Journée des aidants : « Je ne pensais pas avoir assez d’amour pour faire ça »…!

Pascale Mahé s’est donnée corps et âme pour aider son mari dans la maladie.

À l’occasion de la Journée des aidants, dimanche 6 octobre, cette habitante de Loire-Atlantique livre un témoignage puissant sur ces victimes collatérales de la maladie.

Journée des aidants : « Je ne pensais pas avoir assez d’amour pour faire ça »

« Mon mari, Christian, avait 62 ans quand on a su qu’il était atteint d’une maladie neurologique. Une leucoencéphalopathie (1). Plusieurs signes m’ont alertée. Il ne réagissait plus à l’humour. Des amis remarquaient que « Christian n’est pas comme d’habitude ».

Au départ, on minimise, on se dit qu’il vieillit, qu’il est plus lent. On est dans le déni. Puis les petits signes que l’on refuse de voir deviennent plus évidents. Il oubliait des choses qu’il a toujours su faire : ranger le bois, s’occuper de son jardin. Cela s’est accompagné d’une aphasie (perte de la parole).

Quand le diagnostic est tombé, on a pris une claque. En sortant de chez le docteur, Christian m’a dit : « C’est pour toi que ça va être dur ». Et même quand la maladie est reconnue, on reste dans le déni. On se dit que ce n’est pas si grave, qu’on va bien se débrouiller. Et on y arrive toujours, on est tous pareil. Mais la première fois que l’on m’a appelée « aidante », je ne l’ai pas accepté. Pour moi, les conjoints sont des accompagnants de tous les instants, pas des aidants.

« Plein de petites morts »

Ensuite, il a fallu réorganiser notre vie en fonction de la maladie. On était perdus, on ne savait pas à qui s’adresser pour l’aide à domicile, l’APA (Allocation personnalisée à d’autonomie (2)), le SSIAD (Service de soins infirmiers d’aide à domicile), les toilettes du matin et du soir… L’association Al’fa Répit (3) nous a bien aidés dans ces démarches, et le Clic (Centre local d’information et de coordination gérontologique) a rempli avec nous le dossier APA. Une étape difficile car pour moi : c’était rendre officielle la maladie et faire rentrer des organismes dans notre vie.

J’ai toujours été très engagée, dans des associations, socialement et syndicalement. Ex-institutrice, j’avais aussi une activité de conseiller du salarié (4). Et d’un coup, plus rien. Une maladie neurologique, c’est, pour l’aidant, une surveillance de tous les instants. La toilette, les problèmes d’incontinence, l’aide à l’habillage, le faire manger, le tenir à table… J’ai même dû faire installer un portail.

La maladie emporte tout. Les psychiatres appellent ça un « deuil blanc ». Il faut faire une croix sur tout ce qui faisait notre vie d’avant. Le jardin, les vacances, aller au cinéma… C’est plein de petites morts. La personne n’est pas partie, mais ce n’est plus la même.

Et même si mes amis et ma famille ont toujours été présents pour nous, on est seuls. Les dimanches pluvieux, où il n’y a rien à faire et où l’on ne peut parler à personne, sont très longs.

Béquille

J’ai alors pris conscience qu’il fallait que je souffle. La première fois que j’ai craqué, en 2013, on m’a parlé d’hébergement temporaire. J’ai pu confier, certains jours de la semaine, mon mari aux équipes d’Al’fa répit (pour Alzheimer Famille Répit). Elles venaient chercher Christian pour l’emmener à l’accueil de jour, où ils s’occupaient de lui. Pendant ce temps, je pouvais participer à des groupes de parole avec d’autres aidants. Dans ces moments-là, on a besoin de verbaliser, d’autant que le dialogue n’est plus possible avec son conjoint. Cette association a été ma béquille.

Mon mari est décédé le 28 octobre 2016, après huit ans de maladie. La veille de mes 70 ans. J’étais perdue car après huit ans comme aidante, je ne savais plus qui j’étais.

« Je ne pensais pas être capable de faire tout cela »

Depuis, j’ai décidé de m’investir au service d’Al’fa répit, dont je suis devenue vice-présidente. J’ai voulu y apporter mon vécu. Dire que les aidants sont les mieux placés pour connaître leurs proches. Faire respecter le conjoint, sa vie, ses habitudes et son intimité, ce que je n’ai pas toujours trouvé dans le parcours de soins. Car quand on parle du malade, on parle aussi de sa famille, de son époux.

Personnellement, cette expérience douloureuse m’a permis de porter davantage d’attention aux gens, et de dompter mes impatiences. Je ne pensais pas être capable de faire tout cela. Je ne savais pas que j’avais assez d’amour en moi pour ça ».

(1) Affection affectant la substance blanche du système nerveux central, caractérisée par l’apparition progressive de troubles neurologiques divers (déficits sensitifs et/ou moteurs, troubles du comportement…)

(2) Cette allocation peut servir à payer les dépenses nécessaires pour permettre de rester à domicile

(3) Association de service et de soutien aux aidants

(4) Le conseiller du salarié est choisi par un salarié pour l’assister et le conseiller durant l’entretien préalable au licenciement

Source OUEST FRANCE

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