Handicap : ne pas ajouter la dépendance économique…

Les revenus des conjoints ne doivent plus être pris en compte dans le calcul de l’allocation pour les adultes handicapés (AAH).

Tous l’ont compris sauf LREM et le Modem qui au nom de la responsabilité budgétaire ne soutiennent pas cette mesure.

Handicap : ne pas ajouter la dépendance économique

 

Jeudi, la commission des lois a rejeté l’individualisation (ou déconjugalisation) de l’allocation pour les adultes handicapés (AAH), contenue dans la proposition de loi «portant diverses mesures de justice sociale» présentée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Le sujet avait fait débat il y a quelques mois lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Celle-ci revient à l’Assemblée nationale ces jours, riche d’un article 3 conforté par le Sénat et proposant que les revenus des conjoints ne soient plus pris en compte dans le calcul de l’AAH, en modifiant l’article L.821-3 du code de la sécurité sociale.

Ce revenu de remplacement, ou allocation de solidarité, a vocation a garantir des ressources minimum à une personne touchée par le handicap. Elle est, aujourd’hui, dite «différentielle» : d’un montant maximum d’un peu plus de 900 euros pour les personnes souffrant de handicap supérieur à 50 % de taux d’incapacité et n’ayant aucun revenu, elle diminue si d’autres ressources sont perçues par la personne, ce qui est cohérent, ou, ce qui l’est moins, si le conjoint (pacs ou mariage) a lui-même des revenus.

C’est bien ce dernier point qui pose problème, car il met en friction, dans une sorte de conflit de modèle de société, deux ardentes obligations sociales : celle, contemporaine, de l’aspiration de chacun, en particulier des personnes handicapées, à voir reconnues leur autonomie et leur capacité à s’assumer pleinement, y compris économiquement (même si cela est chichement) et celle, issue d’un temps de la permanence des cellules familiales notamment conjugales, de la solidarité intra familiale du code de la famille et du code civil.

Manifestement, LREM a choisi son temps social en renvoyant chaque personne dépendante du fait d’un handicap à une autre forme de dépendance, économique, vis-à-vis de leur compagne ou compagnon de vie. Ce qui est profondément humiliant pour le dépendant, qui se ressent comme ajoutant aux difficultés pratiques de la vie du quotidien le sentiment d’être une charge financière qui n’est pas totalement couverte par l’attribution d’une demi-part fiscale. Beaucoup de couples explosent sur l’écueil de cette relation perçue comme en charge des deux côtés. Ce qui est profondément dévalorisant pour cette même personne qui ne possède donc rien en propre, même pas les moyens de son autonomie économique. Ce qui est profondément destructeur de la relation en cours ou à venir. De nombreuses personnes handicapées renonçant au pacs ou au mariage par peur de cette dépendance économique et de la charge qu’elles apporteraient au sein même de leur intimité affective, à leur potentiel conjoint, au risque d’en détruire les premiers sentiments.

Tous l’ont compris. Les associations représentatives. Les partis politiques. Tous, sauf le gouvernement, LREM et le Modem, au nom de la responsabilité budgétaire et de la préférence pour des modes de solidarités plus fortement liés au travail. Comme si les personnes à pourcentage élevé d’incapacité pouvaient majoritairement travailler. Comme si l’autonomie des personnes les plus fragiles, dernier élément de leur dignité, avait au fond peu d’importance. Comme quoi, par ce choix, faire, c’est parfois dire le fond de sa pensée politique. Ici, pour LREM, cette pensée est bien loin du progressisme annoncé.

Le collectif Hic et Nunc est constitué de personnalités engagées au cœur de la société. Hauts fonctionnaires issus des trois fonctions publiques, dirigeants associatifs ou d’entreprises, enseignants-chercheurs, présents sur l’ensemble du territoire national, tous ont à l’esprit la volonté de participer à la reconstruction idéologique et programmatique d’une gauche de gouvernement en phase avec son époque.
Source LIBERATION.
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