ENTRETIEN. « En habitat groupé, les personnes handicapées ont leur univers »…

Spécialiste du logement des personnes handicapées, Sylvain Bernu explique les bénéfices des logements regroupés, partagés et inclusifs où les personnes bénéficient d’un maximum d’indépendance.

Rémy dans son appartement de la résidence partagée Azelyte prépare ses croque-monsieur, accompagné par Laetitia.

 

Sylvain Bernu est président d’Azelyte, résidence partagée pour les personnes handicapées à Pontivy. Il est spécialiste du handicap, notamment des problématiques de logement, et mène des projets permettant aux résidents d’avoir une vie le plus autonome possible tout en étant aidés.

Sylvain Bernu, président d’Azelyte, est souvent consulté en matière de logement pour les personnes handicapées.

Comment les personnes handicapées sont-elles hébergées en France ?

La majorité est à domicile. Sinon, la France privilégie l’hébergement collectif. Le secteur est issu du caritatif. Dans les années 1970, beaucoup d’établissements ont été créés. Les associations ont reçu des dons, des châteaux… Certaines ont pris une place très importante. D’autres pays ont fait des choix différents, comme la Suède, où à cause des théories d’eugénisme remontant autrefois de l’Allemagne nazie, on a évité les regroupements de personnes. Quoi qu’il en soit, s’il y a trente ans, la France était pionnière, il lui faut se renouveler. On a commencé à déconstruire le modèle collectif dans les années 1995-2000.

Quelles alternatives proposez-vous ?

Des habitats regroupés, partagés, inclusifs, sur différents modèles. À Pontivy, où une seconde structure va bientôt voir le jour, une SCI possède les appartements, et une association gère l’aide à domicile. Dans les Côtes-d’Armor, où je monte des projets avec Gwitibunan, association de parents d’enfants autistes, des sociétés coopératives d’intérêt collectif posséderont et géreront les logements. Elles associent familles, professionnels et collectivités. Des projets sont en cours à Pommeret, où la mairie a donné un terrain, Loudéac, Landéhen, Plérin…

Quel est l’intérêt de ces habitats ?

Ils conviennent parfois mieux que la collectivité. Les personnes ont leur univers. Votre construction identitaire se joue dans votre habitat ! Cela permet aussi de mieux gérer la relation à l’autre que lorsque vous avez quarante résidents. Pour certains, qui vivaient seuls chez eux, cela permet de briser la solitude.

Qui est à l’initiative des projets ?

Ce sont souvent des petites associations, des parents, qui montent leurs projets avec le cœur, mais se retrouvent en fragilité. Ce n’est pas la NASA, mais le sujet est un peu technique !

Le privé ne s’en empare-t-il pas ?

Non, le secteur du handicap est géré à 99 % par les associations. Ce n’est pas comme pour personnes âgées, où il n’y a pas d’associations militantes et où le privé intervient beaucoup. Mais cela va peut-être venir.

Ce type d’habitat n’est-il pas plus cher ?

Non, parce que dans un établissement, il y a beaucoup de frais de structure, de personnel…

Y a-t-il des freins ?

Oui, notamment socioculturels. Et en accueil collectif, c’est l’assurance maladie qui intervient pour le prix de journée, alors que pour la prestation de compensation du handicap, c’est le Département. Cela nécessite des transferts de fonds et de revoir toute l’organisation ! Mais j’espère que nous pourrons bientôt donner un vrai choix aux gens.

Source OUEST FRANCE.

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