Insultes, dépression, angoisse… : les caissiers épuisés par seize mois de Covid-19…

Il est loin, le temps du premier confinement où des clients les remerciaient. Seize mois après le début de la crise sanitaire, de nombreux hôtes et hôtesses de caisse de la région rennaise (Ille-et-Vilaine) ont atteint le point de rupture.

Insultes, dépression, angoisse… : les caissiers épuisés par seize mois de Covid-19

 

Il garde un souvenir ému des « clients qui achetaient des gâteaux dans le magasin et les déposaient en salle de pause » ou de ceux « qui avaient applaudi les caissières » au premier confinement. Mais progressivement, « ce climat s’est atténué, rapporte Rémi (1), agent de sécurité qui travaille dans différentes grandes surfaces de la métropole rennaise (Ille-et-Vilaine). « Les gens en ont eu marre du masque et étaient moins sympas ».

« Des hôtesses craquent presque tous les jours »

« La reconnaissance des clients a duré quelques semaines, confirme Steeven, hôte de caisse. Ensuite, la clientèle est devenue de plus en plus impatiente, désagréable, en oubliant souvent le bonjour. » « Les clients sont encore plus irrespectueux qu’avant, abonde Océane. La moitié est exécrable, et quand nous les reprenons pour le masque mal mis ou l’oubli du gel, on se fait insulter. »

« Je fais en sorte de garder ma bonne humeur mais je suis au bout du rouleau. Et quand je vois le variant Delta qui arrive, j’ai peur de revivre ça. ».  (Photo : Franck Dubray / Ouest-France)

« Je fais en sorte de garder ma bonne humeur mais je suis au bout du rouleau. Et quand je vois le variant Delta qui arrive, j’ai peur de revivre ça. ». (Photo : Franck Dubray / Ouest-France) 

« Des hôtesses craquent presque tous les jours, poursuit Steeven. Elles fondent en larmes après des insultes de clients mécontents parce qu’ils ne veulent pas suivre les consignes Covid, que le pain est trop cuit ou une erreur de code-barres. Certaines qui sont présentes depuis 15 ou 20 ans veulent partir, elles sont à bout de nerfs. La direction nous dit qu’elle nous comprend mais ne fait rien. »

Nolwenn est encore « traumatisée par les clients qui se ruaient sur les pâtes, la farine et papiers toilette au début du premier confinement. Je passais des chariots à plus de 500 euros, on aurait dit qu’une guerre se préparait. À chaque annonce du gouvernement, je suis angoissée à l’idée d’aller au travail. La peur que ça recommence m’envahit. »

Nolwenn est encore « traumatisée par les clients qui se ruaient sur les pâtes, la farine et papiers toilette au début du premier confinement. On aurait dit qu’une guerre se préparait. » (Thomas Brégardis / Archives Ouest-France)

Un mal-être exacerbé par un vrai manque de reconnaissance. « Nous sommes pris pour des moins que rien, poursuit-elle. Je trouve que notre mérite n’est pas à la hauteur de ce qu’on devrait avoir. Beaucoup de collègues sont en dépression. J’ai moi-même été arrêtée, envahie par la peur, le stress, la fatigue… Aujourd’hui je n’ai qu’une envie : changer de métier. Je suis moralement et physiquement épuisée. »

« Je n’ai qu’une envie : changer de métier »

Au printemps dernier, Antoine (1) a lui aussi a craqué. Cet hôte de caisse et personnel d’un drive a « très mal vécu le coup de bourre terrible du premier confinement et la peur de contaminer ma femme et ma fille. » Il a lui aussi été arrêté une semaine.

Dans les mois qui suivent, il doit faire la police « pour demander aux gens de porter le masque. Une fois, on m’a même menacé ». Du coup, « je fais de moins en moins la remarque aux clients. Je fais en sorte de garder ma bonne humeur mais je suis au bout du rouleau. Et quand je vois le variant Delta qui arrive, j’ai peur de revivre ça. »

(1) prénom d’emprunt

Source OUEST FRANCE.

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