« Il ne suffit pas d’envoyer des exercices pour qu’un élève autiste s’en saisisse »…!

Conseiller technique ASH (adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés) auprès du recteur d’académie, Julien Roche orchestre le suivi scolaire à distance des quelque 10 000 élèves concernés sur les quatre départements comtois. Interview.

« Il ne suffit pas d’envoyer des exercices pour qu’un élève autiste s’en saisisse »

Dans quelle mesure la difficulté de la continuité pédagogique est-elle accrue s’agissant des quelque 10 000 élèves handicapés qui relèvent de l’adaptation scolaire dans l’académie de Besançon ?

Il y a déjà le statut d’élève qui était pour certains à consolider en permanence dans la relation éducative. Cette relation pédagogique étant mise à mal par la distance, le suivi éducatif est rendu plus complexe. Sans compter les difficultés d’autonomie vis-à-vis de l’outil numérique. Il ne suffit pas d’envoyer des exercices pour qu’un élève autiste puisse s’en saisir ou qu’un élève non-lecteur en situation de handicap puisse accéder aux apprentissages.

Vous venez d’évoquer l’autisme. Y a-t-il des pathologies particulièrement pénalisées par ce confinement ?

La prégnance est plus forte pour tous ceux qui souffrent de troubles psychiques, les élèves débordants du point de vue du comportement pour qui la période de confinement peut être plus difficile encore à vivre. Et tous ceux qui sont des élèves en situation de décrochage scolaire potentiel. Les principaux obstacles étant le manque d’équipements numériques, le manque d’autonomie dans l’utilisation de ces outils, et parfois aussi le manque d’accompagnement familial.

Quels sont les moyens mobilisés et comment le lien est-il maintenu avec ces élèves handicapés ?

Nous avons accentué notre stratégie et notre accompagnement des équipes enseignantes sur deux aspects fondamentaux : savoir ce qu’il se passe derrière l’écran et l’envoi de documents, afin d’accompagner au mieux les familles dans le suivi du travail ; et surtout un maintien du lien avec chaque élève. Avec une mobilisation des équipes sur tous les outils à disposition : le téléphone à raison d’un contact avec chaque famille une à deux fois par semaine. Selon les lieux de l’académie, ce sont les enseignants, enseignants spécialisés, avec l’appui des accompagnants scolaires. L’objectif premier étant que ces élèves soient toujours dans un statut d’élève. Il s’agit de briser l’isolement. Et ce lien qui perdure entre les enseignants et les élèves en situation de handicap est très apprécié des familles.

Une initiative emblématique en la matière ?

Nous avons conduit ces quinze derniers jours une expérimentation avec une équipe d’enseignants pour essayer de reconstruire des lieux collectifs par le biais d’audioconférences. Il s’agissait de donner rendez-vous aux élèves sur trois temps hebdomadaires, en début, milieu et fin de semaine. Le but étant de rompre l’isolement et faire en sorte que les élèves ne soient symboliquement pas exclus d’un processus collectif. On a vu fleurir beaucoup de ressources pédagogiques, il y a des choses formidables… mais le maintien coûte que coûte d’un lien symbolique collectif et, osons le mot, affectif avec des équipes enseignantes, préfigure d’un bon retour à l’école quand le moment sera venu. La préconisation est vraiment de maintenir le lien. Encore plus pour eux que pour d’autres élèves. C’est comme cela que l’on arrivera à construire l’après.

Source EST REPUBLICAIN.

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