Maladie de Charcot. Jean vit son handicap comme une aventure extrême…

Atteint de la maladie de Charcot, le Vannetais Jean d’Artigues, 54 ans, ne veut pas renoncer à la vie qu’il vit comme une aventure extrême.

Un an après avoir traversé l’Atlantique en tant que « skipper en fauteuil », il veut continuer à donner espoir aux malades en réenchantant leur quotidien.

Maladie de Charcot

« J’ai retenu un proverbe chinois qui dit: Ne crains pas d’être lent, crains d’être arrêté ! » Atteint par la maladie de Charcot depuis six ans, le Vannetais Jean d’Artigues a progressivement perdu l’usage de ses jambes et de ses bras. Cela ne l’a pourtant pas empêché de traverser l’Atlantique à la voile il y a un an, de signer un album humoristique sur le handicap, et d’être le vice-président de l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique. Il finalise actuellement un livre sur sa traversée, Transat dans un fauteuil, cinquante jours pas comme les autres, avant de se lancer d’autres défis similaires pour 2018.

« Je passe seize heures par jour allongé. Les soins me prennent du temps, ça m’oblige à être efficace, à ne pas me disperser », explique, pragmatique, ce patron d’une entreprise de communication, père de quatre enfants de 14 à 25 ans, qui ne veut pas qu’on s’apitoie sur son sort. S’il n’a plus la maîtrise de tous ses membres, il veut garder celle de sa vie. Et il la mène à un train d’enfer.

«L’immense plaisir de danser sur les vagues »

Neuf mois ont suffi pour mobiliser quelque 500 personnes et organiser sa traversée de l’Atlantique l’été dernier. Une aventure de cinquante jours de mer dans un bateau qui cogne, sans muscles actifs pour amortir les chocs, sans intimité. Rêve de gosse, son Odyssée n’a rien eu d’une croisière. Lui ne retient que «l’immense plaisir de danser sur les vagues » et « la satisfaction d’avoir montré que rien n’est impossible malgré le handicap».

Atteinte par la même maladie que lui, l’écrivaine Anne Bert a choisi de se faire euthanasier en Belgique le mois dernier. Un choix très médiatisé. Lui en a fait un autre : « Je comprends sa terreur, celle d’être emmurée vivante en toute conscience. Voir ses capacités disparaître plus ou moins lentement, on ne peut pas dire que c’est vraiment enthousiasmant Comme un mauvais roman, on n’a pas forcément envie de le lire, mais les choses ne se passent jamais comme on l’imagine. »

Jean d’Artigues affirme qu’il n’a rien perdu de sa dignité. Sa femme est décédée d’un cancer il y a quatre ans. Il s’est remarié en février dernier. « Tout est possible, même la guérison. Il y a toujours des premières fois! » rappelle-t-il, un brin de malice dans les yeux.

Face aux regards interloqués devant tant d’énergie, il explique sa méthode : « C’est un travail au quotidien. Il faut pouvoir réenchanter ses journées. À chacun de trouver ses enchantements: la musique, les films, les rencontres, les projets. »

« L’important, c’est d’oser »

Jean d’Artigues se dit inspiré par la vie, au début du XXe siècle, du psychologue américain Milton Hyland Erickson. Atteint de la polio à 17 ans, il avait entendu un soir un médecin dire à sa mère qu’il ne passerait pas la nuit. « Il a demandé à sa mère de le déplacer pour pouvoir voir le coucher de soleil, en se disant que ce ne serait pas le dernier. Il n’a pas dormi de la nuit pour s’endormir au petit matin vivant! Il a ensuite effectué tout un périple en canoë. »

« Le handicap, c’est une aventure extrême. Plus on est entraîné, plus on peut faire face dans de bonnes conditions. Ça développe des aptitudes à l’adaptation. Quand on est atteint d’une maladie dégénérative, il faut sans cesse réapprendre et accepter les phases de transition », détaille celui qui a repassé plusieurs fois son permis de conduire. « Quand j’ai perdu l’usage d’une jambe, puis des deux »

Aujourd’hui, il ne conduit plus. C’est désormais son fauteuil qu’il faut adapter à ses forces qui s’amenuisent. Il ne s’en apitoie pas. Préfère presque en rire. « Un jour, un taxi qui descend sortir mon fauteuil du coffre m’a dit: Ne bougez pas!» Une anecdote qu’il a consignée dans un album sorti l’hiver dernier et dont on n’aurait jamais osé le titre : « Ça roule ! » (aux éditions universitaires de Lorraine).

En apesanteur dans un avion à gravité zéro

« J’ai la chance d’avoir contracté la maladie à 48 ans. À cet âge, on peut se nourrir de ce que l’on a pu accomplir. On se dit qu’on n’a pas pu tout faire mais au moins une partie. Mais à 20 ans? Le ciel tombe sur la tête! » Profitant de la notoriété et de la reconnaissance acquise lors de sa traversée de l’Atlantique, Jean d’Artigues veut redonner espoir aux jeunes malades.

Pour leur faire oublier la pesanteur de leur quotidien, il veut pouvoir les envoyer en apesanteur dans un avion à gravité zéro. « C’est possible! Paralysé par une maladie dégénérative, l’astrophysicien britannique Stephen Hawking l’a fait alors qu’il avait 65 ans! » Cette idée, il l’a eue en voyant Thomas Pesquet dans l’impossibilité de bouger ses membres à son retour sur Terre. « Il a vécu ce que nous vivons au quotidien. » Contacté, l’astronaute serait prêt à parrainer son nouveau projet pour 2018. Un parmi d’autres.

« On peut vivre avec la maladie de Charcot », martèle Jean d’Artigues. Il se voit en passeur d’espoir. « Par mon exemple, je veux montrer qu’on peut continuer à avoir une vie, des rêves, des projets. Modestes ou délirants, l’important c’est d’oser. Prouver qu’on n’est pas en dehors de la vie mais bien dedans. L’impossible est encore possible! ».

Source Ouest France.

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