Comment mieux aider ceux qui souffrent du décès d’un proche ?…

Contrairement à certains pays du Nord et aux pays anglo-saxons, la France ne dispose pas de données exhaustives sur les conséquences du deuil.

Comment mieux aider ceux qui souffrent du décès d’un proche ?

Chaque année, plus de 3 millions de Français vivent la mort d’un proche et entrent dans un processus de deuil. Ils sont alors fragilisés, vulnérables, ont besoin d’être reconnus, écoutés, informés, voire protégés. Or dans notre pays, ils se sentent seuls, incompris.

Selon une étude Crédoc de 2016, 4 Français sur 10 se déclarent en deuil. Parmi eux, on compte environ 5 millions de veufs et veuves de moins de 55 ans, 800.000 orphelins (soit en moyenne un élève par classe) et près de 20 % des enfants placés à l’aide sociale à l’enfance. L’absence de dispositif pour soulager la souffrance du deuil nous interroge.

Le deuil, un «processus de cicatrisation».

Le deuil est vécu de manière intime. C’est un processus de cicatrisation qui se fait dans la durée, naturellement, sans que nous le décidions. Un parcours qui permet d’intérioriser la relation à l’autre et lui permet d’exister encore, en nous. Ce n’est pas l’oubli. Le mot «deuil» vient du latin dolere qui signifie «douleur», «affliction». Il est souvent employé, mais son sens, sa temporalité, son processus sont méconnus. Chacun est amené à le vivre, mais sa réalité reste taboue. Notons que la maladie, le handicap, la dépendance touchent aussi les individus dans leur intimité. Cela n’empêche pas notre société de penser leur prise en charge !

« Le deuil est un parcours qui permet d’intérioriser la relation à l’autre et lui permet d’exister encore, en nous. »

Le deuil est aussi un événement social. Il se vit au quotidien, dans nos relations familiales, amicales et professionnelles. Il dérange notre société de la performance dans laquelle la solidarité et l’entraide ont peu de place. La vulnérabilité est écartée ou rejetée. Vivre aux côtés d’une personne en deuil est difficile – sans connaissances, sans savoir quelles réactions sont «normales» ou «pathologiques», ce qui aide ou blesse.

Ainsi Mattéo, 14 ans, témoigne de la mort de son père dans le documentaire Destins d’orphelins, d’Élisabeth Bost et Karine Dusfour: «Deux mois plus tard, je suis entré en sixième. Comme je ne connaissais personne, j’ai caché mon histoire à tout le monde. Je me suis inventé une vie dans laquelle mon père était vivant. Même avec mes amis les plus proches, j’avais du mal à en parler. Cela nous mettait tous mal à l’aise. Je me sentais seul.» Nous devons protéger nos enfants. Pourrait-on concevoir une campagne nationale de sensibilisation et d’information?

Un impact sur la scolarité, l’emploi, la santé

Le deuil est, enfin, un enjeu de société. Il a un impact sanitaire, familial et économique dont les politiques publiques doivent prendre la mesure. On ne connaît ni son poids ni son coût sur la santé, le travail, le logement, la précarité, l’autonomie. Contrairement à certains pays du Nord et aux pays anglo-saxons, la France ne dispose pas de données exhaustives sur les conséquences du deuil. Pourrait-on mettre en place un rapport annuel sur le sujet, comme celui sur le mal-logement?

Prenons ici quelques exemples. Le deuil impacte le retour et le maintien dans l’emploi: lorsqu’ils sont frappés par la mort d’un proche, 58 % des Français actifs sont en arrêt de travail une semaine, 29 % plus d’un mois. Le deuil impacte la scolarité: 77 % des élèves orphelins déclarent un effet négatif sur leur attention et leurs résultats. Oui, le deuil altère le fonctionnement cognitif, les capacités de concentration. Cela n’étonne personne, mais qui en tient compte ?

À la mort d’un proche, l’idée de mourir pour ne plus souffrir, pour le ou la rejoindre, est extrêmement fréquente.

Il impacte aussi la santé. On observe une morbidité liée au deuil: maladies cardio-vasculaires, diabète, addictions notamment. Des études ont montré 80 % de surmortalité la première année de veuvage pour les hommes, 60 % pour les femmes ; 20 à 30 % de majoration du taux d’hospitalisations (patients de 50 à 70 ans) ; des conséquences psychologiques durables. Le deuil est un facteur de risque suicidaire majeur.

Le 5 février, lors de la Journée nationale de prévention du suicide tenue au ministère de la Justice, Santé Publique France a présenté des données épidémiologiques: les antécédents personnels et familiaux de suicide, le veuvage, les pertes parentales précoces, les épisodes dépressifs exposent les personnes en deuil au risque suicidaire. En effet, à la mort d’un proche, l’idée de mourir pour ne plus souffrir, pour le ou la rejoindre, est extrêmement fréquente. Combien faut-il de passages à l’acte pour qu’un accompagnement préventif du deuil soit proposé ?

Source LE FIGARO.

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