Santé : les psychologues manifestent car ils ont « le sentiment de ne pas être respectés »…

Ces professionnels tirent la sonnette d’alarme : ils estiment que leur indépendance est menacée par la création d’un ordre des psychologues.

Des représentants de leurs syndicats doivent être reçus, jeudi, au ministère de la Santé.

Dans le cabinet d'une psychologue. (EMMA BUONCRISTIANI / MAXPPP)

 

Le ton n’est pas aussi feutré que celui utilisé généralement dans leurs cabinets. Les psychologues demandent au gouvernement d’arrêter « de se moquer d’eux » dans leur appel du 10 juin, où ils annoncent une mobilisation générale ce jeudi. Ils dénoncent une série de mesures gouvernementales qui « disqualifie les psychologues » et les « menace dans leurs pratiques » en « limitant leur indépendance technique et en conditionnant leur exercice clinique ».

Partout en France, psychologues, psychologues de l’Education nationale, étudiants en psychologie et enseignants-chercheurs en psychologie sont invités à manifester en début d’après-midi devant les agences régionales de santé (ARS) ou les préfectures. A Paris, ils seront devant le ministère de la Santé à 13h30, pancartes à la main.

Haro sur le chèque psy

« C’est la première fois qu’une telle mobilisation massive a lieu », s’étonne Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP) et psychologue-clinicien, contacté par franceinfo. Son syndicat, avec l’Ufmict-CGT, l’association Siueerpp, qui regroupe les enseignants-chercheurs en psychologie, et la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP), est à l’origine de ce coup de colère. L’ensemble des lieux de manifestations est recensé sur le site du SNP.

« Le mouvement a flambé partout en France avec 40 villes concernées y compris dans les DOM-TOM et nous sommes déterminés à tenir. »

Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du SNP

à franceinfo

A l’origine de cette mobilisation « historique », il y a un « ras-le-bol », souligne le secrétaire général. « Le chèque psy a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, retrace-t-il. Nous refusons cette prescription médicale sous-valorisée et dont la durée des séances est irréaliste. » Ce dispositif a été mis en place auprès des étudiants afin qu’ils bénéficient d’un accompagnement sur six séances maximum, d’un montant de 30 euros chacune. Un forfait psy de 10 séances est également prévu pour les enfants et les adolescents et devait être opérationnel à la fin du mois de mai.

Une demande de reconnaissance

Derrière ce refus du chèque psy, « il y a quelque chose de plus vital », analyse le psychologue-clinicien, « c’est notre demande de reconnaissance »« Nous avons le sentiment de ne pas être respectés », soulève-t-il. Ce qui coince, pour les professionnels, c’est qu’avant de consulter un psychologue, les étudiants doivent préalablement passer par un médecin. « Vouloir mettre en place une prescription médicale à l’origine d’une séance chez le psychologue est non seulement une lourdeur administrative, mais c’est également nous considérer comme incapable de définir ce qui est nécessaire pour le patient« , relève le psychologue-clinicien.

Dans le viseur de la profession il y a également l’arrêté du 10 mars 2021 relatif à leur expertise. Il réduit les compétences des psychologues qui interviennent auprès des enfants présentant certains troubles du développement, selon Patrick-Ange Raoult. « Cela va à l’encontre de l’autonomie technique des psychologues et cela va à l’encontre du pluralisme des méthodes que nous utilisons et qui sont nécessaires face à la diversité des cas que nous suivons », assure-t-il.

« Nous refusons la création d’un ordre des psychologues »

La crise sanitaire a mis en exergue le travail des psychologues, qui sont fortement sollicités depuis mars 2020. « Et le gouvernement veut mieux nous encadrer », souligne Nathalie Eudes, psychologue et déléguée nationale des psychologues du SE-Unsa, contactée par franceinfo. « Nous ne dépendons de personne, notamment dans l’Education nationale où nous ne siégeons dans aucune instance dans les rectorats, ni au ministère », précise cette psychologue scolaire.

Si la profession demande à être davantage impliquée dans les décisions qui la concernent, elle ne veut pas être encadrée à n’importe quelle condition. « Nous sommes une profession réglementée depuis 1985, soumise à un code déontologique reconnue par la profession et par les magistrats, rappelle Patrick-Ange Raoult, et nous voulons rester ‘cadrés’ par ce code. » Car il leur offre une liberté dans l’utilisation de leurs outils et des méthodes et dans leur capacité à diriger leurs patients vers un psychiatre ou une autre instance sanitaire si besoin.

« Il y a une volonté de la part du ministère de la Santé de vouloir exercer un contrôle médical sur la psychologie. »

Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du SNP

à franceinfo

Or, selon eux, cette liberté serait atteinte si un ordre des psychologues venait à être créé, comme le prévoit un projet de loi déposé le 7 avril 2021. « Nous serions sous la tutelle des médecins qui pourraient nous enjoindre à utiliser tels outils ou telles méthodes et nous refusons cette injonction de pratiques », anticipe la psychologue scolaire.

Cet ordre n’est pas le bienvenu d’autant que le Cerédépsy, qui regroupe 21 organisations de psychologues, travaille actuellement à la « réécriture du code de déontologie » et « réfléchit à trouver la meilleure instance pour nous représenter, à défaut d’un ordre », précise-t-elle.

La question des remboursement des consultations par la Sécu

Le retrait du projet de loi concernant la création d’un ordre des psychologues et l’arrêt de dispositifs tels que les chèques psy font partie des principales revendications des psychologues en grève aujourd’hui. Ils demandent aussi la garantie, pour les patients, d’un libre accès aux psychologues sans passer par un médecin et le remboursement par la Sécurité sociale de leurs consultations.

« Nous exigeons le respect de la loi de 1985, le respect de l’autonomie des psychologues et de la pluralité de leurs méthodes et pratiques. »

Nathalie Eudes, déléguée nationale des psychologues du SE-Unsa,

à franceinfo

Ecartés du Ségur de la santé et du Grenelle de l’éducation (pour les psychologues de l’Education nationale), ils réclament aussi la création de postes et une revalorisation des salaires à la hauteur des études menées, qui équivalent selon eux à un « bac +6 ». « Nous demandons une rémunération calquée sur celle des agrégés dans l’Education nationale et la possibilité d’évoluer d’un poste de psychologue en primaire vers un poste en secondaire ou le contraire », précise la psychologue scolaire Nathalie Eudes.

Les représentants du SNP, de l’Ufmict-CGT, du Siueerpp et de la FFPP ont demandé à rencontrer un responsable au ministère de la Santé ce jeudi. « Normalement, nous devrions être reçus dans l’après-midi même », précise Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du SNP « mais nous ne nous faisons pas d’illusion sur ce rendez-vous », a-t-il conclu.

Source FRANCE INFO.

 

Et si certaines maladies chroniques étaient la manifestation de souffrances dans l’enfance ?…

MALTRAITANCE  – Aujourd’hui, des psychologues nous expliquent combien les traumatismes de l’enfance peuvent nuire sur le long terme.

Et si certaines maladies chroniques étaient la manifestation de souffrances dans l’enfance ?

 

  • Des événements de vie négatifs durant l’enfance perturbent la santé et le développement physique ou psychologique de l’enfant, selon notre partenaire The Conversation.
  • Leurs conséquences physiques, psychiques et sociales font désormais l’objet d’études visant à les comprendre pour mieux les prévenir.
  • L’analyse de ce phénomène a été menée par Cyril Tarquinio, professeur de psychologie clinique et Camille Louise Tarquinio, doctorante en psychologie (tous deux à l’université de Lorraine).

Et si les souffrances de l’enfance expliquaient les maladies chroniques de l’adulte ? C’est l’hypothèse avancée au début des années 1990 par Vincent Felitti, responsable du département de médecine préventive au sein de la clinique Kaiser Permanente à San Diego, en Californie. Depuis lors, bon nombre d’études tendent à le confirmer…

Une étude tremplin

Préoccupé par le constat récurrent d’abandon des participants à un programme de lutte contre l’obésité, Vincent Felitti cherchait à comprendre pourquoi. En 1993, il décide donc de lancer une étude par le biais d’entretiens auprès d’un peu plus de deux cents patients, dont une moitié est en surpoids, et l’autre sert de groupe témoin. L’objectif est alors d’explorer les liens entre d’éventuels événements de vie négatifs durant l’enfance, et la présence de troubles du comportement alimentaire et d’obésité à l’âge adulte. Or que constate-t-il ?

Les violences sexuelles et physiques, l’alcoolisme parental, la perte précoce des parents sont nettement plus fréquents chez les personnes obèses que dans le groupe témoin. De même que la dépression et les problèmes familiaux et de couple dans leur vie d’adulte. Souvent, dans leurs propos, ces patients rapportent que l’obésité constitue pour eux un dispositif de protection contre la sexualité, la nourriture permettant par ailleurs de compenser et de faire face à la détresse émotionnelle.

Ces résultats ont servi de tremplin à une étude de plus grande ampleur s’attachant à examiner les conséquences de formes multiples et concomitantes de maltraitances et de négligence pendant l’enfance. Plus précisément, les données de 17.000 personnes nées aux États-Unis entre 1900 et 1978 sont étudiées en détail, pour évaluer l’effet sur le long terme d’ACEs (Adverse Childhood Experiences) : des « événements vécus durant l’enfance, de sévérité variable et souvent chroniques, survenant dans l’environnement familial ou social d’un enfant, qui causent un préjudice ou de la détresse et perturbent ainsi la santé et le développement physique ou psychologique de l’enfant ».

Des événements très perturbants

Dans les premières études conduites sur les ACEs, sept catégories sont distinguées : les violences physiques, psychologiques, sexuelles, mais aussi des violences envers la mère, ou encore le fait de vivre dans un foyer où des personnes consomment des substances psychoactives, ont des troubles psychiques, ou ont fait de la prison.

Interrogeant des volontaires par questionnaire, les chercheurs en tirent un score de 0 à 7 rendant compte de l’effet cumulatif des ACEs. Ce score est ensuite mis en parallèle avec les données se rapportant à l’évaluation médicale des participants. L’étude américaine du Kaiser Permanente de San Diego révèle ainsi que plus une personne subit d’expériences traumatisantes durant l’enfance, plus elle est susceptible de présenter des facteurs de risque, et donc de souffrir à l’âge adulte de problèmes de santé pouvant conduire au décès.

Parmi les facteurs de risque, figurent le tabagisme, l’obésité grave, l’inactivité physique, l’humeur dépressive, les tentatives de suicide, l’alcoolisme, toutes formes de toxicomanie, y compris parentale, mais aussi un nombre élevé de partenaires sexuels au cours de la vie et des antécédents de maladies sexuellement transmissibles. Les causes de décès, elles, incluent la cardiopathie ischémique, les cancers, l’accident vasculaire cérébral, la bronchite chronique ou l’emphysème, le diabète, les hépatites, etc.

Ajoutons qu’au début des années 2000, la liste des expériences négatives de l’enfance s’est élargie pour inclure la négligence émotionnelle, la négligence physique et la séparation ou le divorce des parents. Depuis, les études ne cessent de l’étendre, pour suivre au mieux tous les événements traumatisants que peuvent vivre les enfants et les adolescents. En mettant à jour bon nombre de liens avec des maladies chroniques de l’adulte, notamment dans le registre des troubles métaboliques.

Des risques accrus de troubles métaboliques

Confirmant les premières observations de l’équipe de San Diego (Californie), une étude conduite en Finlande a ainsi montré en 2009 que des enfants ayant dû faire face à l’adversité étaient exposés une fois adultes à un risque accru de diabète de type 2 et d’obésité, mais aussi d’hypertension.

Une étude canadienne a ensuite mis en évidence l’existence d’un lien entre ACEs et présence à l’adolescence d’un rythme cardiaque, d’un indice de masse corporelle (IMC) et d’un tour de taille significativement plus élevés. Peu après, une étude britannique a confirmé le lien avec l’obésité : d’après ses résultats, les personnes confrontées à des ACEs ont 1,36 fois plus de risques de devenir obèses une fois adultes.

À ces données s’ajoutent celles d’une étude prospective menée en Nouvelle-Zélande, et pointant l’association entre les expériences traumatisantes de l’enfance et la présence au début de l’âge adulte d’une série de facteurs de risque, notamment sur le plan métabolique (surpoids, hypertension, hypercholestérolémie, etc.).

Notons par ailleurs qu’un lien a été établi entre maltraitance des enfants et présence ultérieure de troubles gastro-intestinaux, qui est à mettre en perspective avec les critères diagnostiques du trauma complexe. Les troubles intestinaux font en effet partie des symptômes qui peuvent (et doivent) alerter le clinicien quant à la présence possible durant l’enfance de violences ou de maltraitance.

Enfin, il a été montré que le nombre d’ACEs augmente à l’âge adulte la probabilité d’hospitalisation pour une maladie auto-immune.

Des pathologies surreprésentées

Les liens que nous venons d’évoquer ne sont pas retrouvés dans toutes les études. Mais différentes variables (sexe, fréquence des ACEs, gravité…) pourraient l’expliquer, comme en témoigne une étude menée il y a une dizaine d’années auprès d’infirmières américaines : d’après ses résultats, plus les abus physiques ou sexuels dont elles ont été victimes pendant l’enfance ou l’adolescence sont graves (étant entendu que juger de la gravité de certains ACEs est une option discutable), plus elles sont susceptibles de souffrir d’hypertension.

De fait, voilà quatre ans, une revue systématique des études sur le sujet parue dans le Lancet a mis en lumière la force du lien entre les ACEs et la surreprésentation de certaines pathologies ou comportements chez l’adulte.

Les résultats de cette méta-analyse nous révèlent que les comportements tabagiques et alcooliques sont fortement liés à la présence d’ACEs. On note, aussi, que les cancers, les maladies cardiovasculaires ou les maladies respiratoires semblent surreprésentés chez les victimes devenues adultes.

Le lien est encore plus net s’agissant des comportements sexuels à risque ou de la probabilité de développer une pathologie mentale – avec un effet cumulatif : avec quatre ACEs et plus, le risque de souffrir d’infections sexuellement transmissibles (IST), de cancers, de maladies du foie ou de l’appareil digestif est plus élevé. Enfin, le lien avec les ACEs est également avéré pour les addictions aux drogues, mais aussi les violences intrafamiliales et psychosociales.

Pour conclure, ces données témoignent de l’importance du dépistage d’un vécu d’adversité durant l’enfance. Une maladie chronique n’est pas le simple fait du hasard. Et parmi ses nombreux facteurs de risque, on doit y associer les expériences négatives de l’enfance. Si en psychologie les ACEs constituent depuis longtemps un champ de recherches, il y aurait tout intérêt pour la médecine à s’en saisir : il y a urgence à mieux comprendre en quoi les maladies chroniques peuvent en partie constituer l’expression « incarnée » de la souffrance de l’enfant et de l’adolescent que nous avons tous été.

Cette analyse a été rédigée par Cyril Tarquinio, professeur de psychologie clinique et Camille Louise Tarquinio, doctorante en psychologie (tous deux à l’université de Lorraine).
L’article original a été publié sur le site de 
The Conversation.

Source 20 MINUTES.

Coronavirus : en quatre mois, le nombre de recherches en lien avec la santé mentale a doublé sur Doctolib…

Entre octobre 2020 et janvier 2021, le nombre de recherches de psychologues ou psychiatres a doublé sur Doctolib.

Une conséquence de la crise sanitaire et économique pour les professionnels, qui redoutent des dégâts à long terme.

En quatre mois, le nombre de recherches en lien avec la santé mentale a doublé sur Doctolib.

 

Psychologues et psychiatres alertent depuis plusieurs mois. Anxieux, déprimés, épuisés, de plus en plus de Français se tournent vers des professionnels. D’après les chiffres communiqués ce jeudi à France Bleu par Doctolib, le nombre de recherches effectuées par les patients en lien avec santé mentale a ainsi doublé entre octobre 2020 et janvier 2021, passant de 120.000 à 255.000 pour les psychologues et de 105.000 à 223.000 pour les psychiatres.

Depuis octobre 2020, les psychologues de la plateforme de prise de rendez-vous en ligne ont vu leur activité croître de 27%, et les psychiatres de 19%. 75% des psychologues expliquent avoir constaté une augmentation de leur charge de travail ces derniers mois, essentiellement liée à l’arrivée de nouveaux patients.

Nouveaux patients

Des chiffres qui ne surprennent pas Caroline Delannoy, psychologue dans le 16e arrondissement de Paris. « Nous recevons beaucoup de nouveaux patients depuis octobre dernier en raison du contexte actuel, de la crise sanitaire » confirme-t-elle.

Un an après le premier confinement, et alors que de nouvelles restrictions entrent en vigueur samedi dans tout le pays, la santé mentale des Français est en effet devenue une donnée centrale de la crise sanitaire.

Selon une enquête OpinionWay publiée le 23 mars, le taux de dépressions, y compris sévères, parmi les salariés a explosé depuis mars 2020. Les hospitalisations des moins de 15 ans pour motif psychiatrique sont « en hausse de 80% » a indiqué le 22 mars sur France Inter Angèle Consoli, pédopsychiatre à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpétrière et membre du Conseil scientifique, et la détresse des étudiants, privés d’université et de vie sociale, a poussé le gouvernement à lancer une plateforme nationale d’accompagnement psychologique dédiée en partenariat avec la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie.

Source FRANCE BLEU.