En Haute-Loire, les colocations pour personnes âgées se développent et sont une alternative aux Ehpad…

La Haute-Loire compte désormais une dizaine de colocations pour séniors, retardant d’autant l’entrée dans des structures d’accueil plus médicalisées que sont les Ehpad.

Pourtant l’administration a encore du mal à les reconnaitre et les occupants de ces maisons ne bénéficient pas de toutes les aides financières.

La Maison Buissonnière accueille des personnes âgées seules en colocation.

 

La sortie du livre « Les fossoyeurs » le 26 janvier 2022 dans lequel le journaliste Victor Castanet dénonce les pratiques et dérives mises en place dans certains Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes a mis en exergue la question de l’accueil des séniors. Pour les personnes en perte d’autonomie qui ont besoin d’une prise en charge, c’est une nécessité.

Mais pour celles qui sont dans une période intermédiaire, qui ne peuvent rester seules chez elles mais n’ont pas recours à cet accompagnement médical, la colocation pour séniors est une nouvelle proposition qui connait un certain succès. En deux ans à peine, une dizaine de maisons de ce type a ouvert en Haute-Loire, une des dernières créées se situe en plein centre d’Yssingeaux. Cinq dames âgées de 88 à 93 ans y vivent sous le même toit.

Avant d’être invités à entrer dans la Maison Buissonnière, on croise une des colocataires, Fernande Morisson, qui revient de la boulangerie où elle est allée chercher le pain du jour pour toute la maison : « Là j’ai l’infirmière le matin et après je peux partir, mais il faut être là à l’heure des repas ce qui est tout à fait normal. Ici, tout de suite, ça m’a plu ! ». C’est bientôt l’heure du repas, préparé en commun avec Guillaume Chastel, le maître de maison.

Pourtant il ne déjeunera pas avec les colocataires car il veut que cela reste un moment privilégié qu’elles partagent entre elles : « Elles ne sont pas seules et l’idée c’est qu’on est là pour les aider dans le quotidien, le ménage, le repassage et surtout la nourriture, parce que c’est ce qu’elles aiment, c’est le moment où elles se rassemblent ».

Ne pas rester seules

Elles sont même 6 à table aujourd’hui, il y a Marinette Jardin, une voisine : « Je suis veuve, je mangeais très mal. J’habite juste à côté, à 15 mètres à peine alors on m’a proposé de venir de temps en temps. Moi ça me permet de parler parce que je ne vois personne et ça m’oblige aussi à très bien manger et à m’habiller parce que parfois toute seule, il y avait des jours où je restais en robe de chambre. Et parfois je viens aussi quand il y  a une activité. Ça me fait un bien fou. Je viendrais là dans quelques temps car j’ai des problèmes d’équilibre ».

Quant à Mairie Moulin, elle habite ici depuis 2 ans : « J’étais la première, j’ai vu construire cette maison alors j’ai dit : si j’en ai besoin, j’irai là. Ce n’est pas un hôpital, c’est une petite maison, ça me plaisait. On n’est pas seul c’est sûr, mais ma maison était trop grande ».

Pour Jacques, un de ses neuf enfants : « Pour nous elle ira dans une structure comme un Ehpad que le jour où elle sera obligée d’y aller. Aussi longtemps qu’elle peut l’éviter, elle n’ira pas. C’est vraiment la formule tampon entre rester à la maison et l’obligation de soins quotidiens, contraignants qui sont dans un Ehpad qui feront qu’aussi longtemps qu’elle pourra rester autonome, elle restera dans une structure comme celle-ci et celle-ci lui va très bien ».

Une coloc’ presque comme une autre Guillaume Chastel, qui organise la vie de la maison, assisté par deux salariés. « On fait des colocations étudiantes et bien là c’est des colocations pour personnes âgées et l’intégration des mamies se passe très bien » dit-il. « On a de la demande mais c’est vrai qu’aujourd’hui, on aimerait que ça rentre dans les mœurs c’est à dire que ce n’est pas encore connu de tout le monde. Les personnes pensent essentiellement à l’Ehpad mais c’est vrai qu’entre le domicile et l’Ehpad, il y a encore une petite marge de manœuvre où elles peuvent intégrer une colocation pour séniors comme ici et retarder cette entrée en Ehpad ».

« Elles sont vivantes car elles participent à la vie de la maison »

Guillaume Chastel, maître de la Maison Buissonnière

Précurseur, il constate que la formule connait un réel succès, les colocations pour séniors sont de moins en moins un phénomène anecdotique : « Ça se développe de plus en plus et je trouve ça intéressant, c’est-à-dire c’est un bon compromis avant l’entrée en Ehpad. L’Ehpad, il y en a besoin forcément, mais pour des personnes qui ne peuvent pas rester chez elles, qui ont besoin d’être médicalisées. Ici, elles ont leur infirmière, leur kiné comme si elles étaient chez elles, mais en colocation et partagent la maison. Une grande maison où toutes les pièces sont chauffées plutôt que chez elles où elles ne chaufferaient qu’une pièce, on mutualise les coûts. C’est intéressant pour elles ».

L’administration à la traine

Tout serait formidable dans ce tableau, pourtant la nouveauté a pris de court les administrations, qui ne reconnaissent pas encore totalement ce mode d’habitation pour les personnes âgées. Pour l’instant, les colocataires ne peuvent pas toucher l’APA, l’allocation destinée à les aider à régler certaines dépenses liées à la perte progressive de leur autonomie dans la vie quotidienne. Ce que déplore Guillaume Chastel : « Pour l’instant ce n’est pas reconnu. Aujourd’hui l’APA, c’est de l’Aide Personnalisée à l’Autonomie, pour chaque personne. Mais il y a ici des communs, des salons, salles à manger, des terrasses, la cuisine alors oui quand on fait le ménage ce n’est pas personnalisé. Pour l’instant les colocations, c’est nouveau, il faut que l’administration se mette en route, la case n’existe pas. Maison individuelle, ça existe, Ehpad, ça existe et entre les deux il y a la colocation et cette case doit exister le plus rapidement possible car je trouve que les mamies sont bien dans cette forme d’habitat ».

Par son développement, ce système de partage d’habitat adapté au grand âge prouve pourtant son intérêt, d’autant qu’il s’articule autour de mécanismes plutôt simples : « Financièrement, les personnes louent une maison en commun. Il y a une partie loyer, il y a une partie charges, une partie nourriture qui est intégrée ;  comme dans une colocation quand on part en vacances on va mettre chacun de l’argent et il y a la partie services à la personne : ménage, repassage, entretien de la maison qui donne droit à un crédit d’impôts sur cette partie-là. Ça couvre également la téléassistance pour la nuit. Ça coûte 600 €, avec le crédit d’impôts ça revient à 300 €. En gros elles sont nourries, logées, blanchies pour 1330 € de reste à charge. L’APA permettrait la prise en charge d’une partie des services à la personne ».

Le département, « compétent pour mettre en œuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l’accueil des jeunes enfants et à l’autonomie des personnes » comme l’indique l’article L3211-1 du code général des collectivités territoriales dit « réfléchir à une dérogation pour ce type de colocation pour personnes âgées » et l’Etat est en train de mettre en place une aide à la vie partagée, mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour en Haute-Loire.

Source FR3.

 

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