Coronavirus : la faible participation au premier tour des municipales aurait permis de sauver des vies…

L’abstention a permis d’épargner près de 6000 décès chez les personnes âgées de plus de 60 ans, selon une étude publiée par trois chercheurs en économie de l’Université de Clermont-Ferrand.

Le 15 mars dernier, l’abstention atteignait un taux record : 55,34 % d’abstention, soit près de 20 points de plus qu’en 2014. Ce faible taux de participation au premier tour des municipales aurait permis de sauver des vies, alors que l’épidémie de coronavirus sévissait déjà sur une grande partie du territoire. C’est, du moins, la conclusion à laquelle ont abouti trois chercheurs en économie de l’université de Clermont-Ferrand, auteurs d’une étude diffusée sur le site de l’IZA, un institut économique allemand. «Si le taux de participation historiquement bas en 2020 avait atteint son niveau de 2014, le nombre de décès aurait été supérieur de 21,8 % à celui qui a été enregistré. Plus des trois quarts de ces décès supplémentaires auraient concerné les personnes de 80 ans et plus», écrivent ainsi les trois économistes Simone Bertoli, Lucas Guichard et Francesca Marchetta. Leur travail n’a pas encore été soumis à l’expertise d’un comité de lecture, préalable à toute publication dans une revue scientifique.

Pour aboutir à ce résultat, les trois économistes se sont appuyés sur les certificats de décès établis par l’Insee. Ils ont ensuite comparé le taux de participation et la surmortalité observée chez les personnes de plus de 60 ans dans les cinq semaines suivant le scrutin. «Si nous nous étions arrêtés là, nous serions toutefois arrivés à un résultat fallacieux. Il a fallu écarter plusieurs facteurs endogènes, dont on ne pouvait pas déterminer les conséquences», précise Simone Bertoli. Selon une enquête du CEVIPOF, une grande majorité des abstentionnistes – 57% d’entre eux – ne se sont pas rendus aux urnes avant tout par crainte du coronavirus. «Si l’abstention a été plus forte dans les régions les plus touchées par l’épidémie, tout simplement parce que les gens ont pris peur voyant leurs proches ou leurs voisins être contaminés par le Covid-19, nous aurions faussement conclu que là où les gens ont plus voté, il y a eu moins de morts», explique le chercheur.

La campagne électorale ne se déroule pas avec la même vigueur dans un village où une seule liste est soumise au vote et là où plusieurs candidats s’affrontent

Simone Bertoli, professeur à l’Université de Clermont-Ferrand

Le corpus choisi comporte également ses défauts. Les certificats de l’Insee sont établis d’après le lieu du décès et non sur le lieu de résidence de la personne ayant perdu la vie. «Cela nous a contraints à écarter toutes les villes qui abritent un hôpital. Car lieu de résidence et le lieu de décès peuvent dans ce cas-là ne pas coïncider», poursuit Simone Bertoli. Les trois économistes ont dû tenir compte d’un autre biais: la «compétitivité électorale». Celle-ci les a obligés à exclure toutes les communes où seul un candidat se présentait. «La campagne électorale ne se déroule pas avec la même vigueur dans un village où une seule liste est soumise au vote et là où plusieurs candidats s’affrontent. Surtout comme l’enjeu est moindre, les électeurs se déplacent en moins grand nombre pour aller voter», explicite-t-il. L’analyse porte finalement sur 33.694 des 34.747 communes françaises, représentant 62 % de la population française. Bilan: la faible mobilisation des électeurs a permis d’épargner près de 6000 décès chez les personnes âgées de plus de 60 ans.

Une précédente étude, diffusée à la mi-mai, avait abouti à la conclusion inverse. Les auteurs de cette dernière analyse avaient confronté les chiffres de la participation au premier tour à l’échelle des départements à la progression du coronavirus au niveau local. «Nous n’avons pas trouvé d’effet statistique du niveau de participation dans chaque département sur les hospitalisations ultérieures pour Covid-19, mesurées localement», indiquait au Monde son coordinateur Jean-David Zeitoun du Centre d’épidémiologie clinique de l’Hôtel-Dieu à Paris. «Dit autrement, ce n’est pas parce que les gens sont plus allés voter dans un département donné que la maladie s’y est propagée plus rapidement en matière d’hospitalisations.» «Le différentiel d’abstention, par rapport à 2014, a pu être du même ordre dans des communes du Grand Est, très touchées, que dans des régions de l’Ouest où la maladie était encore très rare», soulignait pour sa part son coauteur Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’IFOP.

Plusieurs assesseurs et élus, souvent très impliqués dans la campagne, avaient été victimes du virus après le premier tour, alimentant la polémique sur le maintien du vote en pleine épidémie. Les trois économistes de l’Université de Clermont-Ferrand se gardent toutefois de chiffrer le nombre de vies qui auraient pu être épargnées en cas de report de l’élection. «C’est une donnée qu’il est tout simplement impossible à établir. Le chiffre varierait selon la date à laquelle le report du scrutin est décidé. Vous n’arriverez pas au même résultat si Emmanuel Macron l’annonce le 12 mars ou si c’est le premier ministre Édouard Philippe qui le fait deux jours plus tard», soulève Simone Bertoli.

Source LE FIGARO.

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