« Le Monde des lecteurs » – Autisme : utilisation abusive de ce terme…

Thierry de Navacelle, comme de nombreux lecteurs confrontés à cette maladie, regrette la mauvaise utilisation du terme autisme faite, trop souvent, dans la presse.

« J’espère que cette bouteille à la mer réussira à vous convaincre de cesser d’utiliser le mot autisme à mauvais escient. »

 

« Cela date de 2019 ! pas de changement ! C’est pire ! La Rédaction HANDICAP INFO »

 

Lecteur quotidien de votre journal depuis plus de 45 ans (j’en ai 68), je me permets de vous écrire après avoir lu l’éditorial du 26 mars « Catholiques : de la stupeur à la colère » où l’on parle de l’autisme de l’église.

Père veuf de deux adultes autistes (un Asperger et un classique), alors que les « gens instruits » utilisent depuis trop longtemps (Jospin avait l’un des premiers parlé de l’autisme des syndicats) le terme autisme pour parler du côté aveugle et borné de groupes d’individus, j’ai envie de vous dire, avec un peu de retard, je vous l’accorde, combien c’est déprimant pour des parents d’autistes qui se battent tous les jours pour intégrer leurs enfants dans la société, de voir le regard que des gens, qui manifestement n’ont aucune connaissance de ce trouble, ont sur leurs enfants, et leur collent une étiquette de personnes pas ouvertes aux autres, désespérément tournées sur elles-mêmes, osons le dire, quasiment irrécupérables.

Ces gens-là, comme disait Jacques Brel, sont d’ailleurs sans doute en partie responsables du manque de confiance et d’ouverture de beaucoup d’autistes. Vincent, 27 ans, adore les gens, toutes les musiques, d’Eminem à Mozart mais surtout l’opéra et les chants sacrés, serre la main du boulanger et du cordonnier ou du garçon de restaurant, adore voyager et les expositions, et fort de sa très bonne mémoire, se souviendrait de vous et de votre nom et du lieu où vous vous êtes rencontrés dix ans plus tard.

Et il n’est pas Asperger, mais autiste plutôt lourd, avec pas mal de troubles de comportement qui l’empêchent d’être parfaitement autonome. Renseignez-vous auprès de parents autistes, rencontrez des autistes, passez du temps avec eux, la prochaine fois que vous en croisez un (car heureusement aujourd’hui tout le monde est partant pour les intégrer le plus possible) regardez-les comme des êtres humains, beaucoup d’entre eux vous épateront pour leur curiosité de l’autre, et si vous pouvez changer votre regard sur eux, vous vous apercevrez que ceux qui effectivement, paraissent fermés sur eux-mêmes, sont prêts à répondre aux personnes qui ne les regardent pas comme des cas désespérés.

Peut-être qu’après ces expériences, vous arrêterez de parler négativement de l’autisme en l’attribuant à des milieux fermés. Et avec la pratique, vous verrez que ces autistes sont des personnes attachantes et prêtes à aller vers vous si vous-mêmes leur ouvrez vos bras. J’espère que cette bouteille à la mer réussira à vous convaincre de cesser d’utiliser le mot autisme à mauvais escient.

Thierry de Navacelle, Paris

Source LE MONDE.

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