Handicap, « un combat entamé dès le début de la scolarité »…

Autocensure, recrutement sur concours, aménagement insuffisant de certains cursus… Bien des freins viennent limiter les progrès – réels – réalisés dans l’accueil des étudiants en situation de handicap.

Entretien avec Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation familles à l’APF-France handicap.

Handicap, « un combat entamé dès le début de la scolarité »

La Croix. Peut-on parler de progrès dans l’accueil des étudiants en situation de handicap ?

Bénédicte Kail : Incontestablement ! Parce qu’on partait de très loin… Aujourd’hui, il est bien difficile de dire s’il y a beaucoup de jeunes qui aimeraient et auraient les capacités de mener des études et qui ne le font pas parce que les conditions d’accueil ne sont pas adaptées. Nous devrions disposer d’éléments plus précis après une étude de cohorte que nous envisageons avec le collectif Droit au savoir, qui réunit des associations comme la nôtre.

En attendant, ce qu’on observe, c’est que certains jeunes sont obligés d’abandonner leur cursus ou d’en changer parce que l’aménagement des études est insuffisant. Le handicap contribue souvent à une autocensure et en tout cas influe beaucoup sur l’orientation. Beaucoup de jeunes présentant une santé fragile privilégient par exemple un DUT – et plus largement une formation universitaire – plutôt qu’un BTS, car cette voie ne propose pas de session de rattrapage.

Les concours restent-ils un frein ?

B. K. : Oui, les jeunes en situation de handicap évitent pour la plupart les formations qui recrutent sur concours. Car pour passer les épreuves, il faut souvent se rendre dans une autre ville, le cas échéant assumer le surcoût lié à un mode de transport et à un logement adaptés. Contrairement à ce qui se passe pour les examens à l’université, on ne peut pas bénéficier d’une aide à la prise de notes, le jury ne tient pas compte des éventuelles difficultés d’élocution… Ce n’est pas un hasard si neuf étudiants handicapés sur dix sont accueillis à la fac.

Comment les parents de jeunes handicapés envisagent-ils l’entrée dans les études ?

B. K. : Comme la poursuite d’un combat entamé dès le début de la scolarité. Pour un parent lambda, accompagner son enfant suppose avoir une bonne connaissance du système scolaire, des filières. Pour un parent d’enfant porteur d’un handicap, il faut en plus bien maîtriser les dispositifs d’accompagnement.

La déperdition, du reste, intervient surtout dès le collège, avant même les 16 ans : dès lors qu’apparaît un décalage entre les capacités cognitives et le programme, l’éducation nationale dit ne plus savoir faire et oriente l’enfant vers une structure spécialisée, surtout si sa famille, faute d’informations et de réseau, n’est pas en mesure de s’y opposer. Le handicap vient ainsi renforcer des inégalités sociales déjà très fortes dans notre système éducatif.

Le handicap influe-t-il sur la réussite dans les études ?

B. K. : Les étudiants en situation de handicap réussissent globalement moins bien que les autres, en tout cas vont moins loin dans les cursus : 80 % sont en licence et 20 % en master et doctorat, alors que la répartition pour la population générale est respectivement de 65 % et 35 %. Par ailleurs, les situations varient beaucoup en fonction du type de déficience. Ceux qui sont porteurs d’un trouble moteur, visuel ou auditif ont le plus de chances de s’insérer dans l’enseignement supérieur. À preuve, ils représentent 15 % à peine des élèves handicapés en primaire mais la moitié des étudiants en situation de handicap.

Source LA CROIX.

 

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