« Nous sommes méprisés » : les accompagnants d’élèves handicapés en grève…

Manque de reconnaissance, précarité, suivi décousu des élèves, les accompagnants d’élèves en situation de handicap sont à bout.

Pour redorer l’image d’une profession qui peine à susciter des vocations, les grévistes réclament une hausse de salaire, des formations et un suivi plus individualisé des élèves.

Mobilisés le 11 février et le 8 avril, les AESH manifestent à nouveau leur mécontentement ce jeudi 3 juin.

 

L’intersyndicale nationale CGT Éduc’action, FNEC-FP-FO, FSU, SNALC, SNCL-FAEN, SUD éducation, appelle à une nouvelle mobilisation ce jeudi. C’est la troisième journée de grève des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) depuis le début de l’année. Ces personnels, 110 000 au total, soit 10 % des agents de l’Education nationale, réclament une hausse de salaire, un « véritable statut de la Fonction publique » et une amélioration de leurs conditions de travail.

En 2017, Emmanuel Macron promettait une école « plus inclusive » en donnant un accès à « un auxiliaire de vie scolaire à tous les enfants qui ont besoin pour avoir une scolarité comme les autres ». Mais les efforts n’ont pas été suffisants en matière de recrutement.

D’autant que le nombre d’enfants en situation de handicap dans les établissements scolaires augmente. Il a même triplé depuis la mise en œuvre de la loi de 2005 sur l’égalité des chances en faveur des personnes handicapées, atteignant 385 000 élèves accueillis. En conséquence, 35 000 élèves handicapés n’ont pas d’AESH au sein de l’éducation nationale, selon le collectif citoyen handicap.

Des contrats précaires… sans grande perspective d’évolution

La difficulté à recruter des AESH ne surprend pas Anne Falciola qui exerce ce métier depuis 13 ans. « Le métier n’est pas attractif », affirme la représentante syndicale à la CGT Éduc’action qui a démarré en 2006, en contrat aidé. A l’époque, « on nous promettait une professionnalisation rapide avec une possibilité de carrière, mais aujourd’hui on est toujours précaire et on n’a toujours pas de statut », déplore-t-elle.

Elle a obtenu un CDI en 2018, « mais sur ma fiche de paye, j’ai eu une augmentation de seulement 4,5 euros », se souvient Anne Falciola, amère. Au bout de « tant d’années d’expérience, j’ai un salaire de 854 euros par mois pour 26 heures d’accompagnement par semaine », s’indigne-t-elle. Un faible salaire qui la contraint à cumuler les emplois, en réalisant du soutien scolaire.

Une formation insuffisante

« Zéro reconnaissance, nous sommes méprisés, malgré les compétences acquises dans un métier qui mériterait de véritables formations », juge Anne Falciola. La formation initiale ne dure que deux semaines et elle se déroule « après la première prise de poste ». « On jette les AESH dans les classes sans formation », estime l’accompagnante qui a payé de sa poche une formation pour suivre des élèves autistes.

Lindsey Barlet, AESH depuis 2008, s’est aussi sentie « livrée à [elle]-même ». « La formation n’est pas très concrète, plutôt théorique, on n’approfondit pas les différents handicaps auxquels on sera confrontés », décrit-elle. Elle s’est elle aussi formée en autodidacte à l’accompagnement d’élèves autistes, « en lisant des livres et en participant à des réunions ».

Un suivi décousu des élèves

Pour 950 euros par mois en réalisant 30 heures par semaine, Lindsey Barlet ne se ménage pas. Elle suit actuellement quatre lycéens. En école élémentaire, il lui est arrivé d’en suivre jusqu’à six. Elle s’inquiète du nombre croissant d’élèves qu’elle sera amenée à accompagner, avec la mise en place progressive des « pôles inclusifs d’accompagnement localisés » (Pial), depuis 2019.

Avec la réorganisation en Pial, les AESH ne sont plus affectés auprès d’élèves, mais à de secteurs, où il peuvent exercer dans plusieurs établissements et auprès de plusieurs élèves. « On va intervenir sur un périmètre pour combler les demandes d’école en école, ce qui va amener à réduire le nombre d’heures d’accompagnement des élèves », projette Lindsey Barlet.

« On nous dit qu’ils peuvent être aidés à temps partiel, mais le handicap, lui, est à temps plein. »

L’objectif étant d’accompagner le plus d’élèves handicapés possible, le nombre d’heures consacrées à chacun d’eux diminue, en raison de la pénurie de personnels. En une semaine, Nicolas Martinot, AESH depuis 11 ans, suit six collégiens. L’un de ces élèves alterne entre trois accompagnants différents dans son établissement. « Je ne le vois que deux heures toutes les trois semaines », regrette-t-il.

Le fils de Natacha, 9 ans, a subi les conséquences de la réorganisation des emplois du temps des AESH. L’élève de CM2, autiste, est aidé depuis plusieurs années à temps plein par une accompagnante, avec laquelle il a « tissé des liens très forts ». Mais depuis novembre 2020, elle ne peut lui consacrer qu’un temps partiel dans la classe.

Résultat : « Il a eu une énorme perte de compétences, souligne Natacha, il n’arrive plus à se défendre face à l’environnement de la classe, le bruit… Il passe ses journées dans le couloir ». Le risque pour elle, c’est de perdre tous les progrès que son fils a réalisés « depuis la grande section ». La mère de famille n’a pas l’intention de renoncer. Elle a déposé un référé au tribunal pour obtenir le rétablissement de son accompagnement à plein temps, car « on nous dit qu’ils peuvent être aidés à temps partiel, mais le handicap, lui, est à temps plein ».

Source FRANCE INTER.

 

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