Coronavirus : L’anakinra, un médicament prometteur pour traiter les cas les plus graves de Covid-19…

Ce médicament permettrait d’éviter « l’orage cytokinique », un emballement du système immunitaire qui est observé dans les formes les plus graves de Covid-19.

Coronavirus : L’anakinra, un médicament prometteur pour traiter les cas les plus graves de Covid-19

  • L’anakinra, utilisé initialement en cas de polyarthrite rhumatoïde, a été testé sur des patients atteints de formes graves de Covid-19 au sein du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph.
  • Ce traitement montre des résultats « encourageants ».
  • Une lueur d’espoir confirmée par une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet Rheumatology.

Depuis le début de la pandémie de coronavirus, médecins et chercheurs du monde entier sont à pied d’œuvre pour trouver un traitement efficace contre le Covid-19. Après la polémique sans fin sur l’hydroxychloroquine, un médicament, l’anakinra, donne aujourd’hui des résultats « encourageants » dans la prise en charge des formes sévères de coronavirus, en réduisant le risque de décès et le besoin d’être mis sous respirateur en réanimation, selon une étude française menée au sein du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph (GHPSJ).

« La réduction significative de la mortalité associée à l’utilisation de l’anakinra pour le Covid-19 dans cette étude est encourageante en ces temps difficiles », écrit dans un commentaire le rhumatologue Randy Cron, de l’Université d’Alabama (Birmingham, États-Unis) dans la revue spécialisée The Lancet Rheumatology, où paraît l’étude. Il souligne le « profil de sécurité favorable » de ce médicament.

Qu’est-ce que l’anakinra et dans quelles pathologies est-il initialement utilisé ?

Connu des rhumatologues, l’anakinra est un médicament immunomodulateur, c’est-à-dire qu’il a la capacité d’influer sur les réactions du système immunitaire. Il est initialement utilisé pour le traitement de maladies inflammatoires chroniques comme la polyarthrite rhumatoïde, « avec un excellent profil de tolérance, soulignent les chercheurs du GHPSJ. Le choix de l’anakinra s’est imposé au terme de réunions multidisciplinaires impliquant rhumatologues, pneumologues, pharmaciens et urgentistes ».

Quels résultats le traitement par anakinra pour les patients Covid a-t-il donné ?

Dans le cadre de cet essai incluant un groupe sous anakinra et un groupe de référence, l’équipe médicale du GHPSJ a administré pendant dix jours, par injection sous-cutanée, de l’anakinra (commercialisé sous le nom « Kineret ») à 52 patients atteints d’une forme grave de Covid-19. Une approche thérapeutique qui a permis une « réduction statistiquement significative du risque de décès et de passage en réanimation pour assistance respiratoire par ventilation mécanique ».

Ainsi, un quart des patients traités avec l’anakinra ont été transférés en réanimation ou sont décédés. Dans le groupe contrôle n’ayant pas reçu cette biothérapie, ce sont près de 73 % des patients qui ont connu une telle issue. Ce groupe de comparaison était formé de 44 patients qui avaient également été pris en charge par le GHPSJ. Dans le groupe sous anakinra, une diminution rapide des besoins en oxygène a été également observée au bout de sept jours de traitement. « En l’absence d’accès à des essais thérapeutiques incluant des médicaments immunomodulateurs pour nos patients, la décision prise de proposer l’anakinra, selon des critères de gravité décidés de manière consensuelle et a priori, a rapidement changé le visage de la maladie en salle », explique le Pr Jean-Jacques Mourad, cosignataire de l’étude, pour qui « le bénéfice était « palpable » au quotidien ».

Par quel mécanisme ce traitement agit-il sur les patients Covid les plus graves ?

L’anakinra a vocation à contrer « l’orage cytokinique », une réaction inflammatoire incontrôlée mise en cause dans les formes graves de Covid-19, et qui entraîne un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Dès lors, les poumons ne fournissent pas assez d’oxygène aux organes vitaux. Il faut placer le patient sous respiration artificielle.

En pratique, l’anakinra cible et bloque l’une des cytokines impliquées dans cette « tempête inflammatoire » : l’interleukine-1 (IL-1). Les chercheurs se sont donc intéressés à cette molécule pour « son mécanisme d’action qui semblait répondre à la physiopathologie de l’orage cytokinique », mais aussi « en raison de sa cinétique d’action rapide, adaptée à ces formes cliniques d’évolution ultrarapide ».

« Les résultats de notre étude suggèrent que l’anakinra est un traitement efficace dans la phase hyper-inflammatoire du Covid-19, situation qui comporte un risque élevé de transfert en milieu de soins intensifs », commente le Dr Gilles Hayem, chef du service de rhumatologie à l’hôpital Saint-Joseph.

Où en est la recherche scientifique sur l’utilisation de ce médicament dans le traitement des formes graves de Covid-19 ?

« Il existe actuellement une douzaine d’essais cliniques explorant le blocage de la cytokine IL-1 associée au syndrome de tempête inflammatoire de la Covid-19 », écrit le Dr Randy Cron dans The Lancet Rheumatology, pour qui « cette étude apporte la preuve la plus probante, à ce jour, que l’anakinra peut bénéficier aux patients souffrant du syndrome de tempête de cytokine associé au Covid-19. Dans l’attente de résultats d’essais contrôlés, l’anakinra donne de l’espoir pour ceux qui sont gravement touchés par le Covid-19 », estime-t-il. « A ce stade, nous sommes convaincus que ce traitement doit être testé sur un plus grand nombre de patients hospitalisés en phase sévère du Covid-19 », indique pour sa part le Dr Gilles Hayem.

De son côté, l’AP-HP a lancé dès le mois de mars CORIMUNO-19, une étude de grande envergure permettant la réalisation rapide et simultanée d’essais contrôlés randomisés de médicaments, notamment des médicaments immuno-modulateurs, chez des patients hospitalisés pour une infection au Covid-19. L’objectif est notamment de déterminer si certaines de ces molécules permettent d’éviter aux malades ayant une atteinte modérée ou sévère de nécessiter une réanimation et, chez des malades en réanimation, d’accélérer leur sortie de réanimation. Dans ce cadre, quelques patients ont reçu de l’anakinra, dont un au Groupe Hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, à Paris.

Et ce n’est pas le seul médicament utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde qui intéresse les médecins. Des études menées par l’AP-HP sur le tocilizumab, également prescrit contre la polyarthrite rhumatoïde, ont également montré des résultats encourageants.

Source 20 MINUTES.

Pour marque-pages : Permaliens.