« Il faut être riche pour être une personne handicapée », Floriane Vintras !…

Floriane Vintras est sur le plateau du journal de France 3 Rhône-Alpes à l’occasion de l’opération nationale « Duo Day ».

La jeune femme a co-présenté l’édition régionale du 19/20 avec Bérangère Bourgeot le jeudi 18 novembre 2021.

Floriane Vintras : "Je vis avec le handicap depuis 30 ans. Mais le handicap ne nous définit pas !"

 

Lorsqu’elle a reçu l’appel du rédacteur en chef de France 3 Rhône-Alpes lui proposant de participer à la présentation du journal régional le temps d’un numéro, Floriane Vintras a cru à une plaisanterie. « J’ai d’abord pensé que c’était une blague. Mais je me suis dit pourquoi pas, ça me plait de relever des défis. Présenter le JT, ce n’est pas rien ».

A quelques heures du journal, la jeune femme confie qu’elle est un peu stressée – normal –  même si elle commence à avoir l’habitude des invitations sur les plateaux de télévision.  

« Nous, on galère toute l’année… »

Energique, souriante et hyperactive, Floriane souffre d’une paraplégie incomplète. Elle se déplace en fauteuil roulant depuis l’âge de 6 ans. Douleurs et fatigue font partie du quotidien de cette jeune femme de 31 ans atteinte de deux maladies chroniques. Cette expérience de co-présentation du journal régional est une nouvelle occasion pour la Lyonnaise d’aider à faire changer le regard sur le handicap. L’expérience s’inscrit aussi dans le cadre de la Semaine Européenne de l’Emploi des Personnes Handicapées. Un rendez-vous qui a pour objectif de lever certaines idées reçues, les aprioris. Il permet surtout d’organiser des rencontres entre personnes porteuses de handicap et employeurs. L’initiative louable mais éphémère. Ce qui ne manque pas de faire sortir de ses gonds cette jeune femme au caractère bien trempé.

« Il faudrait que cela dure dans le temps et non seulement une semaine. On galère toute l’année, et pas seulement pendant une semaine. On n’existe pas qu’une semaine, » martèle Floriane. Et Floriane se trouve encore « trop polie » face à cet état de fait. Elle reconnait cependant qu’en 30 ans les choses ont évolué positivement.

Dans le cadre de cette opération, Floriane a participé à la campagne des spots « Voyons d’abord la personne avant son handicap ».

Floriane dans le spot « Le rencard ».

https://youtu.be/Tw-M699aaBM

« On se bat tout le temps, pour l’emploi, pour la santé, pour le logement ! »

Floriane Vintras

« On galère pour obtenir des aides et pour se payer un fauteuil roulant, » tempête la jeune femme. « Heureusement, mon entourage m’aide et je suis tenace, » confie Floriane. Elle finit pas lâcher une petite phrase lourde de sens: « Il faut être riche pour être handicapé. On est loin de l’image renvoyée par le film Intouchables – que j’adore, mais qui ne reflète pas la réalité pour la majorité des personnes qui vivent avec un handicap. Le personnage du film a de l’argent, il peut payer du personnel, du matériel, une voiture adaptée, des frais médicaux. Il habite dans un grand appartement…etc « . Lorsqu’un fauteuil roulant coûte entre 6.000 et 10.000 euros, l’aide de 500 euros paraît bien dérisoire, voire ridicule. « Le fauteuil, c’est nos chaussures, on ne peut pas s’en passer, » rappelle Floriane. Evidence qui a encore du mal à faire son chemin.

 

Difficile aussi de ne pas évoquer la contrainte du logement, souvent méconnue, encore plus complexe pour les personnes en fauteuil roulant. La question de l’accessibilité n’est qu’une partie du problème. Celle du prix du mètre carré qui flambe en ville est souvent ignorée. Or impossible de vivre en fauteuil roulant dans un espace de moins de 25 m². Pour Floriane, qui a vécu deux ans en région parisienne, cette contrainte rimait avec un appartement de 35 m² pour un loyer dépassant les 1000 euros. Difficile lorsque l’on connaît aujourd’hui les problèmes d’accès à l’emploi que rencontrent les personnes handicapées.

Floriane Vintras vit aujourd’hui dans l’agglomération lyonnaise où elle a décroché un emploi, dans une entreprise liée au domaine du handicap. Elle est responsable d’un pôle de communication digitale chez Ergoconcept, société spécialisée dans la conception de fauteuils électriques et pliables.

Et Floriane rappelle qu’aujourd’hui en France, l’Allocation Adulte Handicapé est inférieure au Smic. En 2018 déjà, l’APF France handicap rappelait que plus de 2 millions de personnes en situation de handicap vivaient sous le seuil de pauvreté. La crise Covid n’a guère contribué à améliorer la situation.

Quant aux démarches administratives pour obtenir les aides, elles relèvent le plus souvent du parcours du combattant pour des personnes déjà fragiles. « Il m’a fallu un an pour obtenir une aide-ménagère, » confie Floriane. « On ne devrait pas avoir à demander, » estime la jeune femme.

« Je vis avec le handicap depuis 30 ans. Mais le handicap ne nous définit pas ! »

Floriane Vintras

Des emplois trop souvent limités au secteur du handicap

Aujourd’hui, la jeune femme aimerait que les entreprises s’engagent davantage pour l’emploi des personnes handicapées, que ces dernières ne se voient pas confinées à des emplois dans l’univers du handicap. « En entreprise, on voit peu de personnes en fauteuil roulant. Il reste encore beaucoup de travail à faire avec les managers, » explique Floriane. Crainte d’avoir à réaliser des aménagements de poste trop coûteux ? Peur de l’absentéisme du salarié pour des raisons médicales ?

Pourtant Floriane l’assure, les personnes handicapées ont souvent de redoutables capacités d’adaptation : « Je pense que notre cerveau réfléchit deux fois plus à comment nous pouvons contourner certaines choses ou situations afin de pouvoir nous en sortir ou pour pouvoir y arriver seul, » écrit-elle sur son compte Instagram @floriane.vnt. « C’est pour cela que nous avons cette charge mentale quotidienne, mais c’est aussi pour cela que nous pouvons être compétents et un atout dans le monde du travail puisque nous sommes sans arrêt en train de chercher des alternatives pour trouver des solutions ».

 

Faire tomber les préjugés…

Influenceuse dans le domaine du handicap, elle est en effet très présente sur le réseau social Instagram, suivie par plusieurs milliers d’abonnés. A travers ses publications et ses vidéos pédagogiques ou humoristiques, la trentenaire s’adresse à des personnes handicapées ou aux aidants. Une fenêtre ouverte sur un monde inconnu. Saviez-vous par exemple que la jeune femme effectue entre 20 et 25 transferts par jour ?

« J’essaie de remotiver les personnes qui viennent d’avoir un accident, leur dire qu’il y a une vie après l’hôpital, ce que certains ne pensaient plus possible. »

Floriane Vintras

Avec ses publications, Floriane espère contribuer à faire tomber quelques préjugés mais la France a encore un long chemin à faire. Floriane qui a fait plusieurs séjours aux Etats-Unis pointe du doigt la différence de regard sur le handicap Outre-Atlantique : « Aux Etats-Unis, personne ne bloque sur nous dans la rue, les équipements sont plus adaptés. Et il est normal de rendre accessible les équipements et les locaux publics ». A Paris, la jeune femme confie ne jamais avoir osé prendre les transports en commun, faute de stations accessibles dans le métro. « Pour les rares stations accessibles, on a toujours la peur de se retrouver devant un ascenseur en panne, » confie la jeune femme. « Pourtant tout un chacun peut se trouver confronté un jour à un problème de mobilité, avec des béquilles ou même avec une poussette ! »

Comment faire évoluer le regard sur le monde du handicap ? Et si les prochains Jeux Olympiques qui se tiendront à Paris en 2024 offraient une belle occasion de faire avancer les choses ? « Et pourquoi ne pas faire la cérémonie de clôture des jeux olympiques APRÈS les paralympiques ? » avance Floriane. Pourquoi pas ?

Source FR3.

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