Les clés pour trouver une bonne maison de retraite…

Chercher un Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à la hauteur est source d’angoisse pour les futurs résidents et leurs proches.

Les insoutenables scènes de maltraitance filmées en caméra cachée dans un Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) d’Arcueil (Val-de-Marne) en début d’année ont marqué les esprits. Le 22 mars dernier, l’aide-soignant mis en cause a été condamné à cinq ans de prison ferme par le tribunal de Créteil.

L’affaire a terni l’image déjà peu flatteuse de ces structures d’hébergement médicalisées. Ce type d’établissements, qui accueille 600 000 Français, demeure pourtant un passage obligé lorsque le maintien à domicile d’une personne n’est plus possible.

Pour les familles, trouver une maison de retraite offrant un maximum de garanties relève souvent du casse-tête. La bonne nouvelle, c’est que le prix n’est, en la matière, pas un gage de qualité. « Ce n’est pas dans les Ehpad les plus chers que l’on se sent le mieux. Il n’y a aucune corrélation entre le tarif et la note moyenne attribuée par les internautes », constate Arnaud Dabard, cofondateur de Retraite Advisor, l’équivalent du comparateur touristique TripAdvisor.

Sur cette plateforme collaborative créée en 2017, les clients évaluent les structures pour personnes âgées selon douze critères : hygiène, bien-être global, fréquence des animations… Or, si l’on en croit ces résultats, la capacité d’accueil, le caractère public ou privé de l’établissement ou la notoriété du groupe propriétaire ne jouent pas sur la satisfaction des résidents et de leurs proches. « Ce qui compte, c’est le facteur humain, l’implication du directeur d’établissement et de l’équipe en place », assure Arnaud Dabard.

Néanmoins, plusieurs éléments doivent entrer en ligne de compte lors de la prospection. A commencer par la situation et l’environnement de l’Ehpad. La personne hébergée ne doit pas être coupée de ses habitudes ni arrachée à son milieu. Posez-vous les bonnes questions. Y a-t-il des commerces à proximité ? Des transports en commun ? Des promenades piétonnes ? Le temps de trajet est-il dissuasif pour les visiteurs ?

Un senior qui fréquente assidûment un club du troisième âge sera, par exemple, malheureux s’il ne peut plus s’y rendre. « Un citadin risquera de se sentir déboussolé en milieu rural, souligne Arnaud Dabard. Et une bourgeoise des beaux quartiers de Paris aura plus de mal à s’intégrer dans un Ehpad situé dans une ville ouvrière. »

Plusieurs visites préalables s’imposent

Renseignez-vous sur la réputation de l’établissement, grâce au bouche-à-oreille, aux sites comparateurs… Et pensez aux structures qui pratiquent aussi l’accueil temporaire. « Effectuer des séjours de courte durée peut constituer un bon moyen de se familiariser avec une institution et son personnel. Mais les lits disponibles sont peu nombreux », prévient Thierry Dargaud, psychologue spécialiste en gérontologie.

Quelle que soit la méthode choisie, une ou plusieurs visites préalables s’imposent, de préférence en compagnie du proche concerné. « Présentez-vous à l’improviste et fiez-vous à vos sens », conseille Arnaud Dabard. L’odeur, neutre ou prononcée, qui flotte dans les couloirs, devrait vous donner une première indication sur l’hygiène des lieux.

Observez attentivement les résidents. Sont-ils parqués devant la télé ou occupés à des activités ? Ont-ils des gestes d’affection envers le personnel ? Paraissent-ils désoeuvrés ? Alertes ? Curieux ? « Si leur regard est fuyant, méfiant, ce n’est pas bon signe. En revanche, s’ils couvrent de tendresse le personnel, c’est plutôt rassurant », prévient le jeune dirigeant.

Une liste d’activités trop riche cache souvent un loup

Surtout, prévoyez d’arriver avant le déjeuner afin d’examiner le contenu des assiettes, voire d’y goûter. « Demandez si les plats sont confectionnés sur place ou s’ils sont livrés par une centrale, suggère la journaliste Anna Dubreuil, auteure de Dépendance, le guide pratique 2019 (Prat Editions, à partir du 18 avril). Et faites-vous préciser l’heure des repas. Les services trop rapprochés ne favorisent pas l’appétit. Or de 15 à 38 % des résidents d’Ehpad souffrent de dénutrition en France. »

Le bien-être des pensionnaires étant en partie conditionné par l’organisation de la vie quotidienne, jetez un oeil au règlement intérieur pour voir, par exemple, si les animaux sont tolérés, ce qui est rarement le cas. Consultez le planning des activités proposées et assurez-vous qu’elles collent aux attentes et à l’état de santé du futur résident. Une liste trop fournie cache souvent un loup.

« Les établissements s’en servent comme d’une vitrine pour justifier des tarifs plus élevés, note Arnaud Dabard, mais parfois, le décalage entre la réalité et la promesse commerciale est immense. Mieux vaut donc trois modestes ateliers qu’une douzaine toujours annulés au dernier moment. »

Pour lui, les structures qui se distinguent sont d’abord celles qui offrent au résident la possibilité de s’impliquer. « Eplucher les carottes du dîner ou distribuer le courrier aux autres résidents sont autant de petites missions appréciées, permettant aux seniors de se sentir utiles », fait-il valoir.

Une fois le cadre passé en revue, intéressez-vous aux effectifs. La transparence est rarement de mise. Alors n’hésitez pas, là aussi, à enquêter. Combien y a-t-il d’infirmiers et d’aides-soignants en journée et le week-end ? Quelle est la qualification des employés de nuit ? L’établissement est-il relié à un centre hospitalier ? Les pensionnaires ont-ils droit à une vraie douche au moins une fois par semaine ?

Il arrive que les soins du quotidien soient réalisés au pas de course, faute de personnel. « En Ehpad, on compte en moyenne 6,3 employés – dont trois soignants – pour dix résidents, mais la loi n’impose pas de minima », précise Annabelle Vêques-Malnou, directrice de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées.

Or le secteur, dans lequel les arrêts maladie sont plus fréquents que dans le BTP, peine à recruter. Il manque ainsi 17 000 personnes dans les Ehpad, selon le rapport Libault, remis le 28 mars dernier au ministère de la Santé.

Ainsi, si 14 % d’entre eux obtiennent la mention « très bien », selon l’étude 2018 de Retraite Advisor, 33 % sont considérés « dangereux » pour les résidents. Afin de vous faire une idée des problèmes d’un établissement, consultez les comptes rendus du conseil de la vie sociale, qui réunit représentants des résidents et du personnel.

Certains soins sont parfois facturés en sus

Enfin, faites-vous préciser ce qui est inclus ou non dans les tarifs « hébergement » et « dépendance », qui composent le prix total. L’entretien du linge et certains soins sont parfois facturés en sus. En France, le coût médian d’une place en Ehpad pour le résident s’élève à 1 850 euros par mois. Mais les disparités entre les départements sont fortes, et les prix peuvent dépasser 5 000 euros dans certaines institutions privées haut de gamme.

Pour vous aider à comparer, faites un tour sur le site Pour-les-personnes-agees.gouv.fr. Il recense les tarifs des établissements et calcule en un clin d’oeil le reste à charge, c’est-à-dire la somme qu’il faudra effectivement débourser après déduction des aides publiques.

Sachez cependant que quelques rares structures pratiquent une tarification innovante, fixée en fonction des moyens du pensionnaire. C’est le cas de Groupe SOS, qui a mis en place un « surloyer solidaire » dans la plupart de ses Ehpad. Pour augmenter la qualité de services sans pénaliser les plus modestes, les résidents les plus aisés paient davantage, entre deux et neuf euros de plus par jour selon le territoire.

En outre, le rapport Libault préconise de baisser de 300 euros par mois le reste à charge pour les revenus compris entre 1 000 et 1 600 euros. Il propose aussi de créer un « bouclier autonomie », c’est-à-dire une aide moyenne de 740 euros par mois pour les 90 000 résidents hébergés depuis plus de quatre ans en Ehpad. La loi Grand Age et autonomie sera présentée à l’automne 2019 au Conseil des ministres.

« IL FAUT ABORDER TOUTES LES QUESTIONS, MÊME LES PLUS CRUELLES »

Thierry Dargaud, psychologue spécialisé en gérontologie et maître de conférences à l’Université Toulouse – Jean-Jaurès, nous explique comment réagir face à un proche dont l’entrée en maison de retraite paraît inévitable.

Qu’est-ce qui déclenche l’arrivée en maison de retraite ?

L’apparition de troubles cognitifs, comme la perte de mémoire, quand ils sont liés à des maladies neuro-évolutives, constitue la cause majeure d’une arrivée en Ehpad. Et plus de 80 % des admissions surviennent après une hospitalisation (à cause d’une fracture, une grippe…) dans les trois mois qui les ont précédées.

Que dire ou ne pas dire à un proche qui a toute sa tête ?

Le pire est de déguiser la maison de retraite en solution temporaire, en maison de repos. Il est important d’aborder toutes les questions, même les plus cruelles. La discussion doit être honnête. Si c’est trop difficile, la famille peut demander aux services sociaux d’organiser une concertation.

La culpabilité est parfois très forte pour l’entourage de la personne concernée…

Oui, mais il ne faut pas la laisser rompre le lien affectif. Une personne âgée a besoin d’être accompagnée pour surmonter la rupture que constitue le départ du domicile. Toutefois, visiter son père ou sa mère ne doit pas devenir une obligation persécutante. La famille doit se sentir libre de venir quand elle le veut. En revanche, elle doit être claire quant à la fréquence des visites, pour ne pas plonger la personne âgée dans une situation d’attente.

Les Ehpad n’ont pas toujours une bonne image…

C’est vrai. Et il faut s’attendre, dans les années à venir, à voir émerger des colocations autogérées de personnes âgées, qui mutualisent les services auxquels elles ont droit, ainsi que leurs moyens, sur le modèle de ce qui se pratique déjà en Suède, en Norvège et, depuis peu, en Allemagne. A terme, les Ehpad ne devraient ainsi accueillir que les plus dépendants.

Source LE PARISIEN.

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