Des villes plus accueillantes envers les malades d’Alzheimer…

Plusieurs villes en France, Rennes notamment, mènent des initiatives pour devenir « dementia friendly » (amies de la démence).

Un concept venu notamment d’Angleterre avec un objectif simple : sensibiliser des acteurs de proximité (commerçants, restaurateurs, employés de banque) pour mieux accueillir les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Des villes plus accueillantes envers les malades d’Alzheimer

La France est-elle prête pour devenir un pays « DFC » ? Posée de cette manière, la question reste bien sûr incompréhensible pour le grand public. Mais tous les acteurs de la lutte contre la maladie d’Alzheimer, eux, savent à quoi renvoient ces trois lettres : DFC pour « dementia friendly communities ». Un concept venu du Royaume-Uni et que l’on pourrait traduire par « communautés, ou villes, amies de la démence ».

« En France, le mot ”démence” a une connotation assez péjorative, ce qui est moins le cas dans les pays anglo-saxons, explique Isabelle Donnio, psychologue et enseignante à l’École des hautes études en santé publique de Rennes (EHESP). Mais au fond, l’enjeu de la démarche reste le même : faire changer les regards et permettre aux personnes qui vivent malades d’être accueillies avec davantage de bienveillance dans la cité. »

2 millions « d’amis de la démence » en Grande-Bretagne

En Grande-Bretagne, on recense aujourd’hui plus de 2 millions de « dementia friends » (amis de la démence), des citoyens formés par des bénévoles associatifs à mieux comprendre les troubles cognitifs provoqués par une maladie neuro-dégénérative. Ces dementia friends sont invités à porter un pin’s représentant un myosotis. Une fleur qui, en anglais, est appelée Forget me not (« Ne m’oublie pas »). « Si une personne malade se trouve en difficulté, par exemple dans la rue, elle peut savoir qu’en croisant une personne avec ce pin’s, elle pourra être aidée », explique Isabelle Donnio.

Dans la même logique, des initiatives ont été lancées, en Angleterre mais aussi à Bruges, pour sensibiliser des « acteurs de proximité » pouvant côtoyer au quotidien des malades : des commerçants, des jardiniers, des policiers, des employés du gaz, des chauffeurs de bus ou de taxi. Toujours avec le même objectif : savoir décrypter un comportement manquant a priori de cohérence, pour aider la personne. « À Rennes, nous avons engagé une action avec le Crédit agricole. C’est important que les employés d’une agence bancaire sachent faire preuve de vigilance si, par exemple, une personne vient quatre fois dans la même journée pour retirer de l’argent », indique Isabelle Donnio.

Pouvoir manger sans ses couverts

C’est aussi à Rennes qu’a été lancé en 2004, le premier Bistrot Mémoire. « Le but était d’accueillir des personnes malades et des proches dans un café de la ville, c’est-à-dire dans un lieu qui ne soit ni un service hospitalier, ni une structure médico-sociale », explique Samya Cidere, psychologue et coordinatrice de l’association Bistrot Mémoire, qui sensibilise aussi des restaurateurs de la ville.

Car on peut être malade et continuer à avoir envie d’aller manger en dehors de chez soi. Sans subir le regard, parfois involontairement stigmatisant, des autres. « Alzheimer, ce n’est pas uniquement des troubles de la mémoire. Certaines personnes peuvent aussi ne plus arriver à se servir de leurs couverts. Du coup, ils mangent avec leurs doigts. Une pratique dont l’acceptation dépend du contexte social dans laquelle elle se produit, explique Isabelle Donnio.

Manger avec ses doigts ne choque personne lors d’un apéritif dînatoire. Mais au restaurant, cela va attirer les regards. C’est la raison pour laquelle on a travaillé avec une crêperie de Rennes qui, désormais, sert des galettes sous formes de bouchées. »

Continuer à aller au cinéma

À Nancy, la Fondation Méderic Alzheimer et la Fondation de France ont aussi décidé de financer un projet de « ciné-relax » pour inciter des personnes malades à retrouver le plaisir d’aller voir un film. « En étant accompagnées sur place par des employés qui vont savoir que telle personne va peut-être être très stressée, car elle aura peur de ne pas trouver les toilettes ou le bon escalier pour accéder à la salle », indique Hélène Méjean, de la Fondation Médéric Alzheimer.

Des projets qui, tous, partent du constat qu’une maladie d’Alzheimer ne fait pas perdre toutes ses capacités à la personne. « Ce n’est pas parce que le bon mot ne vient pas tout de suite que la personne ne peut plus communiquer, souligne Isabelle Donnio. Simplement, cela oblige à cultiver d’autres canaux relationnels. Permettre à un malade de continuer à vivre dans la cité, c’est parfois juste être attentif au regard, au ton de sa voix. Ou simplement s’asseoir à ses côtés pour parler avec elle de manière apaisée. »

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« Une émission de radio pour faire changer les regards »

Jacques, 63 ans, animateur radio à France Alzheimer

« Tous les mois, j’anime avec d’autres personnes malades une émission sur Alzheimer, la radio, une webradio lancée en 2018 par l’association France Alzheimer. Elle s’appelle Bande à part et dure 30 minutes. L’idée était qu’elle soit animée uniquement par des personnes qui vivent avec la maladie d’Alzheimer. Ce qui est mon cas depuis deux ans. Dans l’émission, on parle de notre vie mais aussi de celle de nos proches. Surtout, on essaie de faire changer les regards en montrant qu’on peut continuer à être actif et à faire des choses. »

Source LA CROIX.

 

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