Âgée de 13 ans, Clémence, qui incarne la fille du général de Gaulle dans le film qui sort en salle le 4 mars, avec Lambert Wilson et Isabelle Carré, est déscolarisée depuis plusieurs mois.
Une situation que rencontrent beaucoup de familles d’enfants porteurs de handicaps, faute de places dans les structures adaptées.
Désemparée, sa mère, Agnès Hittin, a lancé un appel très relayé sur Facebook. Interview.
Comment s’est passé le tournage du film ?
C’était une très belle aventure. Une aventure familiale notamment puisque ses frères et sœurs ont joué les cousins d’Anne de Gaulle. Nous sommes partis tous ensemble sur les routes du tournage. Clémence a dû se dépasser car il n’était pas évident pour elle de faire des choses qu’on lui imposait. J’ai essayé de la rassurer au maximum. Elle a dû par exemple monter sur un poney à cru, le cheval était surexcité, je voyais qu’elle était tétanisée. Mais elle est très volontaire. Et puis il y avait beaucoup de monde, des figurants qui jouaient des soldats blessés, de la fumée, du bruit… Il a fallu qu’elle intègre tout ça. L’équipe du tournage a été très gentille, elle a été vraiment choyée. Les acteurs ont été assez exceptionnels. Ils se sont mis à sa portée. Elle en a retiré de la joie. Je crois que ça l’a amusée de devenir une petite starlette !
Les acteurs ont-ils été touchés par Clémence ?
Il y a eu des très beaux retours d’Isabelle Carré dans différentes interviews où elle parle de Clémence avec beaucoup de vérité. Rencontrer des enfants différents, cela apporte toujours quelque chose. De la spontanéité par exemple. Je pense que la présence de Clémence donne de la profondeur au film.
« Les enfants porteurs de trisomie 21 ont toute leur place au cinéma car ils ont beaucoup à offrir à la société. »
On ne voit pas souvent un enfant porteur de trisomie 21 au cinéma…
« Non. Et pourtant ils ont toute leur place car ils ont beaucoup à offrir à la société. »
Être maman d’une petite fille comme Clémence, cela signifie quoi ?
Je suis une maman comme les autres. Sa trisomie fait partie notre vie mais ça ne fait pas tout d’elle. Je suis presque fière qu’elle porte cette trisomie en elle car elle apporte une vraie richesse. Tout n’est pas si noir. Nous avons aussi des difficultés avec nos autres enfants ! Je n’ai jamais souffert du regard des autres.
J’ai tenu un journal intime pendant plusieurs années après la naissance de Clémence car j’avais envie et besoin de témoigner, de mettre en avant qu’avoir un enfant trisomique pouvait être source de joie et que la différence n’est pas obstacle au bonheur. J’ai donc tenu un blog (« Clémence, le bonheur dans tes yeux », à lire aujourd’hui sur une page Facebook). Une expérience dont j’ai témoigné sur France 2 il y a deux ans. J’ai eu beaucoup de retours de mamans, dont un que je n’oublierai jamais : elle avait le projet d’arrêter sa grossesse et elle a choisi finalement de garder l’enfant après m’avoir écouté. De ma petite expérience, je suis heureuse de pouvoir redonner confiance parce que c’est la peur qui entraine ce genre de démarche et de choix.
Vous êtes catholique. Est-ce que cela vous aide à vivre le handicap de votre fille ?
Forcément. Cela aide particulièrement. Dès le départ, j’ai pu accueillir. Il y a eu des larmes, oui. Mais ça nous a donné un certain souffle, ça nous a porté, ça nous a donné confiance. Et la confiance est la meilleure des armes.
Clémence est totalement déscolarisée depuis le mois de décembre.
Vous avez lancé un appel le 26 février sur Facebook pour que Clémence puisse être scolarisée. Quelle est la situation de votre fille aujourd’hui ?
Clémence est totalement déscolarisée. Elle est à la maison depuis le mois de décembre. Elle avait auparavant fréquenté pendant sept ans dans l’association Aime la vie à Voisin-le-Bretonneux. C’est une petite école humaine, chrétienne, extraordinaire, créée par deux éducatrices, il y a 30 ans, qui accueille six enfants trisomiques et porteurs d’autres handicaps. Son organisation est très adaptée aux enfants trisomiques : enseignement le matin et des activités l’après-midi. Mais elle s’arrête aux 12 ans de l’enfant.
Lorsque l’on fréquente ce genre de structure, il est difficile de rejoindre ensuite dans une école classique. Les classes Ulis en collège, qui suivent les programmes classiques de l’Éducation nationale, ne sont pas adaptées pour Clémence. Elle n’a jamais fréquenté de grosse structure. Pour elle, ce serait source de souffrance d’être lâchée dans ce type d’établissement.
Nous avons contacté tous les Instituts médico-éducatifs (IME) autour de chez nous, sans succès. Nous avions trouvé une grande école privée hors contrat, mais ça s’est très mal passé. L’établissement nous a demandé de chercher une autre solution.
« Je ne suis pas institutrice, je suis maman ! Je n’ai pas les méthodes. »
Comment va Clémence ? Et vous, dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?
Clémence va bien. Elle est très entourée, elle a un cadre familial solide et la chance d’avoir une maman qui ne travaille pas. Ce qui est douloureux pour elle, c’est de ne plus être en relation avec d’autres enfants. Elle a des frères et sœurs mais ce n’est pas pareil, ce ne sont pas des amis.
De mon côté, je ne me laisse pas démonter. J’essaie de ne pas lâcher le scolaire donc je lui donne quelques cours à partir des cahiers de son ancienne école. Mais je ne suis pas institutrice, je suis maman ! Je n’ai pas les méthodes. Je ne me sens pas de faire ça. Je le fais par amour pour ma fille mais ce n’est pas une solution. Néanmoins, je suis dans la confiance ; j’ai toujours fonctionné comme ça. Nous n’avons jamais eu de difficultés particulières avec Clémence, là c’est la première tuile. C’est difficile mais c’est peut-être le chemin qu’on doit suivre. D’autres parents le vivent. C’est fatigant parce qu’on s’inquiète beaucoup en tant que parent.
« Nous ne voulons pas un placement, mais un établissement où elle sera heureuse. »
Qu’est-ce qui est responsable de cette situation selon vous ?
C’est difficile de pointer quelque chose ou quelqu’un. Il manque des structures adaptées, surtout des petites structures. Les listes d’attente sont très longues. Tous les établissements ne conviennent pas aux enfants ou aux modes éducatifs des parents. L’insertion, proposée dans les classes Ulis, c’est génial quand ça marche, mais cela ne fonctionne pas pour tout le monde. On a contacté tous les IME autour de notre lieu de résidence. Nous en avons visité un avant les vacances, qui nous proposait une place, mais nous avons refusé car il n’était pas adapté pour Clémence. C’était tous des grands gaillards de 19 ans… Clémence est encore petite. Nous ne voulons pas un placement, mais un établissement où elle sera heureuse. Comme pour tous les enfants, en fait. Nous n’avons peut-être pas pris les choses assez en amont, mais on ne le sait pas en tant que parents ! Il faut s’y prendre au moins deux ans en avance. Nous continuons à chercher en élargissant notre champ de recherche.
Quelle serait la structure idéale pour Clémence ?
Un IME en petit effectif. Elle est effrayée quand il y a trop de monde. Elle n’aime pas le bruit. Ou bien une classe Ulis mais avec les bons éducateurs. Elle n’est pas très scolaire. Elle aime le sport, la musique, les activités manuelles, la cuisine… Si seulement il existait des établissements avec ce genre d’activités !
Source LA VIE.