ENTRETIEN. Après un an de télétravail, « les gens ne se comprennent plus »…

Confinement, couvre-feu, mais aussi télétravail : le quotidien des Français a radicalement changé depuis mars 2020 et l’apparition de la pandémie de Covid-19.

Quels effets le télétravail a-t-il eus sur les salariés et les organisations ?

Éléments de réponse avec la spécialiste Aurélie Dudézert.

Le télétravail a été mis en œuvre de manière massive en mars 2020 en France. Photo d’illustration.

 

Un an après la mise en œuvre massive du télétravail en France, quelles leçons peut-on en tirer ? Comment les salariés se sont-ils adaptés ? Professeur auprès de l’Institut des Mines BS, Aurélie Dudézert a mené une étude avec d’autres chercheurs pour le Business Science Institute (C. Fuhrer, O. Lavastre, F. Laval, J. Moscarola et M. Kalika) pendant les deux confinements. Elle nous livre quelques pistes sur les effets du télétravail.

Comment les salariés ont vécu cette année de télétravail ?

On observe une différence forte entre la première phase de la crise sanitaire et la seconde. Dans la première période, un télétravail de réaction a été mis en place très vite et très violemment. Globalement, les salariés se sont bien adaptés. La deuxième phase a été beaucoup plus complexe : il a fallu entamer des nouveaux projets. Or, quand il s’agit de routine, d’activité assez standardisée, le télétravail fonctionne bien, alors que dans une phase de création et de conception, cela fragilise beaucoup plus l’organisation, le collectif et l’efficacité.

Quelles sont les difficultés les plus fréquentes ?

Il y a eu une augmentation des tensions, majoritairement liées à des malentendus, parce qu’il y a l’absence du corps et du présentiel, ce qui fait que beaucoup de choses sont difficiles à capter. Certains de nos répondants ont parlé de micro-agressions constantes. Les gens n’arrivent plus à se comprendre. Par ailleurs, on observe une situation d’enfermement des individus sur leurs équipes très proches et une très grande difficulté à se projeter sur le collectif, l’entreprise, l’organisation en général. On commence à voir l’apparition d’organisations très claniques. Il manque l’informel, la spontanéité et l’échange, justement entre services, qui se faisaient avec le présentiel.

Le télétravail a-t-il affecté la productivité des salariés ?

Ce qu’on nous a rapporté, c’est que sur des activités où il y a besoin de créer et d’innover, le « tout-télétravail » n’est pas productif. Sinon, sur les tâches qui sont déjà calibrées, définies à l’avance, le sentiment qui est partagé, c’est que les gens sont beaucoup plus efficaces et beaucoup plus concentrés chez eux. Mais sur le long terme, cette concentration est telle que la fatigue arrive rapidement et qu’elle est beaucoup plus difficile à gérer. Ce n’est pas une fatigue physique classique au travail, c’est une fatigue cognitive. Il est difficile de s’en rendre compte, mais à terme, elle use et fatigue le corps.

Avez-vous relevé certaines bonnes pratiques ?

Le fait de parler des difficultés rencontrées, que cette parole vienne du collaborateur ou du supérieur et que tout cela soit entendu et discuté, ça marche très bien. Quand on prend le temps de s’écouter, quand le collaborateur se sent la liberté de s’exprimer sur ces sujets-là et que le management se sent aussi la liberté de poser ces questions-là, ça se passe très bien.

Source OUEST FRANCE.

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