La natation, source de bienfaits pour les enfants autistes…

Pour les enfants atteints d’autisme, apprendre à nager présente un intérêt majeur.

Ce sport les aide à développer leurs capacités sensori-motrices et leurs compétences de communication et de socialisation.

Adam (7 ans) et son maître-nageur, Jacky Guillot, lors de la séance de natation organisée au centre aquatique de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).

Dans le bassin ludique de la piscine de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), un duo retient l’attention. Un jeune garçon enjambe, agile, une série de barrières en mousse sur un tapis flottant. Ces obstacles avalés, il grimpe, tout aussi véloce, sur un mur d’escalade rembourré. Parvenu au sommet… plouf ! Le voici qui se jette à l’eau, visiblement ravi. Le maître-nageur ne le quitte pas des yeux.

S’agit-il d’exercer, avec ces obstacles, les habiletés motrices de l’enfant ? Pas du tout. Pour Adam, 7 ans, ce jeu est une récompense. Car il vient d’accomplir un mini-exploit. Il a obéi à cette consigne : s’allonger dans l’eau tout en tenant un tapis de natation.

Adam est atteint d’une forme d’autisme non verbal. Scolarisé en classe de CP avec l’aide d’une auxiliaire de vie scolaire (AVS) privée, l’enfant ne parle donc pas. Comme la plupart des enfants autistes, il éprouve de grandes difficultés à communiquer avec son entourage. Il manifeste une extrême sensibilité sensorielle à son environnement. Il lui est aussi très difficile de fixer son attention sur une tâche précise. Dès lors, on mesure le défi que constitue l’apprentissage de la natation, pour lui comme pour le maître-nageur, Jacky Guillot.

Une panoplie d’outils

Apprendre à nager à ces enfants, très tôt, est pourtant un enjeu vital. La plupart d’entre eux adorent l’eau. Ce n’est pas sans danger : « La noyade est la première cause de mortalité chez les enfants autistes. Selon une étude américaine, ils ont 160 fois plus de risques de se noyer que les autres enfants », explique l’association Ikigaï. Créée en 2016, cette association de parents s’est donné pour mission d’accompagner l’inclusion des enfants avec autisme (ou un autre trouble neuro-développemental), à l’école et dans les activités de sport ou de loisirs.

A cette fin, elle propose une panoplie d’outils et de services. Parmi eux, une série de dix cours particuliers de natation, supervisés par une accompagnatrice rémunérée par l’association. Au centre aquatique de Neuilly, cet après-midi de janvier, deux enfants en bénéficiaient, pour une séance de trente minutes chacun : Adam et Massyl.

Les premières fois qu’Adam a suivi ces cours, il partait en courant dès qu’on le sollicitait. « Il était dans l’évitement. Maintenant, il a établi un bon contact avec Jacky », se réjouit Stéphanie Gruet-Masson, cofondatrice d’Ikigaï. L’enfant fuit le regard d’autrui, son regard est tourné vers le ciel ou passe à travers vous. Pour autant, on le sent très sensible à son environnement. Mais le jeune garçon est très dispersé, ses capacités d’attention sont réduites. « La séance doit être très structurée pour qu’il comprenne la consigne et se concentre. Nos phrases doivent être simples, utiliser le même vocabulaire », explique Elise Collignon, l’accompagnatrice qui supervise la séance. Elle-même est la maman d’un enfant autiste.

Des progrès sensibles

Surtout, Elise fait appel à des supports visuels. Elle présente à Adam des pictogrammes dessinant la consigne, collés par des Velcro sur une planche de natation. Taper des pieds dans l’eau ; s’allonger sur l’eau dans la position du nageur ; souffler hors de l’eau en lançant un ballon dans un panier ; rechercher avec les pieds des anneaux placés au fond du bassin… A chaque consigne, l’enfant réalise ou amorce le geste demandé. Il doit répéter les mouvements trois fois, validant chaque action à l’aide d’un jeton. « C’est super, le félicite Elise. Tu peux aller sur le mur d’escalade ! » Et Adam de filer.

« Pour nous, ce jeu est un renforçateur : il motive l’enfant à agir selon la consigne », explique Stéphanie. Adam a déjà suivi près de dix séances de natation. Ses progrès sont sensibles. Il va sans doute bénéficier de cours supplémentaires. « Il est bien plus tranquille et posé qu’avant », constate son père.

« Cette expérience avec les enfants autistes donne du sens à mon travail. Je me sens utile. » Jacky Guillot, maître-nageur.

« L’intérêt du sport pour les enfants avec autisme est majeur », écrit l’association Ikigaï. Avant d’énumérer la longue liste de ses bienfaits : il améliore le tonus musculaire, l’endurance, l’équilibre, la coordination, la perception du corps dans l’espace, la motricité fine, la qualité du sommeil, les capacités d’attention et la concentration. Il diminue les manifestations d’hypersensibilité sensorielle, le stress et l’anxiété, l’hyperactivité, l’agressivité, l’autostimulation, les comportements obsessionnels et compulsifs ou inappropriés. Il exerce l’autonomie, le respect des règles, les interactions sociales et les émotions. Et il renforce l’image positive de soi.

« C’est entre l’enseignement et le jeu »

Massyl, 8 ans, est lui aussi atteint d’une forme d’autisme non verbal. Lui aussi est scolarisé avec l’aide d’une AVS privée, lui aussi adore l’eau. Mais il n’a pas besoin de mur d’escalade pour se motiver. Etre dans l’eau lui suffit : il tourne sur lui-même, joue à prendre de l’eau dans sa bouche et à la recracher… ou à l’avaler. « C’est interdit ! », lui rappelle sa mère par un signe, les deux index croisés. Très investie, elle utilise un langage des signes adapté à l’autisme, le Makaton.

Pour Massyl, les pictogrammes sont inutiles. La « guidance physique » que réalise sa mère, présente dans l’eau, est efficace : elle se saisit des pieds de l’enfant et les guide dans un mouvement de battement. Tout près, Jacky rectifie le geste s’il le faut. « Avec chaque enfant, il faut trouver le bon canal pour expliquer le geste, commente Elise. L’idée, pour Massyl, est d’estomper la guidance maternelle pour qu’il devienne autonome. » L’enfant parvient déjà à faire trois brasses tout seul.

« Ces cours aident beaucoup Massyl dans son autonomie, le respect des consignes, le sommeil et l’anxiété, observe sa mère. Et Jacky est vraiment top ! » Le maître-nageur a suivi une demi-journée de sensibilisation à l’autisme proposée par l’association Ikigaï. « Cette expérience avec les enfants autistes donne du sens à mon travail, je me sens utile », témoigne Jacky, qui a déjà travaillé avec des enfants et des adultes handicapés. « Cela m’a toujours plu. C’est entre l’enseignement et le jeu. Il faut s’adapter en permanence à l’enfant, trouver les méthodes les plus simples et efficaces. »

Depuis juin 2019, cette intervention est expérimentée à la piscine de Neuilly grâce aux fonds issus du mécénat que reçoit l’association, tel le Fonds Autosphère. « L’idée est d’étendre ce dispositif en Ile-de-France, puis sur tout le territoire », explique Agnès Cossolini, cofondatrice d’Ikigaï.

L’association vient de postuler aux prix de la fondation La France s’engage, créée en 2014 par François Hollande. « Ici, les enfants reçoivent des cours de natation particuliers. Mais le but, à terme, est qu’ils rejoignent de petits groupes de natation », conclut Agnès Cossolini. Une belle façon de promouvoir, au quotidien, une société inclusive.

Source LE MONDE.

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