On a testé le “subpac”, le sac à dos pour profiter d’un concert quand on est sourd, proposé par le Festival Clin d’Oeil…

Jusqu’au 7 juillet, à Reims, le Festival International des arts en langue des signes propose aux sourds et malentendants d’assister à ses concerts avec un subpac, un système qui accentue les vibrations du son.

A terme, ce dispositif pourrait être proposé dans d’autres festivals de la région.

Le "subpac", sorte de harnais immersif, permet d'accentuer les vibrations d'un concert / © Johanna Albrecht / France 3 Champagne-Ardenne

Deux bretelles, une plaque qui rappelle les protections dorsales des motards, un boîtier accroché sur le côté, et une sangle pour fixer le tout. A mi-chemin entre le gilet et le harnais, difficile de décrire à qui n’en a jamais vu, à quoi ressemble un subpac. Inventé en 2013, ce dispositif est à la fois utilisé par des gamers pour accentuer leur expérience de jeu, et des sourds et malentendants pour assister à des concerts. Une technologie que le Festival Clin d’œil, festival international des arts en langue des signes à Reims, propose à ses visiteurs de tester.

On ressent les vibrations de la musique, c’est une manière de participer pleinement au concert
– David de Kayzer, directeur du festival Clin d’œil

Des vibrations qui traversent le corps

Un peu déstabilisant, il n’existe pas vraiment d’équivalent à ce dispositif, le subpac s’enfile comme un gilet. Une fois les sangles réglées, il se fait rapidement oublier. La partie dorsale, où se trouve le plus gros de la technologie, se loge contre la colonne vertébrale. Avec sa batterie, l’ensemble du harnais pèse à peine plus de 2kg. Mais l’ensemble est capable d’envoyer des vibrations très fortes.

Une trentaine de "Subpac" comme celui-ci sont proposés sur Clin d'oeil / © Johanna Albrecht / France 3 Champagne-Ardenne

Le boîtier sur la gauche permet à la fois de traduire les sons environnants, ou envoyés via une prise audio, en vibrations et de régler le « volume« , l’intensité des vibrations. Dans le cadre du festival, la régie son se charge d’envoyer en simultané à tous les gilets mis en circulation, la musique jouée sur scène au même moment.

« J’adore ! » agiles, les mains de David de Kayzer enchaînent les signes. Lorsqu’on lui demande son avis sur ce gilet immersif, ses traits s’éclairent « c’est une manière de vivre pleinement un concert ». Fondateur du festival et lui-même sourd, il assiste depuis longtemps à des concerts. D’ordinaire, comme de nombreux sourds, il se place au premier rang, devant les enceintes, pour ressentir les vibrations de la musique. Ou, comme il le signe, pour « entendre ».

« Parfois, la musique n’est pas très forte, quand il ne faut pas déranger le voisinage par exemple. Les gilets, ça permet d’entendre quand même les vibrations. »
– David de Kayzer, directeur du festival Clin d’œil

Autre point fort du subpac, il permet aux personnes sourdes et malentendantes de se déplacer pendant un concert. « On entendra quand même » explique-t-il, ravit, « ça nous permet d’emporter la musique avec nous ».

Généraliser l’accès au gilet immersif

Pour cette neuvième édition, la première avec des gilets immersifs, l’organisation s’est procurée 30 subpacs. Une goutte d’eau, quand on sait que le festival enregistre en quatre jours plus de 15.000 entrées. Mais le dispositif coûte cher : 30.000 euros pour cette année, financés par le ministère de Culture, un partenaire privé, et avec une réduction du fabriquant.

Cinésourds, l’association derrière Clin d’œil, réfléchit à une manière de prêter ces gilets à d’autres festivals le reste de l’année. « Comme ça, on pourra avoir un peu plus d’accessibilité ailleurs pour les personnes malentendantes » expose David de Kayzer « sur un gros festival, on pourrait toucher une vingtaine de sourds ». Dans les tiroirs, des discussions avec la Magnifique Society et le Cabaret Vert.

Vivre la musique

Car les personnes sourdes et malentendantes sont de plus en plus nombreuses à participer à des concerts, à profiter de la musique, et parfois même, à en créer. « Le monde du son c’est de moins en moins restreint, il y a de plus en plus d’ouverture et de possibilité » témoigne David de Kayzer « il y a des gens qui à 30 ou 40 ans, commencent à aimer la musique ».Les évolutions technologiques, comme le subpac, mais aussi les logiciels et l’informatique multiplient les opportunités et les moyens de créer.

On est toujours sourds, ça ne change pas, mais on a de plus en plus d’options pour ressentir, aimer et vivre avec la musique et du son au quotidien. On commence petit à petit à l’apprivoiser
– David de Kayzer, directeur du festival Clin d’œil

D’ailleurs, à Clin d’œil, de nombreux artistes sourds se produisent chaque année. Des chanteurs, qui signent leurs textes pendant des morceaux, comme Signmark, ou même des compositeurs comme Sean Forbes

Sur sa chaîne Youtube, l’artiste sourd Sean Forbes joue sur les préjuggés

Ouvert à tous, entendants compris, le festival se vit comme un « laboratoire » des manières dont les sourds et malentendants, dont les niveaux de perceptions des sons peuvent être très variés, vivent la musique. En face d’une grande scène, autour desquels des vidéos diffusent des textes en langue des signes, un dancefloor vibrant permet de compléter l’expérience. « On a beaucoup de jeux de lumières, on essaie de faire en sorte que ce soit raccord avec la musique » ajoute David de Kayzer.

Un peu plus loin, deux containers fermés proposent une expérience unique: « Crazyland« , un lieu confiné où le son est poussé à l’extrême. Mais ça, « ça n’est pas pour les entendants, il ne vaut mieux pas y aller » confie, avec beaucoup de malice dans le regard, le directeur de ce festival unique en France.

Dans ces deux containers, une expérience musicale intense, et interdite aux entendants / © Johanna Albrecht / France 3 Champagne-Ardenne
Dans ces deux containers, une expérience musicale intense, et interdite aux entendants / © Johanna Albrecht / France 3 Champagne-Ardenne
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