Les associations du réseau de l’Unapei sont confrontées à une pénurie de professionnels médico-sociaux qualifiés. Avec des conditions de travail difficiles et des salaires peu élevés, ces « oubliés du Ségur de la Santé » déclinent peu à peu les offres d’emploi pour se tourner vers d’autres secteurs, laissant les personnes handicapées et leur famille sur le carreau.
« On ne peut pas reprendre nos chers handicapés à la maison ». Véronique, 51 ans, et son époux, 53 ans, s’occupent de leur fils Loris, atteint du syndrome de Pitt Hopkins, une maladie génétique orpheline. À 19 ans, le jeune homme a un âge cognitif de 6 à 12 mois. « En comptant son frère aîné, ça fait 21 ans que l’on change des couches tous les jours et parfois avant même le petit déjeuner ». Jusqu’à présent, la famille a pu compter sur la prise en charge de leur cadet par le foyer des Mésanges, en Haute-Savoie, 3 nuits par semaine. Mais, faute d’effectifs, ces périodes se sont successivement réduites. « À cinquante ans, on ne peut pas s’organiser un week-end », regrette Véronique. « Il y a pire, mais c’est lourd à porter ».
Depuis la rentrée, le secteur médico-social subit une « crise profonde, sans pareille, représentant un grave danger pour l’accompagnement des personnes en situation de handicap », alerte l’association de parents d’enfants inadaptés (APEI) dans une pétition signée plus de 50.000 fois. « Rien qu’à l’APEI de Chambéry, on a 50 postes vacants », regrette François Cleyet-Merle, représentant au conseil de vie sociale. Cette baisse d’effectif demande un effort supplémentaire aux familles qui s’épuisent au fil des années.
Colette a 73 ans. Depuis 50 ans, elle s’occupe de Pierre, son fils unique. Ce dernier, victime d’un accident lors de la naissance, n’est pas autonome. « Il doit suivre une routine, sinon il a de fortes angoisses », explique Colette. « On cherche pour son enfant ce qu’il y a de mieux », raconte la retraitée qui n’a pas hésité à quadriller la région de la Seine et Marne pour dénicher un établissement qui corresponde aux besoins de son fils. Après avoir quitté un IMPro à 22 ans, Colette a inscrit son fils en Esat. « Il faisait 2h15 aller et 2h15 retour par jour », souligne-t-elle. Puis elle trouve une place dans un foyer en novembre après être restée sur liste d’attente. Pour l’instant, Pierre peut dormir la semaine sur place, mais il passe le week-end chez sa mère obligeant cette dernière à parcourir les 70 kilomètres en voiture. Si pour l’instant, elle est en capacité de les effectuer, cette solution n’est pas pérenne. « Ca fait peur pour la suite », conclut-elle
« Il ne faut pas que ça devienne du gardiennage »
« La crise du Covid-19 a été le détonateur », précise François Cleyet-Merle, « elle a mis le doigt sur les disparités salariales que subit le milieu médico-social ». Malgré la présence d’infirmiers, de dentistes, ces « oubliés du Ségur de la Santé » n’ont pas reçu de prime, les établissements de l’Unapei relevant du secteur privé. « Aujourd’hui, un moniteur éducateur touche 1,17 fois le Smic (1.736 euros) pour des horaires et des conditions de travail difficiles, touchant à l’humain. En 1989, pour le même poste, le professionnel touchait 1,8 fois le Smic, (à l’époque 1.242 euros) », rapporte François Cleyet-Merle.
Pour pallier le manque de personnel, certains centres se sont tournés vers des intérimaires moins qualifiés entraînant des accidents tels que des chutes de fauteuil ou des soins de moins bonne qualité. « Un jeune homme dont la main est détraquée s’est blessé à l’intérieur sur la paume. Le temps que le personnel s’en rende compte, des asticots rongeaient la plaie », raconte Véronique, membre de l’association A bout de Souffle, créée quelques semaines auparavant. « Les professionnels n’ont pas les moyens de faire leur travail », soupire la quinquagénaire. « Mon fils mérite une vraie vie, mais à force de couper les financements, ça ne sera plus que du gardiennage ».
Source ETXSTUDIO.