Malgré le handicap, Sylvie et Jean ont une vie de couple presque comme les autres…

Dans son livre Ma Chérie et moi, Jean Chédotal raconte notamment sa vie de couple avec Sylvie Gilloury.

Dans un établissement médico-social du Croisic (Loire-Atlantique), ils partagent une chambre commune, depuis plusieurs années.

Une étape importante. Car le droit à une vie affective et sexuelle pour les personnes en situation de handicap est parfois un combat.

Jean Chédotal a du mal à s’exprimer, mais Sylvie Gilloury comprend tout. Les deux sont ensemble depuis des années. Ils se sont rencontrés ici, à l’établissement médico-social du Croisic. C’était en 2002, Sylvie était dans la chambre en face de celle de Jean.

« Avant, je n’avais pas confiance en moi pour sortir dans la rue, je sortais toujours accompagnée. Un jour, le personnel ne pouvait pas m’accompagner, donc Jean s’est proposé de m’aider. C’est comme ça qu’on a sympathisé. On a eu un coup de foudre », raconte Sylvie en contemplant son Jean souriant. Lui écrit dans son livre qu’il n’avait jamais osé l’aborder avant.

Une vie de couple presque comme les autres

Jean a une infirmité motrice cérébrale (IMC), Sylvie a « à peu près le même handicap », avec des manifestations différentes. Dans les deux livres qu’il a écrits : Qu’est-ce que tu as à me regarder comme ça ? et Ma Chérie et moi, publiés aux Éditions du Traict, il raconte sa vie au centre médico-social, ses passions et sa relation avec Sylvie.

« Ce sont des choses qui lui tenaient à cœur. Jean, il se fait comprendre comme il peut, résume Sylvie. C’est difficile d’exprimer oralement ce qu’il ressent, quand il écrit on comprend mieux. Même si moi je n’ai pas de problèmes à comprendre. »

Les deux quinquagénaires pratiquent beaucoup d’activités : théâtre, peinture, création d’un journal, etc. « Pas toujours ensemble » précisent-ils. Jean est aussi un pratiquant de boccia, un sport de boule apparenté à la pétanque, et, bien sûr, il aime écrire.

Sylvie et Jean sont partis plusieurs fois tous les deux en vacances, et dans leur chambre, on en trouve des photos souvenirs, comme celle accrochée sur la porte ! Les visages collés, les deux affichent un sourire radieux.

En dehors de leurs activités, ils aiment se balader dans la jolie ville du Croisic, faire des emplettes, et aller à la plage. « Il n’est pas facile d’être, au quotidien, dépendants, dans un fauteuil roulant. C’est dommage que nous ne puissions pas avoir plus d’autonomie dans notre vie de couple. Tout cela ne nous empêche pas de nous aimer très fort, même si nous ne pouvons pas nous embrasser comme un couple valide », écrit Sylvie dans son chapitre réservé dans Ma Chérie et moi. Les regards complices et la façon si naturelle de se comprendre ne trompent pas.

Une chambre commune après une longue démarche

Au Croisic, le couple fait désormais chambre commune. Les familles ont tout de suite été d’accord, ainsi que le personnel et la direction du centre. « Là où cela pourrait poser réflexion, c’est dans l’organisation du service mais dans la demande en tant que telle, il n’y a pas d’objection », explique Hélène, coordinatrice et responsable de l’espace éthique à l’établissement médico-social.

Dans ces procédures, les familles sont associées à la démarche mais leur avis favorable n’est pas exigé car le centre accueille des adultes. La procédure est parfois longue : il y a une consultation du comité éthique national et « cela nécessite que deux places se libèrent en même temps dans le service ».

« Pendant longtemps, on n’avait pas encore notre chambre à nous, on avait la salle de bains commune mais on n’était pas dans la même chambre. » Dans leur chambre, une chaîne hi-fi – Sylvie « aime beaucoup la musique, surtout la chanson française » – une télévision et l’ordinateur sur lequel le couple écrit. Ils ont aussi une salle de bains personnelle. Au mur, quelques photographies du journaliste et présentateur Laurent Delahousse, Sylvie l’aime beaucoup, « il présente bien ». Jean n’est pas jaloux.

Comme tout le monde, le couple connaît quelques disputes mais « Jean n’est pas rancunier ». Les deux se disent « faciles à vivre ». « Comme il n’arrive pas toujours à se faire comprendre, il s’énerve, mais bon, dans l’ensemble on n’a pas de problèmes », sourit Sylvie.

Le droit à une vie affective et sexuelle

Malgré des progrès dans le domaine, le droit à une vie sexuelle et affective pour les personnes en situation de handicap est parfois entravé. Au centre, un autre couple partage une même chambre. Les résidents peuvent s’exprimer lors de groupes de parole collectifs sur le thème vie affective et sexuelle.

« On n’est pas là pour porter un jugement, en revanche on fait de la prévention et de l’accompagnement », explique Hélène. Selon elle, cette question tend à évoluer dans notre société : « On accompagne les familles à considérer la personne comme un adulte. Les mentalités changent. Mais certainement qu’il y a encore peut-être des réticences. »

Les livres de Jean « c’est une façon de revendiquer, oui, de se faire connaître », témoigne Sylvie. Son troisième livre portera sur la sexualité.

Source OUEST FRANCE.

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