La vaccination contre le Covid, victime de la bureaucratie française…!

Les difficultés de la France à gérer la crise sanitaire ne font que révéler les dysfonctionnements du système de santé français, devenu un monstre de bureaucratie.

On pouvait encore faire preuve de mansuétude pour la pénurie de masques ou de tests au printemps dernier. De nombreux pays y compris le plus riche d’entre eux, les États-Unis d’Amérique, y ont été confrontés. La mondialisation de l’épidémie et la dépendance de la plupart des pays vis-à-vis de la Chine pour l’approvisionnement de fournitures médicales ont créé une pénurie qui fut mondiale. Nos dysfonctionnements n’ont fait, bien entendu, qu’aggraver les choses, pour ne prendre que le seul exemple des tests où l’hospitalo-centrisme des débuts a empêché leur déploiement rapide, lorsque seuls les laboratoires des CHU étaient autorisés à les réaliser.

Les choses sont, cette fois-ci, différentes. On a assisté quasiment en temps réel à la mise au point et à l’autorisation des premiers vaccins. Nous avions largement le temps de nous y préparer. La bureaucratie sanitaire nous en a empêchés. Le système de santé est sans doute aujourd’hui une des meilleures illustrations du phénomène bureaucratique que décrivait Michel Crozier, il y a près de soixante ans! Un système dans lequel la centralisation et la multiplication des règles paralysent son efficacité en dépit de la qualité des professionnels qui y travaillent.

La déroute vaccinale française

Au 1er janvier 2021, 516 personnes avaient été vaccinées en France contre 230.000 en Allemagne, alors que les deux pays ont commencé à vacciner le même jour. Le Royaume-Uni qui a démarré sa campagne le 8 décembre, avait dépassé le cap du million.

On pouvait voir dans un reportage de France 2 du 19 novembre dernier comment nos voisins allemands s’y sont préparés depuis plusieurs mois: aménagement d’espaces publics, commande de congélateurs… Pendant ce temps, la France débattait du collectif de citoyens et élaborait un guide de 45 pages pour recueillir le consentement dans les EHPAD! De belles constructions intellectuelles dans lesquelles la bureaucratie française excelle, loin du pragmatisme de nos voisins.

La France a récusé un peu trop rapidement le modèle des vaccinodromes, pourtant plus adaptés au contexte actuel, prétextant du précédent malheureux de la grippe H1N1, en oubliant que l’échec a surtout été dû au fait que l’épidémie s’est révélée moins grave que prévu. Ce n’est pas le cas du Covid-19, qui risque même de prendre de l’ampleur avec la souche anglaise présente dans l’Hexagone. Il nous faut aujourd’hui aller vite et gagner une course contre la mort. La logistique des premiers vaccins autorisés, notamment celui de Pfizer qui doit être conservé à -80°C, militait également pour le choix d’espaces adaptés et une logistique plus musclée.

« La France a récusé un peu trop rapidement le modèle des vaccinodromes, pourtant plus adaptés au contexte actuel. »

On aurait pu imaginer un système mobilisant à la fois les collectivités locales pour les lieux, le savoir-faire de l’armée française pour l’organisation logistique et le tissu des professionnels de santé pour l’administration des vaccins. À ce sujet, on comprend mal pourquoi les pharmaciens et les infirmiers ont été exclus du dispositif de vaccination. Probablement le souci de ne pas mécontenter les médecins au moment où l’Assurance maladie est en pleine négociation conventionnelle.

Le choix a semble-t-il été délibérément fait, dès le départ, de démarrer avec un plan en deux étapes. Une première jusqu’au printemps avec les vaccins à ARN de Pfizer et Moderna, en prenant appui sur les hôpitaux qui ont été équipés de super-congélateurs, avec un démarrage dans les EHPAD qui ne pouvait être que poussif. Une seconde plus massive avec des vaccins se prêtant davantage à une vaccination en cabinet médical car pouvant se conserver au réfrigérateur, comme celui d’Astra Zeneca, de Johnson&Johnson ou de Sanofi, dont la France espérait probablement qu’il rejoindrait le peloton d’ici là. La campagne française ne pouvait démarrer que mezza voce. Un «rythme de promenade de famille», selon une expression d’Emmanuel Macron lui-même, alors que nous sommes engagés dans un sprint.

Changer de modèle

Sous la pression des critiques et dans une relative improvisation, le gouvernement dit vouloir accélérer les choses en modifiant sa doctrine vaccinale et en ouvrant des centres de vaccination. On aurait pu y penser plus tôt. Il est trop tard aujourd’hui pour envisager des centres sur le modèle allemand. On a donc opté pour des centres de vaccination de taille plus modeste.

Où seront ces centres? Le flou demeure sur leur nombre exact et leur implantation. On a commencé à les ouvrir dans les hôpitaux en les équipant de super-congélateurs. C’est la solution de facilité d’autant que les personnes à vacciner sont sur place. Mais on restera dans un modèle hospitalo-centré et il n’est pas certain que les médecins libéraux y collaboreront spontanément. On voit mal ces centres se déployer à large échelle au moins pour le vaccin Pfizer/BioNtech, compte tenu des contraintes logistiques liées à la conservation à basse température. Pour toutes ces raisons, ne nous attendons pas à des miracles sur le nombre de personnes vaccinées.

Comme pour les tests, les choses finiront par s’améliorer lorsque arriveront les vaccins plus faciles à conserver, en espérant que le prochain problème qui nous attend ne résidera pas dans l’insuffisance des stocks de vaccins. En attendant, on aura perdu beaucoup de temps, et s’il n’y avait que du temps de perdu!

Source SLATE.

 

 

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