L’étude du Lancet sur la chloroquine suscite des questions de scientifiques…

On pensait la controverse sur la chloroquine – vantée par le professeur Raoult – close depuis la publication de la vaste étude du Lancet mettant en cause son efficacité.

Mais des questionnements sur des biais de l’étude sont apparus.

On pensait la controverse autour de la chloroquine terminée, mais c'est l'étude du Lancet qui est maintenant remise en cause

Que se passe-t-il avec l’étude du Lancet ? C’est en ces termes que de nombreux scientifiques se sont exprimés, pointant des erreurs et une méthodologie discutable concernant cette vaste étude fondée sur les données de quelque 96 000 patients hospitalisés pour Covid-19 entre décembre et avril dans 671 hôpitaux. Cette étude, qui va dans le même sens que plusieurs autres études à plus petite échelle, a été à l’origine de l’arrêt de l’utilisation de l’hydroxychloroquine en France et dans d’autres pays.

L’étude en cause, publiée le 22 mai dans la revue scientifique The Lancet, se fonde sur environ 96 000 patients hospitalisés entre décembre et avril dans 671 hôpitaux et compare l’état de ceux qui ont reçu le traitement à celui des patients qui ne l’ont pas eu. Le Dr Mandeep Mehra et ses collègues concluent que le traitement ne semble pas être bénéfique aux malades du Covid-19 hospitalisés et pourrait même être néfaste.

Des doutes, y compris chez les détracteurs de la chloroquine

Mais, rebondissement, des chercheurs, y compris certains déjà sceptiques sur l’intérêt de la molécule contre le Covid-19, ont exprimé leurs doutes sur l’étude du Lancet. Dans une lettre ouverte, des dizaines de scientifiques du monde entier demandent des éclaircissements aux auteurs et à la prestigieuse revue britannique.

Ils soulignent ainsi que l’examen minutieux de l’étude du Lancet soulève « à la fois des inquiétudes liées à la méthodologie et à l’intégrité des données ». Ils dressent une longue liste des points problématiques, d’incohérences dans les doses administrées dans certains pays à des questions éthiques sur la collecte des informations sur les patients, en passant par le refus des auteurs de donner accès aux données brutes.

Des incohérences dans lesquels se sont engouffrés les nombreux soutiens, très mobilisés sur internet, du professeur Raoult, qui défend l’usage de la chloroquine contre le Covid-19.

« Soit ce sont des erreurs, soit c’est une fraude »

Ces données émanent de Surgisphere, qui se présente comme une société d’analyse de données de santé, basée aux États-Unis. L’entreprise dirigée par Sapan Desai a assuré que les accords avec les hôpitaux partenaires lui interdisent de partager les données, dont elle a défendu l’intégrité.

En France, le Professeur Gilbert Deray, néphrologue à la Pitié-Salpêtrière, n’a jamais défendu l’usage de cette molécule. Mais aujourd’hui, il fait partie de ceux qui s’interrogent. « On s’étonne, voyant que par exemple le nombre de morts en Australie, serait supérieur au nombre de morts total qui a jamais été annoncé en Australie. On s’étonne de constater que certains hôpitaux ont été inclus, alors que les mêmes hôpitaux disent ‘non on n’a pas été inclus' », explique le spécialiste à France Inter. « Soit ce sont des erreurs, et pourquoi pas, soit c’est une fraude ».

Le Monde rappelle qu’une enquête du Guardian a déjà permis de lever une partie du mystère à propos du décompte des morts en Australie : « La différence serait due à un mauvais codage des données, un hôpital asiatique s’étant par erreur identifié comme australien », selon Sapan Desai, co-auteur de l’étude et fondateur de l’entreprise américaine spécialisée dans les données médicales Surgisphere.

Pour le professeur Deray, « on doit déterminer deux choses : premièrement est-ce que les données sont vraies ou sont fausses ? La deuxième chose à déterminer c’est, si c’est faux, pourquoi ? Parce que ça a un impact sur la vie des gens ! » Le néphrologue tient à signaler qu’il n’a pas d’à priori concernant la chloroquine : « Je n’ai pas de camp moi, ne suis ni pour ni contre. Nous  cherchons où est la vérité. » 

On devrait connaître les explications des auteurs de l’étude et de la revue dans quelques jours. Des erreurs, voire une fraude, jetterait un discrédit considérable sur le monde scientifique et viendrait rouvrir ce dossier hydroxychloroquine qu’on pensait, pourtant, clos.

Les auteurs de l’étude maintiennent leurs résultats

L’un des auteurs a indiqué à l’AFP qu’ils maintenaient les résultats en dépit des erreurs qu’il y a eu : « Nous sommes fiers de contribuer aux travaux sur le Covid-19 » en cette période d’« incertitude », a déclaré vendredi Sapan Desai.

Interrogée vendredi sur cette affaire, l’OMS a noté que la suspension des essais impliquant l’hydroxychloroquine était « temporaire » et que ses experts rendraient leur « opinion finale » après l’examen d’autres éléments (notamment les analyses provisoires de l’essai Solidarity), probablement d’ici à la mi juin.

Des données devraient aussi venir de l’essai britannique Recovery, dont la partie hydroxychloroquine se poursuit. Se basant sur leurs propres données de mortalité, ses responsables estiment qu’il n’existe « pas de raison convaincante de suspendre le recrutement pour des raisons de sécurité ».

Source FRANCE INTER.

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