Dominique Libault: «il faut augmenter de 25% les effectifs dans les EHPAD»…

Dans son rapport remis à Agnès Buzyn sur le financement de la perte d’autonomie, l’ancien directeur de la Sécu juge que le financement de la dépendance est devenu trop complexe.

Il propose de rendre possibles des expérimentations pour que les départements soient pleinement responsables de leur budget en la matière.

Dominique Libault: «il faut augmenter de 25% les effectifs dans les EHPAD».

Ancien directeur de la Sécu dont il a contribué à redresser les comptes et actuel président du Haut conseil du financement de la protection sociale, Dominique Libault a été chargé en septembre de mener une concertation sur la dépendance. Il a remis son rapport, fruit de six mois de concertation à Agnès Buzyn.

Dominique LIBAULT.- Le financement est un sujet complexe. Le fait de ne pas vouloir créer de prélèvement obligatoire nouveau nous oblige à utiliser des prélèvements existants dont nous modifions la destination. C’est le cas des ressources affectées à la Cades, mais il est vrai que -dans les comptes publics maastrichiens- ce n’est pas neutre car ces sommes ne seraient plus affectées au désendettement de la France. Ce n’est pas pour autant que ces ressources n’existent pas. Pour que l’on puisse les utiliser, cela suppose que le désendettement de la France soit bien engagé. Ce sont des recettes intéressantes mais dont l’utilisation reste subordonnée à une bonne trajectoire des finances publiques et à une priorisation des dépenses au sein de la protection sociale.

Vous voulez unifier le financement des EHPAD aujourd’hui éclaté entre les familles, l’assurance maladie, les départements. Ces derniers sortent-ils du jeu?

Les EHPAD sont en relation avec trop d’acteurs: l’assurance maladie finance la partie soins, les départements la partie dépendance et les familles paient pour l’hébergement. Ce schéma de financement est trop complexe. Nous proposons de fusionner les soins et la dépendance, dans une enveloppe commune qui sera gérée demain prioritairement par les agences régionales de santé (ARS). Mais nous souhaitons rendre possibles des expérimentations dans lesquelles les départements pourraient être pleinement gestionnaires de cette enveloppe. Pour les départements qui ne seraient plus gestionnaires, leurs dépenses seraient allégées d’autant et donc la plus grande partie des financements remonterait vers l’État.

Cependant, les départements garderaient une partie de ces financements pour améliorer la qualité des soins et des services à domicile. Mais nous insistons fortement sur le fait que le soutien à l’autonomie de la personne âgée n’est pas limité à une approche médico-sociale. D’autres aspects comptent, comme le cadre de vie, les transports, le logement, l’accès aux services publics. La place du département doit être réaffirmée sur cette dimension essentielle de proximité de la personne âgée. Nous proposons par exemple de mettre fin aux zones blanches de mobilité, c’est-à-dire mettre en place des transports publics obligatoires, par exemple pour permettre aux personnes âgées de faire leurs courses. C’est typiquement de la responsabilité des départements en relation avec les intercommunalités qui gardent toute leur compétence.

Comment comptez-vous redonner de l’attractivité à la filière du grand âge qui peine à recruter?

Nous avons identifié de nombreux freins. En EHPAD, il y a bien sur l’insuffisance de personnel, les conditions de travail difficiles car les rails pour les personnes qui ont des charges lourdes à porter ne sont pas encore généralisés partout, le manque de perspectives professionnelles. À domicile, trop de salariés se déplacent avec leur voiture personnelle avec une indemnité insuffisante. Il serait plus judicieux de mettre à disposition des véhicules professionnels. Nous proposons de refinancer les services d’aide et d’accompagnement à domicile en mettant en place un tarif plancher de 21 euros et en ajoutant une dotation forfaitaire en fonction du nombre de personne suivies (l’équivalent de 3 euros de l’heure).

L’objectif est double: permettre de mieux rémunérer les professionnels, et améliorer la qualité de service rendu en développant des temps de coordination, formation etc. En EHPAD, nous proposons de renforcer les effectifs en augmentant le nombre de personnels de proximité par résident en EHPAD de 25% d’ici 2024 par rapport à 2015. Cela constitue une proposition majeure, centrée sur les personnels contribuant directement à la qualité de service en établissement. Bref, nous proposons toute une série de mesures pour jouer sur les effectifs, les conditions de travail, les conventions collectives, les parcours professionnels etc. Nous proposons de lancer rapidement un vaste plan métier. Je me félicite que la ministre en ait fait une priorité.

Source LE FIGARO.

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