Des CRS ont-ils brutalisé un manifestant catalan en fauteuil roulant ?…

De nombreux internautes partagent massivement deux photos montrant un manifestant qui semble expulsé de son fauteuil roulant par des policiers français.

L'une des deux photos devenues virales après l'action de blocage de militants indépendantistes catalans sur l'autoroute A9.

  • Tiré de force par deux policiers, un homme, d’abord bloqué contre une rambarde de sécurité, se traîne ensuite jusqu’à son fauteuil roulant laissé à l’abandon à quelques mètres.
  • La scène, immortalisée par deux photos pendant une manifestation de militants indépendantistes catalans sur l’autoroute A9, indigne de nombreux internautes, qui dénoncent ces violences policières contre une personne en situation de handicap.
  • Si le manifestant en question, Albert Casals, a bien été traîné sans ménagement par les policiers, il explique à 20 Minutes que ces derniers n’étaient pas au courant de son handicap au moment de leur intervention.

« Le Premier ministre français [Edouard Philippe] autorise les brutalités policières à l’encontre d’une personne handicapée », « Parce [qu’il] est le plus vulnérable, il est en fauteuil roulant, il est catalan, il est indépendantiste, il est digne, il demande à être entendu et respecté, Emmanuel Macron et [Christophe] Castaner en ont décidé autrement »…

Sur les réseaux sociaux, deux clichés suscitent l’indignation de nombreux internautes français comme espagnols. Sur le premier, on y voit deux membres d’une compagnie républicaine de sécurité (CRS) tenter d’extraire un homme d’un groupe de manifestants, en le tirant par son Sweat, alors qu’il est accolé à une rambarde de sécurité. Sur la photo suivante, le même homme rampe vers un fauteuil roulant, entouré de plusieurs gendarmes.

A première vue, l’enchaînement des deux photos laisse logiquement penser que cette personne en situation de handicap a été extirpée de son fauteuil par les policiers avec la force. Cette interprétation particulièrement répandue en ligne diffère toutefois partiellement du déroulé exact des évènements survenus près de la frontière entre la France et l’Espagne, sur l’autoroute A9, mardi, où le collectif de militants indépendantistes catalans Tsunami Democratic réalisait une action de blocage.

FAKE OFF

Contacté par 20 Minutes, Albert Casals, l’homme visible sur les photos – qui est aussi l’auteur d’un livre retraçant ses nombreux voyages à travers le monde –, raconte ce qu’il s’est passé aux alentours de 8 heures, ce matin-là : « Je participais à la manifestation pour l’auto-détermination de la Catalogne, quand la police française est arrivée et nous a dit d’arrêter de bloquer l’autoroute. Du coup, tout le monde, moi y compris, s’est assis pour essayer de leur résister. Ensuite, ils m’ont traîné au sol, comme tous les autres : mon fauteuil roulant était à proximité, et ils l’ont déplacé, mais à la base, j’étais déjà assis par terre. » « Les policiers ont jeté Albert au sol », nous indique en outre Emili Puig, le photojournaliste à l’origine des clichés devenus viraux.

Comme on peut le voir sur les images tournées sur l’autoroute par différents médias, les policiers français sont en effet venus prêter main-forte à leurs collègues espagnols. On les voit ainsi, sur les vidéos de Rebecca Carranco, journaliste à El Pais, se dresser en ligne face aux manifestants qui s’installent au sol – certains brandissant une banderole « Espagne, assieds-toi et discute » – puis enfiler leurs casques en vue d’une intervention imminente.

Les policiers avancent ensuite jusqu’aux manifestants, qu’ils tentent de faire bouger, parfois en les tirant lentement par le bras, comme le montrent les images de NacióDigital mises en ligne peu après 8 heures. La situation se tend toutefois assez rapidement : pour obliger les manifestants les plus récalcitrants à partir, certains membres des CRS commencent à leur donner des coups de matraque ou à les tirer plus brusquement.

D’autres manifestants sont également soulevés du sol par les forces de l’ordre, comme on le voit clairement à partir de 1’20 sur la vidéo d’El Mundo ci-dessous – avec plus ou moins de ménagement.

« Les policiers m’ont traîné sans comprendre que je ne pouvais pas marcher »

Albert Casals poursuit : « [Les policiers] m’ont traîné, sans comprendre que je ne pouvais pas marcher, et m’ont secoué pour me forcer à me mettre debout. J’ai essayé de leur dire que je ne pouvais pas marcher mais les circonstances n’étaient pas vraiment idéales pour communiquer : je parle français mais ils m’étranglaient avec mon Sweat, donc ma voix n’a pas beaucoup porté. C’est logique qu’ils ne m’aient pas entendu ou n’aient pas réalisé que je parlais en français. »

Sur les images tournées par Euronews, on l’aperçoit en effet tenter de parler aux policiers qui l’empoignent, d’abord lorsqu’ils l’obligent à se lever, puis lorsqu’ils le tirent vers la barrière de sécurité bordant la route.

Contacté par 20 Minutes, le Service d’information et de communication de la police nationale (Sicop) précise pour sa part : « Cette personne a été identifiée comme participant à une manifestation de blocage de l’autoroute, ce qui constitue une entrave à la circulation et a donc donné lieu à l’évacuation par les forces de l’ordre. Derrière l’un des deux membres de la CRS qui le tiennent [sur la première photo], on aperçoit aussi un troisième membre, dont l’écusson montre qu’il s’agit d’un des secouristes opérationnels de la compagnie. A ce moment-là, l’homme a été identifié comme en situation de handicap et il a été placé sur son fauteuil par la suite ».

« Un policier m’a amené mon fauteuil roulant un peu après »

Une version confirmée par Albert Casals lui-même : « Vers la fin, j’ai pu pointer mon fauteuil roulant du doigt et ils m’ont mis avec les autres [manifestants], au sol, près [de la barrière], sans mon fauteuil. Un autre policier me l’a amené peu après. »

Pour autant, sur le moment, bien avant que les photos ne connaissent une grande visibilité sur les réseaux sociaux, les manifestants présents à ses côtés n’étaient « pas vraiment choqués » par l’attitude des policiers à son égard, comme l’explique Albert Casals : « Mon cas n’était pas exceptionnel, il n’était pas plus brutal que la moyenne, et les policiers n’ont pas utilisé de techniques différentes sur moi. »

Et le manifestant de conclure : « Le fauteuil roulant ne fait pas une grande différence, dans les manifestations, on passe l’essentiel de son temps au sol ou à se faire frapper par la police dans tous les cas, et on n’a pas vraiment besoin de l’usage de ses jambes pour ça. »

Source 20 MINUTES.

 

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