Dans ce village normand de 62 habitants, la maire non-voyante siège dans sa propre maison…

​Maire du village de Gerrots, dans le Calvados, Sylvie Pesnel a toujours le sourire aux lèvres. Non-voyante depuis 2012, elle dit avoir appris l’humilité, mais aussi développé l’écoute…

Et ses électeurs le lui rendent bien.

Dans ce village normand de 62 habitants, la maire non-voyante siège dans sa propre maison

 

Une longue rade conduit à la mairie de Gerrots (Calvados). Labour d’un côté, jeunes bêtes de l’autre… La commune est rurale à n’en pas douter. Pas de pancarte pour annoncer les frontières… « Sans bourg, pas de panneaux », sourit Sylvie Pesnel, première magistrate d’une commune normande de « 62 âmes » où les sept conseillers sont en majorité des femmes.

« Il n’y avait pas vraiment de candidats, et mon beau-père, qui était maire depuis quarante-neuf ans, était un peu dépassé par l’informatique… » Le mari ne voulait pas continuer la dynastie engagée par son grand-père alors elle a dit oui. « J’étais personnel administratif dans l’Éducation nationale alors, forcément, l’informatique je connaissais. »

La mairie n’a jamais bougé

Elle est élue en 2008 et comme elle et son mari partagent la maison familiale du beau-père depuis 2001, date à laquelle il rachète le corps de ferme manoir, la mairie reste là où elle est… « On met la photo du président sur le rebord de la cheminée, et c’est notre salle de conseil, le salon c’est le secrétariat ! » sourit Sylvie Pesnel.

Elle explique : « Gerrots n’a jamais eu de mairie car, en 1914, la commune a préféré investir dans l’aide aux familles victimes de la guerre plutôt que dans une mairie. » Un petit parking est aménagé dans cette cour augeronne typique et la mairie est ouverte une fois par semaine, le mardi après-midi.

En 2012, coup de théâtre personnel. La très dynamique maire de Gerrots connaît la maladie. Une maladie auto-immune… La vascularité touche son nerf optique. « Je ne dormais plus, je faisais trop de choses, mon corps a dit stop, ça suffit. » La résilience d’aujourd’hui n’était pas de mise alors, « en trois mois j’ai été aveugle ».

Trois mois de cauchemar, suivis d’une grave dépression. « La mairie m’a aidée à passer le cap. Cette activité d’élue m’a permis de m’en sortir… Ma secrétaire de mairie a été une alliée précieuse » , ne cache pas celle qui fait aujourd’hui l’admiration de tous. « Cela a été très difficile, il me fallait faire le deuil de mon ancienne vie. » Quatre mois de rééducation à Paris pour réapprendre l’autonomie n’y suffiront pas : « Il m’a fallu trois ans et demi pour reprendre goût à la vie. »

Sylvie Pesnel s’amuse des regards qu’elle ressent encore se détourner d’elle… « Je comprends la difficulté. La première fois que je suis retournée au conseil communautaire, personne n’a osé s’asseoir près de moi. » Elle en rit aujourd’hui, et elle prend les devants : en assemblée plénière, lors de conseil renouvelé, elle explique son handicap.

Patience, humilité et acceptation

« La maladie m’a appris l’humilité et la patience. » Des qualités que n’avait pas l’hyperactive : « Travail, enfants, maison, vie associative, vie professionnelle et mairie ! » La charge mentale s’est allégée par la force des choses. « Je ne peux pas tout faire, mais pour les prises de décision, les projets… je n’en manque pas. »

Son mari, premier adjoint, est ses yeux sur les chantiers de la petite commune prospère grâce à ses pylônes d’EDF. « À l’époque, on ne demandait pas notre avis, aujourd’hui ce ne serait pas pareil », dit-elle. Puis, ajoute, avec un fatalisme souriant : « Cela ne voudrait pas dire que notre avis serait pris en compte ! »

Elle est heureuse de ce que sont devenus l’église du village et ses abords. « Vous avez vu, c’est beau ! » s’amuse-t-elle. Elle a le projet de l’ouvrir plus souvent pour des rendez-vous culturels. Elle aimerait aussi que la motte castrale, aujourd’hui à l’abandon de son propriétaire, vienne dans le giron municipal pour devenir une attraction touristique.

L’occasion de saluer le travail intercommunal de l’office de tourisme de Normandie Cabourg Pays d’Auge : « On a plus de touristes qu’avant », reconnaît celle qui aurait préféré se marier avec Cambremer et rejoindre la communauté de communes de Pont-l’Évêque. « On n’a pas eu le choix… » Elle fait avec, sans amertume, la maladie lui a appris cela aussi. L’acceptation.

Source OUEST FRANCE.

 

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