Le Mans. Alzheimer : aidants familiaux, Denise et Didier témoignent de leur épuisement…

La sœur et le frère, résidant au Mans, accompagnent au quotidien leur mère, Gabrielle, atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Son état de santé mentale s’est dégradé brutalement les six derniers mois de 2019.

Denise et Didier Montauzou se sentent à présent démunis.

Trouver une place dans une structure spécialisée, adaptée aux moyens financiers de la famille, est difficile.

Maladie d’Alzheimer. Témoignage de Denise et Didier Montauzou, aidants familiaux. Le Mans 6 novembre 2019

Gabrielle somnole par intermittence dans son fauteuil face à la télé dont le son a été coupé pour les besoins de l’entretien avec ses enfants. Elle a auparavant feuilleté une revue. Elle tourne parfois la tête vers nous, le regard absent. Elle vient ensuite s’asseoir à la table du salon avec l’aide de son fils. Elle se met soudainement à pleurer, agitée, proférant des paroles confuses. Denise et Didier la calment avec des mots apaisants.

À bout

L’état de santé de Gabrielle, 88 ans, atteinte de la maladie d’Alzheimer, s’est détérioré brusquement durant ces six derniers mois. Et celui de ses enfants, Denise 55 ans et Didier 56 ans, également. Ils se disent « épuisés », « à bout ».

« Le Maine Libre » avait rencontré Gabrielle, Denise et Didier Montauzou fin août 2018 à leur domicile manceau. Les deux enfants avaient témoigné de leur accompagnement au quotidien de leur maman. Comment ils procédaient pour tenter de ralentir la progression de la maladie en stimulant Gabrielle à travers les tâches de tous les jours. Ils expliquaient alors qu’ils avaient refusé de la placer dans un établissement spécialisé car leur mère avait une toute petite retraite et « qu’elle se serait laissée dépérir dans un tel lieu ».

Gabrielle avait été diagnostiquée en 2014. Les premiers symptômes sont apparus il y a 17 ans, à la mort de son mari, d’après les souvenirs de sa fille.

Des chutes à plusieurs reprises

En août 2018, les deux enfants expliquaient qu’ils arrivaient à se préserver un peu de temps pour eux en demandant parfois à des voisines de garder Gabrielle quelques heures. Aujourd’hui, le fragile équilibre semble brisé. Didier est en arrêt maladie depuis quelques jours. Denise, bénéficiaire de l’Allocation adulte handicapé souffrant de polyarthrite et de fibromyalgie, a fait une tentative de suicide en juillet et un malaise cardiaque. « Cela faisait un mois et demi que nous ne dormions plus la nuit : maman dormait le jour et restait éveillée la nuit. Une fois, nous l’avons retrouvée, tombée par terre, au pied de son lit », explique Denise.

« Notre mère est tombée à plusieurs reprises ces derniers mois. Elle a été hospitalisée durant une semaine à la suite d’une chute le 24 octobre 2019. Nous n’avons plus de moments de tranquillité. Elle est parfois très agitée. Quand elle est contrariée, elle peut avoir une réaction violente comme un jeune enfant qui ne maîtrise pas la frustration. Elle peut lancer des objets, par exemple. Elle supporte difficilement les contacts physiques. Il y a des choses simples qu’elle savait faire qu’elle est en train de perdre : mettre ses sous-vêtements, manger avec un couvert… On répète tout continuellement mais elle oublie. C’est très dur physiquement également car il faut la soulever. Parfois, elle peut demander à aller aux toilettes dix fois par heure. »

Isolement

L’été dernier, Denise a écrit au président Macron pour lui rappeler l’isolement et la détresse des aidants de personnes âgées, d’adultes ou enfants handicapés. « J’ai eu une réponse type du chef de cabinet du président de la République m’indiquant que le président s’était engagé en avril dernier à construire de nouveaux droits pour les aidants familiaux. Décevant. »

Depuis le mois d’octobre, Gabrielle va tous les mardis à la maison Myosotis en accueil de jour. Un répit pour Denise et Didier mais insuffisant compte tenu de leur épuisement. Ces derniers réalisent aujourd’hui que cette maladie les a complètement isolés. « Didier travaille de 4 h 30 à midi. S’il n’y avait pas l’auxiliaire de vie à venir le matin durant une heure, je ne parlerais avec personne », confie Denise.

Sur listes d’attente

À présent, les deux enfants souhaitent faire entrer leur mère dans un établissement spécialisé. Les revenus de Gabrielle sont modestes : une retraite de 1 080 €. Elle n’a pas de patrimoine. Elle réside dans un logement social dont elle est locataire avec ses deux enfants.

« Nous avons rempli plusieurs dossiers pour des établissements publics qui donnent droit à des aides sociales mais il n’y a pas de place pour le moment. Elle est inscrite sur une liste d’attente. Quant aux établissements privés, nous n’avons pas les moyens. Ce serait plus simple de trouver une place hors Le Mans mais je ne conduis pas. Or il nous faudra accompagner maman quand elle sera en résidence », explique Denise.

« Nous avons endossé trop de choses. Nous ne nous sommes pas assez protégés par rapport à cette maladie. Ce que nous avons fait, je ne conseille pas de le faire… Nous aurions dû placer notre mère plus tôt. »

Source OUEST FRANCE.

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