Clémentine Célarié: «Je ne dis pas handicap, mais différence»…

La dernière fois qu’elle est venue, durant l’hiver 2016, c’était au festival de Luchon dont elle présidait un jury, avec l’envie de voir plein de films et de «descendre une piste bleue sous le soleil». Faute de neige, elle a travaillé sur son dernier livre…

«A la folie», pourquoi ce titre ?

On a hésité entre «Hors normes» ou «Empêchés», mais «A la folie», c’était plus ouvert, comme la célébration de l’originalité de chacun. Non, ce n’est pas un livre sur le handicap, c’est un livre sur la vie, sur la vie qu’ont des personnes différentes ! Entre des gens qui font de la téléréalité et des gens en fauteuil roulant, lesquels sont handicapés ? Moi je n’ai aucun doute.

Le point de départ du roman ?

C’est Marguerite, une femme au bord du burn out qui rompt avec le système. Quelqu’un vient la sauver déguisé en Père Noël, c’est Raoul, un personnage issu de l’anormalité qui lui chante «Aline» de Christophe ! Elle le croit bourré, il est juste tétraplégique, et il va l’emmener dans le centre où il vit. Et elle va y retrouver tout ce qui manque dans notre société : la poésie, la liberté et l’urgence de vivre.

En quoi vous ressemble-t-elle ?

Comme elle, je ne suis pas normée, on est dans un système de plus en plus étouffant, où il est de plus en plus difficile de s’exprimer librement. Mais dans mon genre, je suis handicapée, je suis excessive, je n’obéis à aucune norme et je me perds dans les chiffres.

Parmi les handicapés qu’elle rencontre, il y a une forte demande d’assistants sexuels

Quand vous êtes sur un fauteuil roulant, plus personne ne vous touche, les gens ont peur et le sexe est un vrai problème. Contrairement à d’autres pays, les handicapés physiques et mentaux en France ne sont pas assistés sexuellement, il faut que ça change.

Etes-vous inspirée par la minisérie «Vestiaires», où vous apparaissez ?

Oui, mais tout est parti de ma rencontre avec Thierry Monfray, qui est mort de la maladie de Charcot, puis avec Lauren, elle aussi malade, qu’il m’avait fait rencontrer. Elle vit et se bat comme une folle. Et il y a bien sûr la bande de «Vestiaires», Adda Abdelli et Luc Rodriguez, à Marseille, qui ont un humour et une auto dérision phénoménales. Pour moi, les acteurs de «Vestiaires» ne sont pas des handicapés, ce sont des superhéros, quasiment des Xmen. Ils sont héroïques parce qu’ils développent des forces incroyables pour ne pas être exclus du système. Ce qui fou, c’est la lumière qu’ils me donnent, à moi, la soi-disant valide.

Vous y jouez une comédienne pleine de préjugés

Ils m’ont proposé de jouer une horrible actrice très contente d’elle, qui joue à la dame patronnesse en se faisant mousser parce qu’elle vient voir des handicapées, la pétasse quoi ! Le point de départ de cette série, ce n’est pas d’expliquer au monde qui ils sont, c’est juste de raconter ce qui leur arrive quand ils sont dans leur club de natation, et d’en rire. Car tout ceci est d’après une histoire vraie !

Plus de 20 ans après votre baiser à un séropositif dans une émission, qui embrasseriez-vous aujourd’hui ?

Il faut embrasser tout le monde, les migrants, les gens qui vont mal, les gens en fauteuil roulant. L’accueil, l’ouverture, le regard à l’autre est important et il faut faire campagne pour qu’on sache s’adresser à une personne dont on dit qu’elle est handicapée. Beaucoup de gens ont peur, et je ne les juge pas, parce qu’ils ne savent pas comment faire, ils ne sont pas naturels. Pour commencer, Sourire, c’est comme si on ouvrait une porte.

Source LA DEPÊCHE.

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