« J’ai ressenti une peur panique » : des parents racontent leur « syndrome du nid vide » après le départ de leurs enfants…!

Lorsque les enfants quittent le domicile familial, certains parents peuvent être confrontés à une période de déprime.

Ils racontent leurs peines mais aussi leur nouveau départ seul ou à deux.

Lorsque les enfants quittent le domicile familial, certains parents sont confrontés à un sentiment de vide et d'inutilité.

« On a vécu tous les trois ensemble. Et puis du jour au lendemain, je me suis retrouvée seule avec mon chien à ne pas savoir ce que j’allais faire de ma carcasse. » Huit ans après que ses deux fils ont quitté la maison familiale, Sarah* continue de pleurer leur départ. La gorge nouée, cette mère divorcée de 56 ans raconte sa difficulté à vivre sans ceux qu’elle a élevés seule. Sarah souffre de ce que les spécialistes appellent le « syndrome du nid vide ». Une déprime qui touche les parents, en majorité les mères, lorsque leurs enfants prennent leur envol. L’indépendance des enfants est en effet une épreuve douloureuse pour des dizaines de parents qui, à l’instar de Sarah, ont répondu à notre appel à témoignages.

« Un coup de poignard »

En 2010, son fils aîné, tout juste âgé de 18 ans, plie bagages et quitte sa Normandie natale pour faire ses études à Paris. Un an plus tard, le second s’installe à une centaine de kilomètres de la maison. Deux départs consécutifs qui bouleversent Sarah : « J’ai ressenti comme un vide abyssal, une peur panique. » Désormais seule à la maison, elle craint le noir et sursaute au moindre bruit. « Je ne suis en sécurité que quand mes enfants sont là », confie-t-elle. Celle qui décrit une relation « fusionnelle » avec ses enfants savait pourtant que la séparation lui ferait l’effet d’un « coup de poignard ». « C’était un sujet douloureux depuis leurs naissances », se remémore-t-elle. Alors pour combler cette absence, elle se « console » avec la nourriture. « En quatre ans, j’ai pris 30 kg », souffle Sarah.

« Déchirée », « inutile »… Sarah ne manque pas de qualificatifs pour décrire ce qu’elle ressent. Et pour cause, l’éloignement des enfants est comparable à un « baby blues » et peut provoquer « un sentiment proche du deuil », analyse la psychologue Béatrice Copper-Royer, auteure de Le jour où les enfants s’en vont (éd. Albin Michel). Pourtant, le « syndrome du nid vide » reste mal compris. « On ne fait pas des enfants pour les garder avec soi », sermonnent les collègues de Sarah. Cette incompréhension, Florence a également dû l’affronter. En 2016, son troisième et dernier enfant quitte le foyer. A seulement 47 ans, ces départs lui font l’effet d’une claque.

« J’ai eu l’impression qu’on m’enlevait tout en même temps, comme si la Terre entière m’en voulait. » Florence à France info

La simple vue des chambres vides suffisait à l’enseignante pour s’effondrer. Une tristesse qu’elle a dû surmonter malgré le faible soutien de sa famille : « ‘C’est la vie !’ me lançait mon entourage. Facile à dire quand on n’a pas d’enfant ! » Florence s’est appuyée sur son mari, qui a mieux vécu cette séparation.

« Il faut réussir à se retrouver à deux »

Mais cette période a aussi fragilisé leur couple pendant plusieurs mois. Après plus de vingt années de mariage, presque exclusivement consacrées aux enfants, « j’en venais à me demander si je connaissais vraiment la personne en face de moi« , raconte Florence. L’envol des enfants est un moment crucial pour le couple. « Il faut réussir à se retrouver parce que les enfants peuvent faire écran », explique Béatrice Copper-Royer à franceinfo. Certains se rendent alors compte qu’ils n’ont plus de raison de poursuivre leur chemin ensemble. Et le tête-à-tête peut rapidement virer au cauchemar.

Carole, alors âgée de 46 ans, a même pensé au divorce. Après le départ de sa fille, il y a huit ans, cette mère de la région lyonnaise a éprouvé une grande tristesse mais aussi de la colère. De la colère envers son mari. « Au début, je n’ai pas compris que mon conjoint aussi était affecté. Il paraissait indifférent et je l’ai interprété comme un manque d’amour », se rappelle-t-elle. Après six mois de crise qui rendent malheureux leur deuxième enfant, le couple tente de recoller les morceaux. Difficilement. Ensemble depuis leurs 25 ans, parents un an plus tard, « on n’avait pas eu de véritable vie de couple », constate-t-elle. D’autant plus que lui est plutôt sportif, elle est artiste. « Sur le papier, on n’avait rien en commun », concède-t-elle. Avec le temps, Carole et son conjoint ont appris à apprécier cette nouvelle vie. « On a réalisé qu’on était bien tous les deux et quand ça a été au tour de notre fils de partir, deux ans plus tard, on s’est sentis prêts », assure-t-elle.

« J’ai cette angoisse de les perdre »

En plus des tensions au sein du couple, le « syndrome du nid vide » peut aussi virer à la crise existentielle. Pour Béatrice Copper-Royer, cette étape est particulièrement difficile pour les femmes qui ont élevé seules leurs enfants. Pour certaines, ce départ coïncide aussi avec la ménopause, une transition susceptible de bousculer les réflexions sur son propre vieillissement. « Il peut y avoir une accumulation de changements. L’environnement compte énormément pour comprendre ce syndrome », détaille la psychologue.

Un changement de travail, la ménopause et une rupture amoureuse : Mylène a vécu tous ces bouleversements lorsque son fils aîné a quitté le nid, l’été dernier. « C’est comme si tout ça avait été mis dans un mixeur », soupire-t-elle. Cette quadragénaire divorcée, qui se décrit comme une femme « forte », imaginait pourtant l’envol de ses petits comme un soulagement. « Le plus jeune est parti à l’internat il y a trois ans et ne rentre que quelques week-ends. J’avais presque hâte que l’aîné ne soit plus là », raconte-t-elle. Les premiers mois sans eux, elle se sentait même libérée. Exit les corvées de linge, les courses ou la préparation des repas. Mais aujourd’hui, « un vide s’est installé. Ce n’est plus aussi confortable qu’au début », admet-elle, regrettant même l’époque où elle devait se casser la tête pour composer des menus élaborés et équilibrés. Une étape qu’elle essaye de franchir grâce à l’aide d’une psychologue.

« J’ai l’impression de devoir reprogrammer ma vie avec uniquement moi. » Mylène à France info.

Si les femmes sont les plus touchées par le « syndrome du nid vide », cette phase peut aussi peser sur les hommes. Chez eux, ce blues est souvent lié à la perte d’un parent de manière précoce ou à une rupture amoureuse douloureuse, selon Béatrice Copper-Royer. « Il y a des résonances avec les épreuves de la vie », résume la psychologue. Une situation à laquelle est confrontée Lionel, qui a perdu son père lorsqu’il avait 9 ans. « Ce décès a matricé la manière dont j’aborde la paternité », confie l’homme de 50 ans. A tel point qu’il appréhende déjà l’idée de voir partir prochainement ses fils de 14 et 17 ans. « J’ai cette angoisse de les perdre comme j’ai perdu mon père », confesse-t-il. Sa hantise ? Ne pas être là quand ils auront besoin de lui.

Pour l’heure, Lionel chérit chaque moment passé avec eux, mais les pousse aussi à apprendre l’anglais et à voyager à l’étranger. Une manière pour lui de les aider à voler de leurs propres ailes. « Je me tire une balle dans le pied car je vais souffrir de leur indépendance », reconnaît-il. Depuis six mois, il est suivi par un psychiatre, qui lui a conseillé d’anticiper ce moment en organisant une vie à deux, avec sa femme. « Mais pour moi, la famille, c’est à quatre », rétorque-t-il, même s’il ajoute, résigné, « on ne peut pas les garder pour soi ».

« On sait que ça va arriver, comme la retraite »

Contrairement à Lionel qui projette déjà l’effet du déménagement de ses enfants, la plupart des parents contactés par franceinfo ont été surpris par l’ampleur du vide et de la tristesse qui ont résulté de cette séparation. « Il faut être devant le fait accompli pour comprendre ce que c’est », résume Philippe, dont la fille unique est partie il y a deux ans. « On sait que ça va arriver, comme la retraite, mais je ne sais pas si on peut vraiment l’anticiper », s’interroge ce père veuf qui admet avoir axé toute sa vie sur l’éducation de son enfant. Pourtant, Béatrice Copper-Royer assure que ce moment inévitable peut être préparé. Et ce, dès l’enfance. « On peut les lâcher chez les grands-parents ou en colonie de vacances », illustre la psychologue.

« Il faut se montrer qu’on est capable d’avoir une vie en dehors d’eux. » Béatrice Copper-Royer à France info

Des conseils qui tendent à aller à l’encontre des relations familiales actuelles où l’enfant est au centre de toutes les attentions. « Nous sommes dans un univers très sécuritaire. Les nouvelles technologies créent un cordon ombilical virtuel entre enfants et parents qui rend la séparation presque impossible », alerte la psychologue. « Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier », poursuit-elle. Un conseil pour tenter de rendre plus fluide le moment où il faudra se réaliser autrement, sans les enfants.

« Nous avons appris à vivre sans eux »

Pour Catherine*, le travail et surtout le sport l’ont « sauvée » de sa « descente aux enfers ». Après le départ de ses enfants à deux mois d’intervalle, il y a onze ans, cette assureure sombre dans la déprime et est placée en arrêt maladie plusieurs mois. « J’allais courir le soir deux heures comme une âme en peine », se souvient-elle. C’est justement la course à pied qui devient cathartique. Elle s’inscrit à des marathons. Son mari la coache, renforçant leur couple au passage.

« Je me suis dit si je ne lâche pas dans le sport, je ne lâcherai pas dans la vie. » Catherine à France info

Aujourd’hui, cette quinquagénaire a trouvé « un nouvel équilibre ». Voyages, sport, travaux dans la maison… Elle multiplie les activités avec son mari et savoure cette nouvelle vie à deux. « Nous avons appris à vivre sans eux », se réjouit-elle. Si bien qu’elle est maintenant sujette à un nouveau sentiment qu’elle nomme avec amusement le « chic-ouf » : « Chic, les enfants arrivent. Ouf, ils repartent ! »

* Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interrogées.

Source FRANCE INFO.

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