« Mon handicap ne m’a jamais empêché de réaliser mes rêves » : Damien Seguin, premier handisport à terminer le Vendée Globe…

Bouclé ce jeudi en 6e position sur la ligne d’arrivée aux Sables d’Olonne, Damien Seguin aura marqué les esprits lors de ce Vendée Globe.

Les yeux rougis par l’émotion et la fatigue de 80 jours en mer, le Haut-Alpin, né sans main gauche, est revenu sur son tour du monde exceptionnel.

Et le superbe message qu’il a véhiculé tout au long de son aventure.

"Mon handicap ne m’a jamais empêché de réaliser mes rêves" : Damien Seguin, premier handisport à terminer le Vendée Globe

 

Damien, vous avez été la révélation de ce Vendée Globe. Vous êtes-vous révélé à vous-même également ?

« Forcément oui… C’est la première fois que je partais aussi longtemps et aussi loin. Il y avait certains aspects de l’aventure que je ne connaissais pas et cela a été une belle découverte. En plus, ça s’est pas trop mal passé pour moi donc ça donne un bon sentiment à l’arrivée et l’envie d’y revenir aussi ! »

Qu’avez-vous découvert sur vous lors de ce tour du monde ?

« Une forme de résilience. Le contexte (avec la Covid) n’était pas forcément évident quand on est parti et il a fallu se mettre dans la course. Je devais aussi appréhender la durée de l’épreuve, les mers du sud… Chaque jour, je découvrais quelque chose de nouveau. J’avais passé 18 jours au maximum en solitaire. Il y a forcément un moment où ce n’est pas simple et on se demande ce qu’on fout là. Et on se rend vite compte qu’on n’est pas sur un terrain de foot : il ne suffit pas de dire ‘‘J’ai envie de sortir et je rentre au vestiaire’’. Il faut aller au bout. Je connaissais mon côté compétiteur mais je l’ai découvert réellement sur la durée. Tenir la pression pendant des jours et des jours, c’était une belle révélation pour moi. »

Prenez-vous conscience de votre exploit ?

« C’est difficile de le mesurer immédiatement. J’étais parti sur ce Vendée Globe pour le terminer et je suis extrêmement satisfait d’avoir rempli cet objectif. Je ne suis pas un collectionneur de trophées mais un passionné de mon sport. J’aime les défis. Je voulais aussi porter un message simple et lisible pour tout le monde en participant à une course que les gens admirent. C’était une bonne occasion de faire sortir le handicap de sa boite. Je n’ai pas vocation à incarner un modèle pour qui que ce soit, mais si je peux faire élever un petit peu le débat, tant mieux. Je n’ai pas eu le temps de lire tous les messages que j’ai reçu à bord mais force est de constater que c’est quelque chose qui a marqué et qui sortait de l’ordinaire. »

Vous êtes-vous senti handicapé pendant cette course ?

« Sur le bateau non. Si j’avais senti le moindre handicap à la base, je ne serai pas parti. On ne s’élance pas sur un Vendée Globe en se disant ‘‘Je vais avoir du mal à faire ça’’. Sur des engins comme ça, on est tous handicapés. Qu’on soit un homme, une femme, un jeune, un vieux… la difficulté de la tâche est suffisamment énorme pour qu’on soit très humble. On a tous fait avec les moyens du bord. J’ai fait avec les miens et ça m’a mené jusqu’à la ligne d’arrivée et c’est déjà pas mal ! J’ai une particularité physique mais elle ne m’a jamais empêché de réaliser mes rêves. Le seul message que je veux transmettre, c’est ne vous mettez pas de barrières. On n’empêchera jamais un gamin de rêver, qu’il soit valide ou handicapé. Ce serait la pire des choses… »

 

Quelles ont été les pires difficultés pour vous sur ce Vendée Globe ?

« Plein de choses… J’avais l’impression que tous les jours, il fallait se battre pour continuer le jour d’après. Gérer la fatigue, les coups de mou, les problèmes techniques… Il n’y a que des vainqueurs à l’arrivée du Vendée Globe. C’était une sacrée aventure ! C’est difficile mais c’est ce qu’on va chercher. Il n’y a que là qu’on arrive à être projeté en face de soi-même. On est les seuls à pouvoir régler nos problèmes et dans notre société, c’est quelque chose d’assez unique… »

« Je vais savourer ce Vendée Globe mais je m’imagine déjà sur le suivant… »

Cette course a été une vraie régate planétaire, très serrée durant tout le tour du monde. Vous étiez dans votre jardin en tant que champion paralympique…

« C’était un combat de tous les instants mais heureusement pour moi ! Je suis un compétiteur et ce que j’aime, c’est avoir des bateaux autour. Tous les jours, il fallait se reprendre en question et se dire ‘‘Qu’est-ce que je peux faire de mieux ?’’. Ça m’a vraiment tenu dans ce Vendée Globe. Si j’avais été un bateau isolé, je n’aurais pas vécu la course de la même manière. J’ai eu la chance d’avoir connu tous les classements entre la place de 1 et de 10. À dix jours de l’arrivée, j’étais encore deuxième. C’est génial d’avoir pu batailler jusqu’au bout. »

Vous terminez premier des bateaux non-foileurs, n’avez-vous pas un petit regret en vous disant qu’avec un bateau plus performant, vous seriez sur le podium ?

« Question compliquée ! (Rires) Il faut savoir prendre les choses comme elles sont. Déjà, faire le Vendée Globe, il y a trois ans, ce n’était pas gagné. Il a fallu écrire ce projet, développer le bateau… J’ai fait les choses de la manière dont je voulais les faire. Mon partenaire et moi avons grandi ensemble en découvrant le Vendée Globe. Il faut prendre le temps… Je suis quelqu’un qui n’a pas peur de rêver en grand mais il ne faut pas bruler les étapes. À l’avenir, une meilleure performance passera forcément par un bateau à foils. Là, mon bateau était simple, à mon image. Mais il m’a donné le maximum de chances de partir des Sables et d’y retourner. »

Damien Seguin vainqueur du Vendée Globe à l’avenir, est-ce une utopie ?

« Evidemment, j’ai envie d’aller plus loin. Je suis un compétiteur et lorsque je termine un projet, j’ai envie d’en lancer un autre. Je vais prendre le temps de savourer ce Vendée Globe mais je m’imagine déjà sur le suivant en étant un petit peu plus performant. Il n’y a aucune garantie là-dessus mais je suis un doux rêveur et j’ai cette capacité à tenter de transformer mes rêves en réalité. J’ai une équipe, un partenaire et une famille de dingues autour de moi et on va aller loin tous ensemble. »

 

Quel va être votre programme ces prochains mois ?

« Je ne sais pas… J’espère continuer l’aventure en Imoca. C’est une classe qui me plait bien. Il y a un joli programme sportif qui se dessine avec la Route du Rhum, la Transat Jacques-Vabre et un Tour de l’Europe l’année prochaine (en juin normalement). J’aime naviguer et tant que j’aurais un bateau, je continuerai ! Déjà, je vais passer pas mal de temps à aller rencontrer les classes qui m’ont écrit pendant le Vendée Globe. Parler de ce que j’ai vécu. Je vais aussi passer du temps en famille. À la maison, j’ai quelques tours de retard pour la vaisselle… »

Source OUEST FRANCE.

 

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