Maisons de santé : « l’un des rares endroits où la médecine est familiale »…

En janvier 2016, Igor Durliat, médecin généraliste, décide de fonder une maison de santé pluridisciplinaire dans son village d’Ariège. Il raconte au Figaro son expérience.

 

Maisons de santé

LE FIGARO. – Pourquoi avez-vous fait le choix de créer une maison de santé?

Dr Igor Durliat. – À la fin de mes études, j’ai fait deux tentatives d’association avec des confrères qui se sont avérées décevantes, ce qui m’a conduit à faire des remplacements. Mais je n’imaginais pas faire cela toute ma vie car je souhaitais construire quelque chose. J’ai suivi mon épouse en Ariège, ce qui m’a donné l’occasion de fonder mon propre cabinet médical, dans un village qui venait de perdre son médecin. J’étais le seul médecin pour un village d’un millier d’habitants. Pendant quatre ans, je n’ai pas eu le droit de tomber malade ni eu le temps d’aller voir un dentiste. L’activité a explosé, je recevais 40 patients par jour. J’ai eu peur de plus pouvoir proposer des soins de qualité. En janvier 2016, j’ai pris la décision de racheter la vieille école du village avec le soutien de la municipalité, avec le projet de créer une maison de santé.

Qu’est-ce qui a changé depuis?

Je travaille maintenant aux côtés d’un médecin généraliste, une gynécologue, un podologue, deux psychologues et d’internes, qui viennent faire leur stage en médecine de ville. Ce mode d’exercice est attractif. C’est un environnement de travail à taille humaine où l’on peut communiquer et s’entraider au quotidien. Je trouve plus facilement des remplaçants que si j’étais seul dans mon cabinet. Je ne travaille plus qu’un samedi matin sur deux, et j’ai deux demi-journées de libre par semaine. Désormais, si je tombe malade, je sais qu’il y aura toujours un médecin pour me remplacer. Pour rien au monde je n’échangerais la liberté que m’apporte mon mode d’exercice.

La relation avec les patients en maison de santé est-elle différente de celle en cabinet de ville?

C’est le jour et la nuit. C’est l’un des rares endroits où la médecine est familiale. Je m’occupe de familles entières, depuis les arrières petits-enfants aux arrières grands-parents. Je fais beaucoup de visites à domicile car il y a des fermes isolées habitées par des gens âgés dans les alentours. En ville, les gens recherchaient davantage un service qu’une relation humaine. J’ai parfois eu l’impression d’être un distributeur d’ordonnances lorsque je faisais des remplacements. Or, les médecins généralistes ne sont pas des techniciens. Ils doivent aussi accompagner les gens dans leur vie.

Un rapport du Sénat du 26 juillet 2017 recense 910 maisons de santé en France en 2017, contre 20 en 2008. Pensez-vous que ce mode d’exercice attire les jeunes médecins?

Les jeunes ne sont pas très intéressés, ils préfèrent exercer en zone urbaine ou périurbaine. Moi-même, je me suis longtemps cru «rat des villes» avant de me découvrir «rat des champs». Il y a beaucoup d’idées reçues sur l’exercice en milieu rural. Certains pensent que l’on fait des horaires impossibles et que l’on se coupe de la modernité. D’autres craignent la paperasse et le coût de l’installation. C’est pour cela qu’un certain nombre de jeunes généralistes ne veulent pas s’installer et que l’âge d’installation est si élevé, aux alentours de 39 ans. C’est un problème car beaucoup de médecins ont entre 50 et 65 ans. Dans 10 ans, il va y avoir un déficit terrible.

Source LE FIGARO.

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