Hôpital : pourquoi le Ségur de la santé déçoit (déjà) les soignants…

Des rassemblements sont attendus, mardi, dans toute la France. En plein Ségur de la santé, une concertation lancée par le ministère, médecins, aides-soignants et infirmiers veulent rappeler le gouvernement à ses promesses pour l’hôpital public.

Un rassemblement des personnels soignants se tient devant l\'hôpital Tenon dans le 20e arrondissement à Paris, jeudi 4 Juin 2020.

« Finis les applaudissements, place aux rassemblements » : après trois mois de crise sanitaire, médecins, aides-soignants et infirmiers battent le pavé, mardi 16 juin, un peu partout en France. Ils veulent rappeler le gouvernement à ses promesses, alors que se déroule, depuis le 25 mai, un Ségur de la santé (du nom de l’avenue où se situe l’une des entrées du ministère de la Santé). Le personnel soignant reste très méfiants vis-à-vis de cette concertation, craignant une opération de communication qui tourne à la mascarade. Explications.

« Pas de discussion »

Premier grief fait au Ségur de la santé : l’absence d’échanges constructifs. Avec quelque 300 participants représentant les différents syndicats et organisations de santé, les réunions se succèdent, en groupe et en sous-groupe, pour partie en présence et pour partie en visioconférence. Pourtant, rien ne sortirait de ce tourbillon de rencontres. « Il n’y a pas de discussion », explique à franceinfo la docteure Anne Gervais, représentante du Collectif inter-hôpitaux (CIH), fer de lance des revendications de l’hôpital public. Selon elle, « les pilotes du chantier (…) servent un peu de boîte aux lettres et on ne sait pas si la lettre parvient au destinataire élu et quelle décision en découle ».

Le Collectif inter-hôpitaux pointe aussi, dans un communiqué, un « problème de méthodologie » et « l’absence de transparence dans la conduite des travaux ». Il égrène : « absence de compte rendu des réunions, absence d’échange des textes proposés, réunion de deux heures à 40 intervenants (…) Ce manque d’organisation empêche de réelles discussions ».

Aucun engagement sur les augmentations…

Les soignants qui participent au Ségur de la santé dénoncent aussi l’absence de tout engagement précis sur les augmentations de salaires. En lançant cette concertation, fin mai, Edouard Philippe avait promis des hausses de salaires « significatives ». Depuis le 25 mai, aucun chiffre n’a été mis sur la table, alors que les syndicats demandent une « revalorisation générale des salaires », de l’ordre de 300 à 400 euros. « L’une des demandes principales, à savoir le fait qu’on puisse revaloriser les plus bas salaires, notamment des personnels paramédicaux, n’est absolument pas acquise », assure François Salachas, neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et aussi membre du CIH, interrogé mardi sur franceinfo.

Je rappelle au passage qu’on est au 28e rang de l’OCDE et à 10% en dessous du salaire moyen français pour les infirmières.François Salachas, membre du CIHà franceinfo

Interrogé sur cette revalorisation espérée, le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait botté en touche, la veille, sur LCI : « D’ici à début juillet, ils auront toutes les réponses aux questions qu’ils posent et aux revendications qu’ils portent légitimement. » 

… ni sur les embauches

Troisième point qui fâche : les embauches. Le CIH réclame « l’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits« . « Après 14 mois de mobilisation et une crise sanitaire, un retour à ‘l’anormal’ est inenvisageable », insiste le collectif. « Il faut qu’on puisse embaucher extrêmement rapidement », ajoute François Salachas. « Même en l’absence de deuxième vague, il y a un danger majeur, parce que je ne suis pas sûr que dans l’opinion on sache que dans de nombreuses régions l’hôpital public tourne sur deux cylindres sur quatre, c’est-à-dire à 50% de ses capacités, et que pour que ça change, il faut qu’on puisse embaucher extrêmement rapidement », explique-t-il.

Le gouvernement pointe une autre piste : celle du temps de travail. En clair, il veut revenir sur les 35 heures. La question du temps de travail à l’hôpital « n’est pas un tabou », avait estimé Edouard Philippe, relayé par Olivier Véran, qui juge nécessaire de remettre en cause les « carcans qui empêchent ceux qui le souhaitent de travailler davantage ».

Tel n’est pas l’avis des syndicats. « Il est incohérent de vouloir faire travailler plus des personnels qui n’ont jamais pu accéder à la réduction du temps de travail faute d’embauches », rétorque Mireille Stivala, de la CGT Santé. « Il ne faut pas pervertir ce Ségur de la santé en brandissant un totem de remise en cause des 35 heures », prévient le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. Faute de réponses concrètes, le syndicat Sud Santé a décidé de claquer la porte des discussions, dénonçant une « vaste opération de communication« . Ce geste n’a pas fait d’émule pour l’instant, mais d’autres organisations ont fait planer la menace d’un départ.

Source FRANCE INFO.

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