Coronavirus – “Si elle ne sort pas, elle fait des crises” : le difficile confinement des enfants autistes…

Depuis la mise en place des mesures sanitaires liées à l’épidémie de coronavirus, les Français sont priés de rester chez eux.

Une situation particulièrement difficile à vivre pour les enfants autistes, dont les sorties sont vitales.

Deux mamans nous racontent leur quotidien en confinement.

Pour ces deux enfants autistes, Sarah 11 ans et Victor 4 ans, le confinement est très difficile à gérer / © Alexandra Leclerc et Mélody Lejeune

Pour Sarah, les sorties dans le centre-ville d’Amiens sont une bouffée d’oxygène. A 11 ans, la jeune autiste aime se rendre dans les boutiques, pas forcément pour y faire des achats mais pour regarder les étalages.

« Elle affectionne particulièrement les rayons shampoings ou gels douche, nous détaille Alexandra sa maman. C’est plein de couleurs, c’est bien rangé, aligné. Elle peut y passer une demi-heure, 3/4 d’heure. Ca lui fait du bien. Elle est tranquille ».

Mais depuis les mesures de confinement imposées mardi 17 mars, Sarah doit rester chez elle. Habituellement, elle est accueillie en mi-temps en hôpital de jour et mi-temps à l’IME (Institut médico-éducatif). Aujourd’hui, il ne lui reste plus que l’hôpital de jour, deux jours et demi par semaine.

« C’est de plus en plus difficile à gérer, car si elle ne sort pas, elle fait des crises. Les enfants autistes, c’est très ritualisé, il ne faut pas bousculer leur quotidien », explique sa maman.

 

« Le confinement, c’est bien mais ça a ses limites »

Alors tant pis parfois pour les restrictions. Alexandra sort avec sa fille car il n’est pas possible de faire autrement. « En début d’après-midi, Sarah pleurait, elle n’était pas bien et elle s’est calmée seulement en étant en voiture, on est allées dans un bois pendant 2h. Le confinement, c’est bien mais ça a ses limites. »

Légalement, la maman dispose de son attestation où elle coche la case « déplacement pour motif de santé », assorti d’un mot de ses médecins. « Je ne suis jamais sereine vis-à-vis des contrôles. J’ai toujours peur qu’on ne soit pas conciliant avec nous », confie-t-elle.

À Albert dans la Somme, situation identique pour Victor. Ce petit garçon âgé de 4 ans est d’ordinaire scolarisé à l’UEMA (Unité d’Enseignement en Maternelle Autisme) de Chaulnes qui a ouvert récemment.

Mais depuis la crise sanitaire liée au Covid-19, toutes les écoles ont fermé. « L’UEMA a même fermé une semaine plus tôt car il y avait un cas de coronavirus dans une classe, donc Victor est à la maison depuis le 9 mars », explique Mélody sa maman.

Un grand chamboulement pour le petit garçon qui réclame de sortir. « L’enfermement, c’est compliqué. Hier, il n’a pas fait beau donc je n’ai pas pu le faire travailler parce qu’il n’a pas pu s’aérer. Souvent, il n’est pas fatigué donc quand c’est comme ça, c’est la crise, il tape sur les murs. J’ai du le faire dormir avec moi pour le calmer », raconte sa maman.

« Je fais du télétravail la nuit »

Il faut alors redoubler d’efforts pour trouver une occupation. « On n’arrive pas du tout à la distraire, on a une armoire de jeux qui déborde mais il n’y a rien à faire, souvent elle n’en veut pas, témoigne Alexandra, la maman de Sarah. Elle affectionne particulièrement les prospectus et le portable avec Youtube. Elle met la musique à fond, elle crie par-dessus, elle saute partout donc vous imaginez un peu ce que cela signifie pour moi… »

Et de finir : « elle est levée depuis 5h du matin et parfois s’endort la nuit suivante à 3h. C’est donc près de 24h à gérer. »

Victor lui vit dans une famille recomposée avec un papa ambulancier et une maman secrétaire de mairie. « Je fais du télétravail la nuit, j’attends que tout le monde soit couché », avoue Mélody. « La journée, je m’occupe des trois grands et de Victor, mais le fait d’avoir les autres à côté, c’est compliqué pour lui, son attention est réduite encore plus. Donc pour les devoirs, c’est dur même si nous sommes bien suivis par sa maîtresse et l’APAJH (Association pour Adultes et Jeunes handicapés). »

La peur de régresser

Sarah et Victor sont suivis par différentes structures, essentielles à leur apprentissage et à leur bien-être. « Victor réclame tout le temps d’aller à l’école, à l’hôpital de jour à Péronne, chez l’orthophoniste, au CMP d’Albert, là où il a l’habitude d’aller », explique Mélody. Or, à cause du confinement, l’accès restreint voire inexistant à ses structures inquiète les parents.

« Depuis septembre il a fait des progrès incroyables, donc les crises s’étaient amenuisées. On avait pratiquement plus de hurlements, plus de cris, plus de colère. On avait plus tout ça et ça revient donc j’ai juste peur qu’il reprenne des mauvaises habitudes », confie Mélody.

Pour Sarah, qui est reconnue en invalidité à 80%, ce confinement est un deuxième coup dur. En février, elle a perdu sa prise en charge en UATI (Unité d’Accueil Temporaire Innovante) au profit d’un autre enfant : depuis deux ans, Sarah y passait une nuit par semaine pour soulager sa mère. « Contrairement à d’autres enfants autistes, Sarah, plus il y a de monde, de vie autour d’elle, plus ça lui va. Elle gravitait sur trois structures et il n’y avait aucun problème pour elle, au contraire », explique Alexandra sa maman.

Aujourd’hui, Alexandra a également peur que sans prise en charge, les troubles du comportement montent en puissance. « C’est vraiment ingérable. Ce qui nous sauve, c’est cette prise en charge quand même en hôpital de jour mais du jour au lendemain selon les décisions qui sont prises, tout peut s’arrêter. »

Source FR3.

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