Insuffisance rénale : soupçons autour d’un produit de dialyse…

Les personnes dialysées avec un produit à base de citrate auraient plus de risque de décéder prématurément par rapport aux autres patients.

Insuffisance rénale : soupçons autour d’un produit de dialyse

La présence de citrate dans les liquides de dialyse rénale pourrait être délétère pour la santé des patients. Selon une étude réalisée par des médecins de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (AP-HP) et des chercheurs de l’Inserm, les personnes dialysées avec ce type de liquide auraient un risque accru de 40% de décéder prématurément par rapport aux autres patients.

L’étude – dont les résultats ont été révélés mercredi par Le Monde – n’a pas encore été publiée ni soumise à une expertise scientifique. Néanmoins, une réunion d’urgence «avec tous les acteurs concernés» s’est déroulée à l’Agence du médicament (ANSM) mercredi matin.

47.000 personnes dialysées en France

En France, près de 47.000 personnes souffrant d’insuffisance rénale chronique vivent actuellement grâce à la dialyse, selon les derniers chiffres de l’Agence de la biomédecine. Trois à quatre fois par semaine, ils doivent réaliser des séances de quatre heures qui permettent d’éliminer les toxines s’accumulant dans le corps. Le sang est mis en contact avec le dialysat, un liquide qui agit comme un épurateur et qui, dans le même temps, apporte au sang des minéraux. Pour que certains de ces minéraux restent solubles dans l’eau, on ajoute au mélange une petite dose d’une substance chargée de les séparer. Il peut s’agir d’acide citrique, d’acide chlorhydrique, d’acide acétique ou de citrate. La substance pénètre alors dans l’organisme, sans que son devenir ne soit bien connu.

Actuellement, plus de 20% des patients sont traités avec un dialysat au citrate, selon Le Monde. Or ce type de dialysat est le dernier arrivé sur le marché, en 2012. «Nous voulions savoir si certains dialysats présentaient des avantages pour les patients, en particulier les plus récents», explique le Dr Lucile Mercadal, néphrologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. «Nous avons observé que l’acide chlorhydrique présentait un avantage. Par contre, nous ne nous attendions pas à trouver un effet délétère du citrate.»

Plus de décès avant l’heure

Pour réaliser leur étude, le Dr Mercadal et son équipe ont eu recours aux données du registre R.E.I.N (réseau épidémiologique et information en néphrologie), qui répertorie tous les patients en dialyse depuis 2002. Puis ils les ont croisées avec les données de vente de 7 millions de poches, fournies par les industriels, centre par centre. Sur les 25.000 patients considérés, 8.000 étaient sous dialyse à citrate. «Nous avons remarqué un nombre plus important de décès avant l’heure dans ce groupe, par rapport au groupe de patients traités avec des dialysats plus classiques», indique la néphrologue.

Ces résultats, présentés début octobre au congrès de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT), n’ont pas manqué d’alerter certaines associations de patients. Dans le courant du mois de novembre, ils ont donc décidé d’avertir l’Agence du médicament. Ce que n’avaient pas fait le Dr Mercadal et son équipe, pour des raisons d’intégrité scientifique. «Il y a des étapes à suivre», explique-t-elle. «Nous voulions faire les choses dans l’ordre: d’abord soumettre notre étude à une évaluation scientifique et la publier, puis communiquer. Mais je comprends que les patients souhaitent voir appliquer un principe de précaution.»

Une alerte sanitaire?

En revanche, les médecins avaient rapidement pris contact avec les industriels concernés, peu après l’obtention de leurs résultats. «Nous pensions qu’ils seraient plus actifs, mais ils n’ont pas réagi, considérant que l’étude présentait des limites», souligne le Dr Mercadal. Ce que la spécialiste reconnaît volontiers, compte tenu du nombre important de facteurs entrant en jeu dans la survenue d’un décès. Car une question se pose: le citrate est-il bien le seul responsable de la surmortalité constatée? «Nous avons bien conscience des limites et des qualités de notre travail, que nous avons fait de façon honnête. Mais nous obtenons un résultat très significatif. Soit il est complètement biaisé, soit il est étayé et dans ce cas, c’est une alerte sanitaire.»

De son côté, l’ANSM s’étonne qu’aucune information ne leur ait été remontée, «ni par les industriels, ni par les auteurs de l’étude» depuis le congrès du mois d’octobre. «Dès qu’un fait nouveau de ce type est connu, nous devons en être informés», a rappelé un membre de l’Agence. «On ne va pas attendre que l’étude soit publiée pour prendre des mesures s’il y a un problème sanitaire». La réunion du 5 décembre pourrait permettre d’y voir plus clair.

Source LE FIGARO.

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