directe mais ce sont majoritairement des tiers – un membre de la famille, un voisin ou un soignant – qui alertent.

« Par moments, on rencontre des impasses »

Les échanges entre les bénévoles d’Alma Paris témoignent de la complexité de ces situations. Répartis en binômes pluridisciplinaires, les membres de l’équipe tiennent des permanences et récupèrent les dossiers ouverts par la plateforme nationale après un premier appel au 3977. « En général, les dossiers sont traités directement par ces binômes. Mais par moments, on rencontre des impasses, on ne sait plus quoi proposer et ça nécessite de réfléchir tous ensemble aux suites à donner », explique Claude.

Au total ce lundi, neuf dossiers sont examinés par le groupe. « J’en ai trois », annonce Dominique, bénévole depuis 2019 à Alma. Une femme, âgée d’une cinquantaine d’années, a sollicité l’association car on lui interdit de rendre visite à son père. Agé de 78 ans, victime d’une rupture d’anévrisme et plongé dans le coma pendant trois semaines, il serait, selon l’appelante « sous l’emprise » de sa belle-fille et de sa nouvelle épouse. « Là, le problème, effectivement, c’est le droit de visite. Elle peut écrire au procureur ou faire appel à un avocat. Mais s’il y a une mise sous tutelle, ça va prendre un an, facile. Peut-être qu’une médiation par un autre membre de la famille pourrait aider ? », interroge Isabelle, juriste de formation.

Des interventions rares

Chargés d’orienter et d’aider les proches inquiets ou les victimes, les bénévoles d’Alma n’ont pas vocation à se substituer aux services sociaux ou à la justice. Mais certaines situations graves nécessitent l’intervention de l’association. « On a eu des nouvelles de Madame C. », lance Claude. « Comme vous le savez, c’est une pharmacienne qui nous a téléphoné pour nous dire qu’une de ses clientes était frappée par son fils, qu’elle avait remarqué des bleus sur ses poignets et sur ses bras », ajoute le président de l’association.

À l’occasion d’une venue dans l’officine, exceptionnellement seule et sans son fils, cette dame âgée s’était confiée à sa pharmacienne. « On lui a dit qu’en tant que professionnelle de santé, elle devait faire un signalement au procureur de la République. On l’a relancé cinq fois, mais elle n’a rien fait. Donc on a pris notre plume pour écrire directement au procureur qui a nommé un médecin pour une expertise avec une demande de mise sous protection », poursuit-il.

« On a fait tout ce qu’on avait à faire ! »

« Nous, on a fait tout ce qu’on avait à faire ! C’est à la justice maintenant de trouver une solution pour que ce fils arrête de taper sur sa mère », s’agace Marie-Françoise, qui a géré le dossier. Problème, le procureur aurait sommé le médecin expert de réaliser une évaluation cognitive de la victime. « C’est un peu rude. Cette dame va peut-être se retrouver sous curatelle alors qu’elle n’a rien demandé et qu’il y a des suspicions de maltraitances ! », s’inquiète Isabelle.

Soumises au secret de l’enquête, les autorités judiciaires ne communiquent pas à l’association les avancées de leurs investigations diligentées après un signalement. « On ne sait pas si le procureur a ouvert une enquête de police en parallèle à l’encontre du fils ? », demande Renée, psychologue à la retraite. « Non », regrette Claude. « C’est frustrant », confie Christiane, la fondatrice et « vétérante » de l’association. Marie-Françoise, directrice d’Ehpad pendant douze ans, elle, s’y est résolue : « Je me dis que si on a déjà pu apporter une écoute, un soutien, soulager les gens qui nous appellent, c’est déjà beaucoup ».

Source 20 MINUTES.

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