Les accompagnants des élèves en situation de handicap, « les grands oubliés de l’Éducation nationale »…

Les accompagnants des élèves en situation de handicap, « les grands oubliés de l’Éducation nationale »

En France, les AESH assurent des missions d’aide aux élèves en situation de handicap. Bordelais, Sébastien Cazaubon veut alerter sur les difficultés et la précarité de ce métier.

Les accompagnants des élèves en situation de handicap, « les grands oubliés de l’Éducation nationale »

Son combat sera long, compliqué. Sébastien Cazaubon, 39 ans, le sait. Mais il ne lâchera pas l’affaire, quitte à récolter les mauvais points auprès de sa hiérarchie. Originaire de Bordeaux (Gironde), l’homme a un objectif très clair: se battre pour que son métier, AESH (accompagnant d’élèves en situation de handicap) soit revalorisé, (enfin) connu et reconnu à sa juste valeur.

En France, ils sont environ 100 000 AESH. Leur vocation: favoriser l’autonomie de l’élève en situation de handicap (moteur, troubles « dys »…) sans se substituer à l’enseignant.

« On est vraiment un outil dans la trousse des élèves suivis. On est vraiment les acteurs de l’inclusion scolaire », dit-il, au téléphone.

Sébastien Cazaubon est AESH depuis janvier 2019.

Au départ, Sébastien n’était pas vraiment dans ce domaine. Lui a bossé une dizaine d’années dans la restauration, débutant à la plonge pour terminer comme cuistot. Il y a sept ans, ce célibataire, sans enfant, tombe gravement malade. On lui détecte un lymphome (un cancer du système immunitaire). Résultat : chimio pendant six mois et une nouvelle « façon de voir la vie. »

« Je me suis retrouvé dans un situation où je ne savais plus quoi faire. Je n’étais plus le même. Mon organisme avait pris un sacré coup. »

Avec Pôle Emploi, cet habitant des Landes tombe sur un diplôme d’État intitulé « Accompagnant éducatif et social ». Ça le botte. La formation dure un an avec plusieurs stages à effectuer dans l’univers du médico-sociale. Une fois son diplôme en poche, il postule, guère confiant, pour un poste d’AESH dans un collège, situé à Mont-de-Marsan.

« Je n’avais pas fait de stage dans le domaine de l’inclusion scolaire. Je voulais bien essayer. Finalement, je suis tombé amoureux de ce métier, moi qui a eu un parcours scolaire très compliqué avec de très mauvais souvenirs. »

« Psychologiquement, c’est dur »

Il démarre son job en janvier 2019 en accompagnant deux collégiens. Sébastien découvre les joies de ce métier. Comme la possibilité de les voir progresser au fil des mois, au fil d’une relation de confiance qui se tisse progressivement.

Bon attention, tout n’est pas tout rose, non plus. Loin de là. Les difficultés, importantes, sont quotidiennes :

« Psychologiquement, c’est dur. Il faut aussi être d’une concentration extrême. Les élèves sont très imprévisibles: on peut passer des journées très calmes comme des journées très très compliquées avec des crises. »

Et puis il faut parler des déconvenues, des « incohérences », des « injustices ». Celles que l’on n’étudie pas en formation, que l’on découvre sur le terrain. Comme le statut des AESH. « Du grand n’importe quoi », résume Sébastien, direct comme un uppercut.

« Aujourd’hui, nous avons un contrat de trois ans renouvelable une fois, avant d’être (ou non) en CDI. On a aucune sécurité de l’emploi. On est agent contractuel et non fonctionnaire. On ne peut rien prévoir, faire aucun projet. Par exemple, l’an dernier, j’ai dû changer de voiture et ça a été la croix et la bannière pour obtenir un crédit. »

Obligé de cumuler trois emplois pour s’en sortir

Sur le plan financier, le salaire est dérisoire. C’est bien simple, l’an passé, l’homme touchait 780 euros par mois pour 25 heures de travail hebdomadaire. Pour la nouvelle année scolaire, il ne connait toujours pas le nombre d’heures qu’il va effectuer. Ni le nombre d’enfants suivis. Il devrait probablement le découvrir « lors de la pré-rentrée. »

« Vous savez, j’ai déjà eu cinq ou six avenants sur mon contrat initial depuis janvier 2019. Je ne suis pas à l’abri de faire moins d’heures. »

Aujourd’hui, Sébastien Cazaubon doit cumuler trois emplois pour arriver à se tirer difficilement 1 100 euros à la fin du mois « avec un nombre d’heures pas possible. » Il s’occupe, en parallèle, d’enfants autistes. D’autres AESH changent carrément de métier, s’effondrent et tombent en dépression.

« Le ministère de l’Éducation nationale doit envoyer un message fort »

L’homme n’élude rien et entame ce combat pour la reconnaissance de cette profession. Contre « sa précarisation. » Il s’interroge :

«  »Comment voulez-vous qu’on accompagne un élève en situation de handicap, alors que les AESH sont eux-mêmes en situation de vulnérabilité », s’interroge-t-il.

Pour lui,

« Le ministère de l’Éducation nationale doit envoyer un message fort avec une revalorisation de nos salaires. De nos jours, il est impensable de voir que le salaire moyen d’un AESH se situe entre 600 et 800 euros. Nous souhaitons des temps plein. En France, seulement 1% des AESH en CDD sont en temps plein et 4% en CDI (1). Au final, nous sommes les grands oubliés de l’Éducation nationale, les « fantômes » du ministère, tellement que nous sommes invisibles. » »

Source ACTU BORDEAUX.

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