Le calcul de l’allocation aux adultes handicapés organise une dépendance intenable dans le couple… Vidéo…

Une pétition déposée au Sénat relance la mobilisation pour que le versement de l’AAH soit désolidarisé des revenus du ou de la partenaire.

 

Aujourd’hui, en France, quasiment 1,2 million de personnes touchent l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés. Cette allocation de solidarité est destinée à assurer aux personnes en situation de handicap un revenu minimum. Elle est attribuée sous réserve de respecter des critères d’incapacité, d’âge, de résidence et de ressources. Son objectif majeur est de palier l’absence ou la faiblesse de revenus d’activité d’une personne en situation de handicap. En effet, non seulement certaines de ces personnes ne sont tout simplement pas en mesure de travailler, mais nombreuses sont celles qui sont victimes de discrimination à l’embauche. Ainsi, 18% des personnes en situation de handicap sont au chômage, soit environ deux fois plus que la moyenne nationale.

Mais, l’AAH est ce que l’on appelle une allocation différentielle: c’est-à-dire que son montant peut varier selon les ressources du foyer. Et, c’est là que le bât blesse.

En effet, comme l’explique Kevin Polisano dans une courte vidéo mise en ligne en 2017, si une personne handicapée touchant l’AAH (dont le montant est aujourd’hui de 900 euros mensuels) se met en couple avec une personne valide dont le salaire dépasse 1.625,40 euros par mois (soit 19.505 euros par an), l’AAH lui est supprimée. C’est-à-dire que la personne handicapée se retrouve sans aucun revenu personnel.

Une accentuation de la dépendance

Pour les associations qui dénoncent cette disposition, ce conditionnement du versement de l’AAH crée des situations intenables autant financièrement que socialement et psychologiquement. Pour Odile Maurin, présidente de l’association Handi-Social, les conséquences sont triples: «La conséquence pour la personne handicapée, c’est qu’elle se retrouve en situation de dépendance financière vis-à-vis du conjoint ce qui peut entraîner des relations conflictuelles et de la violence et un sentiment d’infériorité. Il y aussi une conséquence sur la personne valide: elle accepte volontairement de se mettre en situation de pauvreté parce qu’elle a choisi de vivre avec quelqu’un en situation de handicap. Il y a enfin une conséquence sur le couple: on met les deux conjoints dans une situation de pauvreté.»

Le premier point est essentiel et témoigne d’une vision validiste du handicap, comme l’explique Cécile Morin porte-parole du Collectif lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation: «Les politiques mises en œuvre par ce gouvernement organisent une dépendance des personnes handicapées. Cette mesure conduit à reproduire dans l’ordre des relations familiales la dépendance, la domination et le risque d’infantilisation dont les personnes handicapées font déjà l’objet de manière systémique. Ça accrédite l’idée que les personnes handicapées ne seraient pas des sujets de droit, adultes, autonomes, capables de choisir avec qui elles ont envie de vivre. Cela renforce l’idée que les personnes handicapées seraient des objets de charité et de protection soumises à une domination au sein de foyer.»

Même son de cloche du côté de Clémentine du collectif Les Dévalideuses: «On intériorise l’idée que les personnes handicapées sont des fardeaux au sein d’une société validiste, qu’elles sont dépendantes, qu’elles n’ont pas le droit d’avoir leur revenu propre, que leur autonomie ne vaut pas le coup.»

«Certaines personnes handicapées ne s’installent pas avec leur partenaire parce que l’autre ne pourra pas faire vivre le foyer seul.»

Clémentine du collectif Les Dévalideuses

Stéphane, qui souffre d’un syndrome d’Ehlers-Danlos et touche l’AAH depuis dix ans témoigne: «Avec ce fonctionnement l’État nous fait comprendre que nous sommes un poids dont quelqu’un doit se charger, et que si quelqu’un vit avec nous, c’est à lui d’assumer. Quand on est handicapé, on subit une pression à la performance. On n’arrête pas d’être remis en question, tout le temps. Qui veut de ça dans un couple?»

Le jeune homme dénonce le prix de l’amour subi par les personnes handis: «Vous imaginez si une loi vous dictait qui vous avez un peu le droit d’aimer, mais pas trop, et qui vous n’avez pas du tout le droit d’aimer? C’est ce qu’il se passe avec l’AAH. Le mariage ne nous est pas rendu illégal, mais il est quand même passible de sanctions.» Clémentine ajoute: «Les personnes handicapées peuvent se se dire: “Je ne vais pas m’installer avec la personne dont je suis amoureuse parce que la CAF va me retirer mon AAH”. Certaines ne s’installent pas avec leur compagnon ou leur compagne parce que l’autre ne pourra pas faire vivre le foyer tout seul.» Cécile Morin complète: «Cela nous renvoie au fait qu’au regard de la société, la vie affective et psychologique des personnes handicapées ne compte pas.»

Les femmes exposées à la violence

Cette vision validiste est aussi une vision patriarcale du couple, comme l’exprime Stéphane: «Notre société considère le couple comme un genre d’individu unique composé de sous-individus pas vraiment distincts. Et si on prétend être sortis de cette vision rétrograde depuis les années 1960, ça reste l’approche fondamentale de l’État.»

En effet, la personne en situation de handicap devient totalement dépendante financièrement. «Cela crée un rapport de domination, explique Clémentine. Si le conjoint valide gagne plus que le salaire moyen des Français, la personne handicapée dépend totalement de lui et devra demander pour la moindre dépense. Dans un couple valide/handicapé, il peut déjà y avoir des biais de pouvoir par rapport à la dépendance physique. On ajoute une dépendance financière qui peut être source de tensions au sein du couple, et de violences.»

« 34% des femmes handicapées ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19% des valides. »

Étude de la Dress

La dépendance financière accroît le risque de violences physiques et psychologiques chez les femmes en situation de handicap, qui constituent déjà la population la plus concernée par les violences au sein du couple. En 2014, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne estimait en 2014 que 34% des femmes handicapées avaient subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19% des valides. Une étude rendue publique le 22 juillet 2020 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) confirme ces chiffres dramatiques. «Soumission et violences peuvent s’installer du fait de cette dépendance», explique Clémentine.

Et, en cas de violences subies, il est extrêmement compliqué de quitter son compagnon. «C’est évidemment très difficile de quitter son conjoint dans ces conditions, d’autant plus s’il est aidant familial», note Cécile Morin. Quitter l’autre signifie vivre plusieurs mois sans aucun revenu: «La CAF va mettre plusieurs mois à recalculer puis payer l’AAH» déplore Odile Maurin.

Obstination de l’administration

Aujourd’hui, le cabinet de Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées –qui n’a pas répondu à nos sollicitations par mail, campe sur son leitmotiv: «La solidarité nationale complète la solidarité familiale, elle ne doit pas s’y substituer. Que la personne soit en situation de handicap ne constitue pas un motif qui permettrait de déroger à ce principe au cœur de notre organisation sociale.» Selon Odile Maurin, «sa conception de la solidarité nationale est une conception du XIXe siècle, une conception où la femme est toujours dépendante de l’homme». Clémentine ajoute: «Cette vision arriérée est accompagnée d’une volonté de dénaturaliser l’AAH en en faisant quelque chose conditionné à la recherche d’emploi sous prétexte de promouvoir l’indépendance des personnes handicapées.» Sauf que rien n’est fait pour aménager le travail pour ces personnes.

Depuis le 10 septembre 2020 et jusqu’au10 mars 2021 circule une pétition déposée au Sénat pour la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’allocation aux asultes handicapés.

Source SLATE.

Handicap et violences sexuelles : « À tous les handicapés qui le peuvent, parlez » – 3 victimes témoignent… AVERTISSEMENT : Cet article relate des récits de violences sexuelles. Sa lecture peut être perturbante !

Willy, Charlie, et Julie sont en situation de handicap. Victimes de violences sexuelles, ils et elles nous livrent leur histoire et appellent à dénoncer ces crimes.

 

Être en situation de handicap, ce n’est pas seulement affronter de multiples difficultés supplémentaires au quotidien. C’est aussi devenir une cible privilégiée pour certains agresseurs sexuels. En France, 7,3 % des personnes handicapées ont subi au cours des deux dernières années des violences physiques et/ou sexuelles alors que ce chiffre s’élève à 5,1 % pour le reste de la population. 1 personne en situation de handicap sur 4 déclare avoir subi au moins une atteinte (vol, injure ou menace, violences sexuelles ou physiques) contre 1 personne sur 5 pour les personnes valides.

Selon une étude de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), parue en 2020, 9 % des femmes en situation de handicap sont concernées. Les femmes handicapées ont deux fois plus de chances de subir des violences sexuelles que celles sans handicap. Parmi les plaintes déposées pour viols, on remarque que 43 % ont eu lieu à domicile, 27 % dans un établissement, 14% en foyer, et le reste dans des lieux non précisés.

D’après l’OMS (Organisation mondiale de la santé), chez les enfants handicapés, une fille sur cinq et un garçon sur treize sont victimes de violences sexuelles. Pour Maudy Piot, psychanalyste et présidente de l’association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, « Le handicap est une vulnérabilité, car la différence n’est pas appréhendée positivement et entraîne parfois de l’agressivité. » Victimes, Willy, Charlie et Julie ont accepté de parler pour sensibiliser à cette question et appeler à une attention plus stricte sur ces dérives.

« Il m’a dit que ce n’était pas un viol mais un fantasme »

Willy* est un homme de cinquante-trois ans, en situation de handicap, militant pour le droit au plaisir à l’association Appas, et victime de violences sexuelles.

« Je suis atteint d’un trouble de la posture et du mouvement qui s’appelle IMC (infirmité motrice cérébrale). Handicapé depuis ma naissance, j’ai eu mon premier fauteuil roulant lorsque j’avais trois ans et j’ai été violé à 14 ans. À cet âge-là, je suis dans un centre de rééducation à Valençay où les adolescents et les adultes sont mélangés. Je vis dans une chambre avec des murs blancs et quatre autres personnes handicapées.

Un adulte, amputé du bras droit, ancien militaire parachutiste, abuse de moi pendant plus de six mois, plusieurs fois par semaine. C’est la nuit, les autres ne s’en aperçoivent pas. J’ai très peur, il me menace parfois avec un couteau sous la gorge : “Je pourrais retrouver ta famille et les tuer”. Je le vois encore prendre mon chocolat chaud, pisser dedans et me forcer à le boire. À cette époque, je crois en Dieu et lui demande sans cesse : pourquoi moi ? Pourquoi tu ne l’arrêtes pas ?

J’ai essayé d’en parler au directeur du foyer mais il ne m’a pas cru. Il m’a dit que ce n’était pas un viol mais un fantasme. Je n’en pouvais plus, c’était trop. J’ai décidé alors d’appeler mon père pour qu’il vienne me chercher, pour qu’il me sorte d’ici. Je ne lui donne pas de raison, je lui dis juste que s’il ne vient pas, je vais faire une connerie. C’est seulement à 22 ans que j’en ai parlé à ma mère, c’était traumatisant et douloureux de le dire à quelqu’un.

Après ces viols qui étaient aussi mes premiers rapports, je ne savais pas comment avoir des relations sexuelles. Un ami de ma mère m’a accompagné voir une prostituée. Ça m’a sauvé, ce moment de tendresse, ce moment où je me suis retrouvé, moi, mon corps, moi, homme. On ne parle pas assez des violences que subissent les personnes en situation de handicap. Enfin, soit ce sont les handicapés qui n’en parlent pas, soit on met un torchon, un voile dessus. Je sais que ça se passe encore dans d’autres foyers, je sais que je ne suis pas le seul. À l’époque, je n’avais pas osé porter plainte, aujourd’hui si une personne me raconte ça, je l’encouragerais à le faire.

Moi, je ne peux pas me laver tout seul, je ne peux pas me faire à manger, je suis totalement dépendant des autres, mais après des années d’orthophonie je peux parler. À tous les handicapés qui le peuvent, parlez. Ce n’est pas à vous d’avoir peur. »

« Il avait vu mon handicap »

Charlie*, non binaire de 23 ans, travailleu·se du sexe, animateur.rice périscolaire, autiste, témoigne sur les violences sexuelles qu’iel a vécu·es.

“J’ai douze ans, je viens d’entrer en sixième et je rencontre un garçon qui a deux ans de plus que moi. À l’arrêt de bus en béton, il me dit qu’il m’aime, que les garçons et les filles, ça se fait des bisous. Il m’emmène dans un endroit à l’abri du regard des autres, je lui dis non, je ne veux pas, mais il me pénètre avec ses doigts. Le lendemain, je ne suis plus saon amoureu·se, je suis une grosse salope.

C’est à quatorze ans, en juillet 2012, que je décide de porter plainte, classé sans suite, mais je suis reconnu·e victime et lui fiché délinquant sexuel pour quinze ans. En août 2012, deux, trois jours avant mon anniversaire, je vais à une fanfare. Un des musiciens, âgé de 29 ans, se rapproche de moi et tente de m’embrasser. Il m’attire vers lui et me manipule. Il me dit de ne jamais écouter les adultes, qu’ils disent n’importe quoi. Il insulte sa mère aussi, et se met dans ma peau : une ado en rébellion contre ses parents. Avant de rentrer, on va à la plage avec ma copine, il vient avec nous.

L’homme me bouscule, me fait tomber dans le sable. Je pars me rincer dans une douche de plage, et il se met devant moi, nu, son sexe en érection. Il me dit qu’il a envie de moi, et c’est assez flou. Je suppose qu’il m’a frappé, je vois ma tête assez près du mur. Il me soulève, je regarde l’horizon, je pense à autre chose. Je quitte mon corps. Ma copine n’est pas loin, je pense très fort qu’elle va venir mais elle n’est jamais venue. Puis, il me jette par terre, ma culotte et moi. Il me dit : “maintenant tu te rhabilles, si t’ouvres ta gueule je perds la garde de mes enfants, et je te crève”.

Je pense qu’il avait vu mon handicap, ma différence. En tant qu’autiste, je perçois différemment le danger. Il a dû sentir que j’étais une proie facile. J’ai aussi du mal à interpréter les codes sociaux, à comprendre mes émotions, et celles des autres. J’ai du mal à analyser certains mots, certaines expressions. Ce qui peut paraître évident pour vous, les neurotypiques (personnes qui ne sont pas autistes) ne va pas forcément l’être pour les autistes. Puis, j’ai l’impression que ça se sent, que ça se reconnaît une personne qui a déjà été violée : t’as pas eu de chance une fois alors t’as deux fois plus de chances que ça t’arrive une deuxième fois.”

« Tout ce qui lui importait c’était qu’on ait le nombre de rapports qu’il souhaitait »

Julie* est une graphiste de 30 ans, atteinte de plusieurs maladies : le Syndrome d’Ehlers-Danlos, une maladie génétique, la maladie de Ménière, un trouble de l’oreille, l’endométriose, et de nombreuses dépressions associés à un TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité). Voici son histoire.

“Je vis en Alsace, dans une petite ville près de Strasbourg et j’ai vécu une relation (très) toxique avec un homme. Je l’ai rencontré lorsque j’avais 19 ans, nous étions tous les deux musiciens et nous nous sommes rencontrés lors d’un concert. C’était un vrai coup de foudre, nous sommes vite devenus fusionnels. Lorsque nous n’étions pas ensemble le week-end, on se téléphonait, ou on se parlait par message.

À cette époque, mon endométriose était très active. J’avais de fortes douleurs pendant les rapports, mais il exigeait toujours un nombre précis de relations sexuelles. C’était insupportable. J’étais exténuée mais si je refusais un rapport, il me faisait culpabiliser. C’était ma faute, moi la malade, moi la souffrante, c’était ma faute quoi qu’il arrive. Il me disait qu’il prendrait soin de moi, que j’étais une petite chose fragile. Puis, la minute d’après : “bouge-toi, tu en rajoutes !”.

Je cédais sous sa pression, j’alternais entre douleurs, fatigue, crises d’angoisse, dépression et culpabilité constante.  J’ai commencé, petit à petit, à me scarifier. Puis, le petit à petit s’est transformé en tous les soirs, c’était d’énormes bulles de tristesses, de colères qui s’explosaient à travers mes entailles. Il n’avait pas peur pour moi, il avait peur du regard des autres. Il n’a jamais proposé de m’accompagner à un rendez-vous chez le gynéco. Tout ce qui lui importait, c’était qu’on ait le nombre de rapports qu’il souhaitait. Point. Peu importe que j’y prenne du plaisir ou que je souffre le martyr. 

Au bout de 3 ans de relation, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. La moitié de mon corps était scarifiée. J’ai été hospitalisée en psychiatrie. Le diagnostic de bipolarité a été posé. J’ai été mise sous neuroleptiques à hautes doses. J’ai pris 30 kilos. Je n’étais plus attirante sexuellement selon ses « critères de beauté » (surpoids, cicatrices…) et il a commencé à me repousser, à me faire sentir moche et non désirable.

À ma sortie de l’hôpital (après 6 semaines), cet homme a mis fin à notre relation. Il ne peut plus tolérer ma maladie, et je suis dangereuse pour lui. Après la rupture, mon état s’est aggravé, j’ai développé un stress post-traumatique et mes premiers problèmes moteurs sont apparus. Je suis hospitalisée pendant presque deux ans, et demande enfin une reconnaissance adulte handicapée.

À l’heure où j’écris, je dois me déplacer la majeure partie du temps en fauteuil roulant, ma vessie, mon estomac sont gravement atteints, mes douleurs sont quotidiennes. Mais, en dépit de tout ça, je suis amoureuse d’un homme extrêmement bienveillant, extrêmement présent. Il me soutient, et paie parfois les pots cassés de cette relation passée.”

🔍 PRENDRE LA PAROLE

Si vous avez été victime de violences sexuelles/ou physiques, vous pouvez vous rendre sur ecoute-violences-femmes-handicapees.fr et appeler le numéro mis en place par l’association FDFA (Femmes pour le dire, Femmes pour agir) : 01 40 47 06 06. Si vous êtes un professionnel, une personne en situation de handicap, ou un proche, vous pouvez vous rendre sur ce module qui aide à signaler, et prévenir les violences sexuelles.

Source NEONMAG.

 

Lever le tabou de la sexualité des personnes en situation de handicap…

Tour à tour fraîche et émouvante, l’autobiographie de Guillaume Bourdiaux ne laisse pas indifférent.

Guillaume Bourdiaux est fier de présenter son livre autobiographique.

Âgé de 23 ans, le jeune Baillarguois est atteint d’infirmité motrice cérébrale. Dans son récit intitulé Guillaume au pays d’Alice, il raconte les frustrations, les souffrances, les opérations et les hospitalisations. Il confie ce sentiment d’injustice et d’infériorité qui l’a toujours empêché de vivre comme les autres, malgré la bienveillance et l’accompagnement sans faille de ses proches.

« Laisser une trace de mon expérience »

Scolarisé dans un cursus classique, Guillaume a noué des amitiés fortes et, grâce à son implication, a entamé des études supérieures avant d’être rattrapé par ses démons. Ce qui l’a sauvé ? Un service civique auprès d’Unis-Cité, puis la découverte de la sexualité en compagnie d’Alice, au fil de rencontres tarifées.

Il livre un témoignage poignant et spontané sur son vécu et explique comment les plaisirs charnels et la sensualité ont changé sa vie et sa manière d’aborder les choses. « Avant, je subissais mon handicap, il me rongeait. Aujourd’hui, j’accepte mieux mon corps, j’ai un peu plus confiance en moi, mais surtout, j’ai pris conscience que tout peut s’améliorer », précise en souriant le jeune auteur. « J’ai choisi d’écrire pour laisser une trace de mon expérience. Comme je suis assez timide, je trouve qu’il est plus facile d’exprimer mes émotions de cette façon », explique ce grand passionné de foot, fier de la concrétisation de son projet d’écriture.

Ce récit de vie, documenté, sincère et touchant, se veut engagé pour la législation de l’assistanat sexuel. « Dans la société actuelle, on ne pense pas aux plaisirs sexuels des personnes handicapées, comme si elles n’en avaient pas besoin ni envie. C’est pourtant primordial et je ne comprends pas pourquoi elles en seraient privées », note Guillaume.

Porté par l’optimisme, ce dernier prépare un brevet d’animateur en maison de retraite et travaille déjà à l’écriture d’un autre récit personnel. Il se plaît à rêver à une adaptation télévisée de ce premier livre tant le sujet lui tient à cœur, et tant il sait qu’il concerne un grand nombre de personnes en situation de handicap. Pour l’heure, le jeune homme a ouvert la porte du pays des Merveilles, où tous les bonheurs sont possibles.

Lyon : rencontre avec Cybèle, assistante sexuelle pour handicapés…

Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, s’est déclarée favorable à l’accompagnement de la vie sexuelle des personnes en situation de handicap.

Cybèle est assistante sexuelle à Lyon.

Rencontre.

Willy fait appel aux services de Cybèle depuis plusieurs années. Une relation qui marie confiance, sensualité et sexualité.

Dans son appartement  du 7e arrondissement de Lyon, Willy accueille régulièrement Cybèle. Willy est handicapé moteur, Cybèle est escort girl, cette relation est devenue indispensable à Willy. « Ça m’a redonné confiance en moi et ça m’a permis d’être bien dans ma peau« , nous explique-t-il, alors qu’il se bat contre une dépression.

« Et je me suis dit, quand ça va recommencer, quand je vais être mal dans ma peau, quand je vais avoir des frustrations qui vont revenir je vais pouvoir faire appel à une accompagnatrice sexuelle. » Les proches de Willy ont remarqué une amélioration dans son comportement depuis cette relation « Si je suis frustré, je suis mal avec les autres. J’ai pensé plusieurs fois au suicide à cause de ce manque-là. »

L’accompagnement de vie sexuelle

À Lyon, Cybèle accompagne plusieurs personnes handicapées dans leur intimité. Son activité est assimilée à de la prostitution et depuis une loi d’avril 2016, ses clients sont passibles du délit de proxénétisme. Elle milite donc pour une reconnaissance du métier d’assistante sexuelle. Elle nous parle de son activité où elle doit apprivoiser des corps en souffrance.

« Je peux proposer des actes ou des adaptations, on peut essayer et se rendre compte que ça ne convient pas. Donc, il y a beaucoup d’essais et d’erreurs dans l’accompagnement et ce n’est pas forcément thérapeutique. Effectivement, je ne suis pas thérapeute, je ne suis pas là pour apporter du soin, si la personne y trouve quelque chose de thérapeutique, c’est très possible aussi. Si elle n’y trouve que du plaisir, c’est déjà bien » nous explique-t-elle.

La secrétaire d’Etat favorable

La secrétaire d’État Sophie Cluzel s’est déclarée dimanche « favorable à l’accompagnement de la vie sexuelle » des personnes handicapées par « des assistants« , un « sujet tabou » sur lequel elle a saisi pour avis le Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

« Moi, je suis très favorable à ce qu’on puisse accompagner (la) vie intime, affective et sexuelle » des personnes handicapées, a indiqué Mme Cluzel lors du « Grand Rendez-vous » Europe 1/CNews/Les Echos. « Tout l’enjeu de la façon dont je mène ma politique, c’est de remettre les personnes handicapées en pleine citoyenneté, dans le respect et la dignité », y compris « le droit à une vie intime, affective et sexuelle« , a-t-elle souligné.

Ce sujet est « tabou dans notre société, c’est pour ça que j’ai saisi le Professeur (Jean-François) Delfraissy, président du CCNE« , a expliqué la secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées. Mme Cluzel a adressé samedi au Pr Delfraissy un courrier, où elle juge « aujourd’hui indispensable de rouvrir la réflexion éthique en abordant le sujet de l’assistance sexuelle avec une vision renouvelée« , selon des extraits parus dans Le Journal du Dimanche.

Il ne s’agit pas « d’ouvrir un réseau de prostitution, cette question est totalement ridicule, à côté de la plaque. Ces assistants de vie sexuelle existent déjà en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse. Allons voir comment ont été formées ces personnes« , a dit Mme Cluzel sur Europe 1 et CNews.
« En 2012« , le CCNE avait « déjà été saisi » sur ce sujet et avait « émis un avis en disant On ne veut pas se prononcer pour l’instant, c’est trop compliqué« , mais depuis « la société a mûri« , a estimé la secrétaire d’Etat.

Les personnes handicapées « nous le redisent haut et fort (…). Elles nous ont dit – Nous souhaitons pouvoir être accompagnées dans notre vie intime et sexuelle-« , a poursuivi Mme Cluzel. « Je ne préconise rien puisque je saisis le Pr Delfraissy », a-t-elle ajouté. « Il va y avoir des débats citoyens« , ce qui « va nous permettre de prendre en compte les désirs et les attentes des personnes, des associations qui les accompagnent« , « c’est un vrai sujet de société« , a-t-elle considéré.

« Quoi qu’il se passe, cela nous fera faire un bond en avant colossal dans la bientraitance des personnes, dans le recueil de leurs désirs, de leurs attentes, dans la façon de les regarder différemment, non plus comme des objets de soins, mais bien comme des sujets de droits« , a relevé Mme Cluzel.

Reportage primé au CIRCOM Regional 2020

Jeudi 8 octobre 2020, l’Association Européenne des Télévisions Régionales a annoncé que ce reportage réalisé avec Cybèle par Sylvie Adam et Benjamin Métral, avait été primé dans la catégorie des reportages d’actualité lors du CIRCOM Régional 2020.
Le jury a notamment remarqué le caractère « surprenant de ce reportage traitant d’un sujet provocant, traité de manière délicate et soignée« .

Source FR3.

Handicap et sexualité: les accompagnants sexuels veulent sortir de la clandestinité…

Souvent niée, la question de la sexualité chez les personnes en situation de handicap resurgit dans le débat public.

Des associations espèrent un encadrement de la pratique par la loi.

Handicap et sexualité: les accompagnants sexuels veulent sortir de la clandestinité...

«Chaque femme qui a vécu avec moi et qui m’a aimé a été traitée de perverse. Parce qu’avoir du plaisir avec un homme en situation de dépendance, dans la culture française, c’est inconcevable», raconte au Figaro Marcel Nuss, fondateur de l’Appas (Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel), coach de vie, conférencier et auteur de nombreux ouvrages sur le thème de la sexualité chez les handicapés. Lui-même lourdement handicapé par une amyotrophie spinale, il se bat pour que les relations sexuelles chez les personnes en situation de handicap ne soient plus perçues comme «anormales».

Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, s’est prononcée en ce sens dimanche dernier en faveur de l’accompagnement sexuel, alors que, aujourd’hui, la loi française interdit cette pratique. «Ces assistants de vie sexuelle existent déjà en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse. Allons voir comment ont été formées ces personnes», a-t-elle annoncé sur Europe 1.

En France, des associations dédiées au bien-être des handicapés militent depuis déjà plusieurs années pour qu’une loi soit votée afin de légaliser l’accompagnement à la vie affective et à la santé sexuelle chez les handicapés. Les demandes peuvent aller «de la relation purement sensuelle à la relation sexuelle» explique Marcel Nuss, «sachant que la séance dure au minimum 1h30 et en général 2-3 heures. Le dialogue a une place prépondérante, l’écoute est essentielle. Avant tout accompagnement, il y a toujours une rencontre préalable pour que les gens se définissent sur les limites et pour savoir s’il y a un feeling entre eux. Aucun des deux n’est contraint à quoi que ce soit, mais ça reste contractuel, l’accompagnement doit être payé».

«Le mythe de la reproduction du monstre»

«Si vous avez un handicap, vous n’avez pas de sexualité, vous êtes asexué» – «ce n’est pas possible d’être attiré par un corps déformé» – autant d’idées préconçues sur la sexualité des handicapés que la conseillère de l’association APF France handicap Aude Bourden tente de faire évoluer. Une incompréhension provoquée par un «double tabou» selon elle: celui de la sexualité et du handicap.

Tantôt perçus comme des anges, tantôt comme des démons, les personnes handicapées se disent oppressées par ces représentations leur niant tout désir sexuel: «soit on les considère comme des êtres purs, assimilés à des enfants (et donc sans pulsions sexuelles), soit il y a l’image du monstre, d’un corps déformé qui ne peut engendrer de désir chez l’autre».

«Nier qu’on puisse être sexué c’est nier d’être un homme et d’être digne», explique au Figaro Aude Bourden. Pour Marcel Nuss, c’est la peur de la différence qui entretient ce «mythe de la reproduction du monstre qui a des relations sexuelles». «L’idée qu’on a des relations sexuelles uniquement pour se reproduire est une idée encore forte dans notre société», acquiesce la conseillère santé de l’APF, «une idée qui prend probablement sa source dans la peur des parents de se retrouver à s’occuper d’un enfant dont leur propre fils ou fille ne peut assumer la responsabilité».

Outre ce «mythe de la reproduction du monstre» dont parle Marcel Nuss, la sexualité des personnes handicapées est également biaisée par le fait d’être considéré principalement comme un objet de soin: «ces personnes sont touchées uniquement lorsqu’il s’agit de leur procurer des soins», souligne Aude Bourden. «Avoir accès au corps d’autrui ou à son corps à travers l’auto-érotisation, découvrir le corps d’une femme ou d’un homme nu, apprendre la masturbation ou découvrir des zones érogènes sont des demandes récurrentes auxquelles l’APF tente de répondre», ajoute-t-elle.

Le droit au plaisir

«Je trouve ça hallucinant que les patients doivent demander l’autorisation au directeur pour avoir des relations sexuelles!», s’exclame Cybèle, ancienne travailleuse du sexe et aujourd’hui accompagnante sexuelle pour personnes dépendantes à l’Appas. «Il faut comprendre que ce sont des gens qui ont un handicap ET une sexualité!», insiste-t-elle.

Pourtant, bien souvent, ce besoin de vie intime chez les personnes handicapées n’est pas une chose évidente pour leurs proches.«Je me souviens d’une mère qui avait fait appel à nous et qui était complètement perdue lorsqu’elle a vu que son fils avait une érection pendant une séance de nursing» raconte Aude Bourden au Figaro. «Nous recevons beaucoup de familles qui se posent des questions et qui ne savent pas comment répondre aux demandes de leur enfant».

Une assistance clandestine

Les personnes handicapées faisant aujourd’hui appel aux accompagnants sexuels risquent d’être poursuivi pour proxénétisme et d’être pénalisés comme des clients ayant eu recours à la prostitution. C’est donc clandestinement que des associations s’organisent aujourd’hui en France pour répondre à ce besoin: depuis 2015, l’Appas, qui travaille avec des formateurs suisses et allemands, a reçu plus de 3000 demandes d’accompagnement sexuel, a suivi 600 personnes ayant exprimé ce désir d’intimité et a formé 80 personnes. 90% des demandes émanent d’hommes, et seulement 10% de femmes. «Sophie Cluzel veut lancer des enquêtes chez nos voisins européens pour voir comment ils forment des accompagnants, alors qu’on le fait sous son nez depuis mars 2015», explique au Figaro Marcel Nuss, le fondateur de l’Appas. De son côté, l’APF forme depuis longtemps ses accompagnants à travers l’association suisse «Corps Solidaires» et «CH(s)OSE».

«La question de l’accompagnement sexuel pose des questions éthiques, mais cette pratique doit être encadrée, c’est pourquoi l’APF a saisi le CCNE (Comité consultatif national d’éthique)», annonce Aude Bourden au Figaro. «On demande une exception à la loi, notre sujet n’est pas la prostitution, mais l’accès des personnes handicapées à la sexualité. Dans le cadre d’un service de mise en relation, on aimerait être dépénalisé». Ce serait donc la mise en relation qui serait problématique en France et non l’acte en lui-même, comme l’explique Fabrice Flageul, praticien en relation d’aides psycho-corporelles et également accompagnant sexuel: «Les auxiliaires de vie et les directeurs de centre ont peur d’être considérés comme des proxénètes. On est obligés d’organiser des visites privées en cachette, de trouver des stratégies».

Des soignants, des kiné-thérapeutes, des éducateurs dans le soin et des travailleurs du sexe usent ainsi du bouche à oreille pour se former et mener à bien leur activité. «Ce sont des formations assez longues, reparties sur plusieurs week-end dans l’année pour que les personnes puissent mûrir leur projet. On leur apprend comment manipuler un corps douloureux. L’assistant sexuel est complètement libre de refuser un certain nombre d’actes qu’il ne souhaite pas faire. Le but premier n’est pas la satisfaction de la pulsion sexuelle, le but est d’accompagner la personne dans sa sexualité» , nous apprend Aude Bourden. Mais si «l’objectif n’est pas le même que celui de la prostitution» selon elle, «la rétribution reste importante» car «c’est avant tout un service».

Source LE FIGARO.