Euthanasie – Décès d’Anne Bert: Où en est l’euthanasie en France?….

Euthanasie – Sujet de société – La romancière Anne Bert, qui souffrait d’une maladie dégénérative incurable, s’est rendue en Belgique pour mourir dans la dignité, par euthanasie, une pratique interdite en France…

Anne Bert - Euthanasie

  • La romancière Anne Bert, atteinte de la maladie de Charcot, est morte euthanasiée ce lundi en Belgique, où cette pratique est autorisée par la loi.
  • A ce jour, l’euthanasie active est toujours interdite en France, et Anne Bert aura jusqu’à la fin tenté de relancer le débat dans l’Hexagone.

Choisir sa fin de vie ne lui était pas permis en France. L’écrivaine Anne Bert a été euthanasiée à sa demande dans un hôpital belge lundi matin. Jusqu’au bout, elle aura tenté de relancer en France le débat sur la liberté pour les personnes atteintes, comme elle, d’une maladie incurable de « choisir leur fin de vie ».

Ne pas vivre la vie « jusqu’au bout de l’enfer »

Dans Le tout dernier été (éd. Fayard), à paraître ce jeudi 4 octobre, la romancière raconte sa maladie et son combat pour mourir dans la dignité. Dans son ouvrage, Anne Bert se remémore ce jour d’octobre 2015, où le diagnostic est tombé. Ce mal qui la rongeait depuis plusieurs mois avait désormais un nom sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou « maladie de Charcot », une affection neurodégénérative incurable qui conduit inéluctablement à une paralysie et à une issue fatale, dans de grandes souffrances.

« Je ne veux pas d’une mort violente, ni vivre grabataire avec une respiration artificielle. J’aime trop la vie, je la respecte trop pour cela », expliquait Anne Bert, qui avait donc fait le choix d’aller « mourir en Belgique », même si cette décision lui « crevait le cœur ».

Une lettre ouverte à tous les candidats de la présidentielle

« Anne voulait choisir le moment et les conditions de sa fin de vie, mais pour mourir dans la dignité, elle a dû quitter la France, qui lui refusait ce droit », s’indigne Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), qui milite depuis dix ans pour la légalisation de l’euthanasie.

Durant la campagne présidentielle, Anne Bert avait adressé à tous les candidats une lettre ouverte, les mettant en demeure de se « positionner à propos de la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie ». Menant jusqu’au bout son combat pour faire évoluer les mentalités et la loi, Anne Bert avait prévenu il y a quelques semaines qu’elle ne serait « plus là » pour la parution de son récit poignant et empli de pudeur, dans lequel elle fustige les « conservateurs qui affirment que la vie doit être vécue jusqu’au bout de l’enfer ».

En France, pas d’euthanasie, mais une « sédation profonde et continue » jusqu’à la mort

Car aujourd’hui en France, aucune forme d’euthanasie active ou de suicide assisté n’est autorisée par le législateur. Sous l’impulsion de l’ex-président François Hollande, qui s’était engagé à agir sur ce terrain, la loi Leonetti autorise depuis 2016 la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès du patient. En pratique, cela consiste en une administration de substances antidouleur qui s’apparente à un droit à être endormi sans être réveillé et dont seuls les malades déjà en phase terminale peuvent bénéficier. « C’est un texte hypocrite, condamne Jean-Luc Romero. A aucun moment, les patients ont été écoutés pour élaborer cette loi ». Pourtant selon un sondage Ifop réalisé pour l’ADMD en mars dernier, 90 % des Français se disent favorables au suicide assisté, et jusqu’à 95 % pour l’euthanasie.

Anne Bert, elle, déplorait ainsi une loi qui « répond plus aux préoccupations des médecins qu’aux droits des patients qui souhaitent ne pas aller au terme de leur maladie incurable ou accepter d’insupportables souffrances. Endormir un malade pour le laisser mourir de faim et de soif est-il réellement plus respectueux de la vie que d’y mettre fin par l’administration d’un produit létal ? », interrogeait-elle en 2016.

L’euthanasie possible dans certains pays européens

Si la France se refuse aujourd’hui à aller au-delà d’une sédation profonde et continue des patients en fin de vie, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg ou encore la Suisse ont de leur côté adopté des textes instaurant l’euthanasie. Ainsi, en Belgique, l’euthanasie active est autorisée depuis 2002 pour les patients souffrant d’un mal incurable et qui ont formulé leur demande « de manière volontaire, réfléchie et répétée ».

La Suède, l’Autriche, l’Allemagne et la Norvège ont pour leur part autorisé l’euthanasie passive sous certaines conditions. En revanche, au Portugal, en Italie, en Roumanie, en Bosnie, en Serbie, en Pologne ou encore en Irlande, l’euthanasie est considérée comme un homicide et est passible de peine de prison.

Bientôt une nouvelle loi en France ?

Pendant la campagne présidentielle, les équipes du candidat Emmanuel Macron avaient répondu à Anne Bert que revenir sur la législation actuelle n’était « pas une priorité ».  Agnès Buzyn, qui s’était prononcée en 2015, « à titre personnel (…) en faveur de l’espace de liberté belge », s’est « alignée sur la position d’Emmanuel Macron » depuis son entrée au gouvernement, avait déploré Anne Bert après avoir « longuement discuté » cet été avec la ministre par téléphone. Agnès Buzyn a expliqué qu’elle souhaitait « d’abord faire une évaluation de la façon dont cette loi était mise en œuvre dans notre pays » avant une éventuelle réouverture du débat sur l’euthanasie.

Toutefois, le vent pourrait peut-être tourner en faveur d’une nouvelle loi, mais le chemin sera encore long. « Il peut se passer quelque chose, espère Jean-Luc Romero. Aujourd’hui plus que jamais auparavant, je vois les parlementaires évoluer sur la question. Nombre d’entre eux sont favorables à un texte qui prendrait véritablement en compte la volonté des malades et ça, c’est nouveau. »

« Inscrire la fin de vie dans la révision de la loi de bioéthique »

D’ailleurs, il y a quelques semaines, le député LREM (ex-PS) Jean-Louis Touraine a déposé à l’Assemblée nationale une nouvelle proposition de loi sur la fin de vie « dans la dignité », visant à instaurer une « aide médicalisée active à mourir ». « Il s’agit de répondre à la demande de malades, de plus en plus nombreux aujourd’hui avec les progrès de la médecine, qui ne veulent pas prolonger leur phase de fin de vie et veulent mettre un terme à des souffrances physiques ou psychiques insupportables », précisait-il alors. « Ce serait la meilleure solution pour que la question de la fin de vie fasse l’objet d’un débat parlementaire dédié et de qualité », commente Jean-Luc Romero.

Autre possibilité : « inscrire la fin de vie dans la révision de la loi de bioéthique, prévue pour 2018, évoque le président de l’ADMD. Mais dans ce cas de figure, à l’occasion d’un texte qui doit par ailleurs se pencher sur la PMA, amalgames et levées de boucliers sont à craindre de la part des plus conservateurs, ce qui pourrait nuire à la qualité des débats et aux chances de parvenir à une loi permettant enfin aux malades de mourir dans la dignité, redoute-t-il. Mais à ce stade, on ne fera pas la fine bouche, et nous serons preneurs de toute occasion permettant de faire enfin évoluer les mentalités sur la question ».

Source 20 Minutes.

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