La difficile bataille contre l’illectronisme, le handicap de l’informatique…

Alors que la dématérialisation des démarches administratives s’accélère, se servir d’un ordinateur et naviguer sur Internet est une véritable épreuve pour des millions de Français.

Plusieurs dispositifs donnent des clés pour se familiariser avec ces outils.

À l’heure du tout numérique, près d’un Français sur cinq se sent perdu lorsqu’il doit compléter une démarche en ligne, que ce soit pour les impôts, la sécurité sociale, ou encore les allocations familiales, révélait l’Insee en 2019. Ce handicap porte un nom : l’illectronisme.

« J’ai mis mon code Pôle Emploi dans ce petit carré-là, et je n’arrive pas à accéder à mon profil », peste-t-il en pointant son écran.

« Le sentiment de se confronter à un mur de plomb »

Au quotidien, c’est « un enfer », raconte-t-il : « Il y a toujours un moment où ça frotte, ça coince, on y perd du temps, on s’énerve, c’est chronophage, alors qu’on a autre chose à faire ». Il a décidé de se déplacer sur place au bureau de Pôle Emploi le lendemain.

L’agence publique propose des formations à l’utilisation d’Internet. Parmi les inscrits, Vitaline, ancienne secrétaire médicale de 48 ans en reconversion, qui a décidé de se reprendre en main après s’être sentie, elle aussi, handicapée face au numérique. « C’est le sentiment de se confronter à un mur de plomb, explique-t-elle. C’est pourtant bien écrit en français, mais c’est très difficile. » Elle raconte également qu’elle n’a pas appris à utiliser un ordinateur à l’école mais « sur le tas, par moi-même et par le travail aussi ».

Au cours de l’atelier, la dizaine de participants découvre notamment comment envoyer un mail. Pour Louis Pluvinage, professeur de numérique, la tâche est délicate, car certains manquent de confiance. « Des gens sont arrivés en disant que l’ordinateur était leur ennemi, et qu’ils venaient pour renouer avec lui, pointe-t-il. On se dit que l’on n’est pas capable, qu’on n’y arrivera pas, donc on essaie même plus. »

Le calvaire des professionnels et des précaires déconnectés

Tous les profils sont touchés par ces difficultés, y compris les plus jeunes et les professionnels. Avec des sacs entiers de factures qu’elle remet à sa comptable, Emmanuelle Pertula, patronne de deux restaurants, n’a pas honte de dire qu’à 40 ans, elle se sent « en décalage, en retard, dépassée même ». « Scanner un document, ça a l’air simple, mais pour moi, ce n’est pas naturel, déplore-t-elle. S’il y a un problème avec l’imprimante ou l’ordinateur, je ne sais pas le régler. »

Conséquence : son expert-comptable, Nadia Angely, a deux fois plus de travail. Selon elle, la moitié des artisans avec qui l’équipe travaille, soit une centaine d’entreprises, ne sont pas rodés aux outils numériques. « Ils n’utilisent pas l’informatique au quotidien, remarque-t-elle. Ils savent peut-être faire une facture, un devis, et encore… Et après ça, ça s’arrête là. »

« Vous vous sentez vraiment un peu exclu de la société » – Farida, bénéficiaire d’un atelier Erasmus
Si pour certains la dématérialisation simplifie la vie, elle exclut aussi les plus vulnérables, qui n’ont pour certains aucune base informatique. Dans des ateliers d’Emmaüs, on forme des personnes qui ne connaissent pas la souris et ne maîtrisent ni le double-clic, ni la molette.

Parmi les participants, certains n’ont pas d’ordinateur et n’ont donc pas d’adresse mail, pourtant indispensable pour ouvrir par exemple un compte en banque. « Jusqu’à présent, c’était mon fils qui s’occupait de mes mails, explique une participante, Farida. Vous vous sentez vraiment un peu exclu de la société, parce qu’il y a tellement de choses qui passent par Internet. » 

Source LCI.

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