Les codes barres, une solution pour protéger les personnes âgées atteintes de démence ?…

Au Japon, les technologies sont de plus en plus utilisées pour répondre aux enjeux créés par la population la plus vieille du monde.

Des solutions sont développées en particulier pour protéger les personnes âgées touchées par des formes de démences séniles (Alzheimer, Parkinson, etc.). Pour lutter contre les risques de disparition, la ville de Matsudo distribue par exemple des badges avec des QR codes (lisibles sur un smartphone) qui peuvent fournir des informations de base sur une personne perdue. En quoi cette solution vous parait avantageuse ?

Jérome Pigniez : La Super-Aged Nation qu’est le Japon, est effectivement confrontée à un phénomène de vieillissement de la population sans précédent, la pyramide des âges du pays est très érodée à sa base et n’a de pyramide plus que le nom.

Face à ce défi de transition démographique, et du fait d’un manque d’aidants (professionnels ou familiaux) pour répondre aux besoins des personnes très âgées et/ou dépendantes, le Japon fait effectivement appel à l’innovation technologique. Même si il n’y a pas encore de robots assistants dans toutes les maisons japonaises… Nous aurons d’ailleurs le plaisir d’étudier ces innovations à l’occasion des SilverEco and Ageing Well International Awards en Juin prochain à Tokyo.

La solution de QR codes distribués par la ville de Matsudo n’est pas vraiment nouvelle sur le principe, et existe dans d’autres secteurs.

A titre d’exemple une solution équivalente existe aussi au Japon avec des QR Codes collés sur les ongles : https://www.silvereco.fr/japon-un-senior-retrouve-grace-a-un-qr-code/3193903

Cette solution est cependant avantageuse dans l’usage qui en est fait ici, du fait qu’elle est une solution très low cost, qu’elle est associée à des équipes de groupes de volontaires chargés de la surveillance des problèmes de démences, et que la généralisation de ce système à toute une ville permet de massifier et vulgariser l’usage afin que chaque citoyen soit en mesure d’identifier le badge QR code et savoir à quoi il sert, faute de quoi le système ne peut fonctionner…

Quels sont les équivalents de ce genre de solutions qui sont utilisés en France ?

Comme je le disais la solution de QR codes qui une fois scannés permettent d’accéder à une page internet avec l’identification de la personne, ses coordonnées, éventuellement des données médicales (…) n’est pas nouvelle. Elle existe déjà en France, l’idée ici n’est pas de citer de marques, mais plusieurs dispositifs sont commercialisés, en pharmacie par exemple, pour les enfants, les motards, les sportifs ou encore les seniors, sous forme de patch et même de bijoux !

Une société a notamment développé un QR Code qui une fois scanné se connecte à un site internet qui demande à l’utilisateur du smartphone d’autoriser la géolocalisation. Le système permet ainsi de pouvoir émettre une alerte avec le positionnement satellite.

Quelles sont les limites éventuelles de ces technologies pour protéger ces personnes fortement dépendantes ? Comment compléter activement ces dispositifs techniques ?

Cette solution nécessite effectivement qu’elle soit connue par l’ensemble des citoyens à même de venir en première aide auprès d’une personne.

Mais surtout ce dispositif nécessite qu’une tierce personne puisse trouver la personne âgée qui s’est égarée. Si, comme cela s’est déjà produit, une personne en situation d’errance tombe à un endroit où personne ne peut la trouver, le dispositif sera inefficace. Ceci-dit le mieux est l’ennemi du bien et je le répète la solution est low cost, alors pourquoi s’en priver sur le principe.

Pour les personnes fortement dépendantes des technologies de type trackers GSM GPS portés par exemple au poignet sont des technologies qui permettraient de répondre à une problématique plus complexe de personnes avec des troubles cognitifs plus conséquents. A tort cette technologie a été comparer en termes d’usages aux bracelets pour les prisonniers. Si la technologie embarquée est effectivement quasiment la même, l’usage est pour le coup tout à fait différent : ce type de techniques permet de retrouver une personne par exemple lorsqu’elle sort d’un périmètre défini au préalable. Plutôt que de bracelet prisonnier, je préfère la logique de bracelet de liberté d’errance dans ce cas de figure.

Ceci étant dit, je pense in fine que la question est plus éthique que technologique.

Qu’il s’agisse de badge QR codes, de GPS, ou de n’importe quelle technologie qui a un moment peut-être portée par une personne et signaler sa localisation et certaines informations personnelles, il y a un risque de liberté individuelle, j’entends déjà certains parler de fichage… Par ailleurs une personne malveillante pourrait utiliser ce système.

La véritable question éthique réside dans le fait d’imposer ou non l’usage de ce type de dispositifs. Pour une personne sous tutelle le problème ne se pose pas, il appartiendra au tuteur de prendre la décision.

Ce type de technologie va fortement évoluer dans les prochaines années, je pense qu’il est à ce sujet important de réfléchir dès maintenant à une logique de consentement préalable, pour ou contre l’usage de ce type de technologie, un peu dans le même état d’esprit des directives anticipées sur la fin de vie.

Source ATLANTICO.

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