Et si les aides à domicile finissaient vraiment par craquer ?… Vidéo.

832 euros par mois, c’est le salaire moyen des aides à domicile, dont les contrats sont rarement à temps plein.

Les très faibles rémunérations ne correspondent pas aux contraintes horaires, à l’engagement et au rôle crucial de la profession auprès des personnes en perte d’autonomie.
La crise des vocations fait que le secteur est sur le point de craquer.
Seul espoir : que la France renonce à vouloir financer ces services et soins vitaux… au rabais.
Et si les aides à domicile finissaient vraiment par craquer ?...

«Je vais chez des personnes qui sont presque centenaires, nos petits vieux ce sont des trésors vivants !  », s’enflamme Muriel Auvinet. Aide à domicile depuis dix ans dans le Var, après avoir vécu en Auvergne, Muriel est passionnée par son métier.

Elle a travaillé huit ans dans une « grosse structure associative », avant de rejoindre « une petite boîte, où l’on garde le lien, l’humain. On sympathise, on discute avec les bénéficiaires et les familles. Il y a beaucoup de psychologie, d’empathie ».

Si Muriel a conservé la foi, elle a vécu il y a six ans la réduction drastique des temps de présence, imposée par les services des départements : « Quand on venait une heure, ça a été réduit à 30 minutes ». C’est insuffisant mais Muriel et sa dizaine de collègues de « l’As de Cœur » à Barjols (Var) font de la résistance : « souvent dix minutes de plus chez chaque personne. Ce n’est pas facturé. À la fin de la journée, j’ai souvent cumulé une heure de bénévolat ».
Ces minutes gagnées sur la « robotisation du métier », dixit cette professionnelle varoise, sont possibles car sa patronne est l’une des rares qui « refuse de faire pointer par téléphone ».

Muriel a pris sa décision :  « Si on est rachetés par une grosse boîte, j’arrête ».

Un recrutement rendu encore plus difficile par la crise  sanitaire.

Le recrutement dans le secteur de l’aide à domicile était déjà plus que tendu avant la crise du Covid.

Placées par le gouvernement en « deuxième ligne », ces professionnelles (le métier est féminin à plus de 95 %) se sont bien senties en première ligne : « On a remplacé les infirmières. Nos bénéficiaires étaient en grande souffrance car totalement isolés. Certains sont morts, pas du Covid mais des conséquences des mesures contre la pandémie, parce qu’ils ne pouvaient plus sortir de chez eux », témoigne Muriel.

Anne Lauseig, l’une des animatrices du collectif La force invisible des aides à domicile, annonce « un été très tendu pour les structures employeuses […] les vagues de Covid successives ont épuisé beaucoup de collègues ».

 « Les arrêts maladie découlant du surmenage provoqué par la crise sanitaire s’accompagnent souvent d’une recherche de reconversion ».

Anne Lauseig (Aide à domicile en Gironde et co-fondatrice du collectif la Force invisible des aides à domicile).

Démissions et plongeon des vocations plombent le moral des employeurs alors que la demande de prise en charge explose : « On va être confronté à un doublement des personnes âgées en perte d’autonomie d’ici à 2050. Les Ehpad ont des lits de libre mais 90 % des Français préfèrent vieillir chez eux », situe Julien Jourdan, directeur de la fédération des employeurs privés de services à la personne (Fédésap).

« Dans les dix ans à venir, la moitié des salariés de l’aide à domicile vont partir à la retraite », complète Stéphane Fustec, délégué national de la CGT pour les services à la personne.
Le syndicaliste résume les modalités de rémunération qui rendent le secteur peu attractif : « Le temps d’attente et le temps de déplacement ne sont pas pris en compte. Sur une amplitude de 12 ou 13 heures sur une journée, l’aide à domicile sera payée cinq ou six heures au Smic, pas plus ».

Aides à domicile ou auxiliaires de vie ?

Dans le secteur associatif, on les appelle aides à domicile. Les salariés du privé sont auxiliaires de vie, tandis que la dénomination chez les particuliers employeurs est assistant(e) de vie. Si l’on peut rentrer dans ce métier sans qualification, la validation des acquis et la formation continue sont encouragées. Le secteur emploie aussi des aides-soignantes diplômées.  Selon le rapport parlementaire Bonnell-Ruffin, un tiers des aides à domicile sont employés par des particuliers. Le secteur public est également employeur, à travers les CCAS notamment. Les entreprises et les associations de l’aide à domicile emploient 370.000 personnes. 60 % sont dans l’associatif mais le privé gagne des « parts de marché » L’aide au maintien à domicile bénéficie est dirigée aussi vers les personnes handicapées via la PCH (Prestation compensatoire au handicap) qui relève des mêmes financements que l’APA : la prise en charge est plus élevée.

Le rapport parlementaire rendu en 2020 par François Ruffin (LFI) et Bruno Bonnell (LREM) sur les métiers du lien a chiffré ce « sous-smic » qui génère une grande précarité. Une fabrique de « femmes pauvres » n’hésitent pas à dénoncer Ruffin et Bonnell : « 26 heures de travail hebdomadaire, en moyenne et 832 euros de salaire net, 1.190 euros pour un (rare) temps plein ».

Et si les aides à domicile finissaient vraiment par craquer ?...Un employeur du Puy-de-Dôme : « C’est un métier où l’on voit des situations compliquées, qui est usant psychologiquement et physiquement. photo Agence Issoire

Les employeurs ne sont pas les derniers à convenir de cette indécence, à l’image de Patrick Quinty, patron d’Auravie services, une PME de deux cents salariés qui opère entre le Puy-de-Dôme, l’Allier, le Loiret et le Rhône : « Il faut payer les gens à leur juste valeur. C’est un métier où l’on voit des situations compliquées, qui est usant psychologiquement et physiquement ».
La prise en charge à domicile de la perte d’autonomie est complexe et technique .

«  Ce n’est plus le petit ménage de confort, ce sont des soins, des toilettes, des repas. Je fais un boulot d’aide soignante sans le salaire »,

Muriel Auvinet (Aide à domicile dans le Var)

C’est ce que les professionnels appellent le « glissement de tâches ».

Un secteur très morcelé et des professionnels sans statut clair

De multiples qualifications et statuts coexistent selon qu’on soit salarié d’une association, de la fonction publique, d’une entreprise ou d’un particulier : « Ils ont morcelé le secteur, c’est exprès », suggère Anne Lauseig.
Une ambiguïté a été également instaurée en mêlant les métiers du soin et de l’aide sociale au secteur des « services à la personne », qui comprennent par exemple des heures de ménage ou de jardinage. Un secteur développé par des crédits d’impôts.

Du côté des bénéficiaires de la hausse, on ne se réjouit pas trop à l’avance : « Les petites mains, qui n’ont pas de diplôme, ne vont toucher que 10-20 euros par mois en plus, les cadres ce sera plutôt 300 euros », évalue Anne Lauseig. En Gironde, où elle travaille, la porte-parole des aides à domicile a déjà constaté la forte évaporation des augmentations consenties : « Une convention du Conseil départemental signée avec les entreprises permet de relever le tarif APA de 19 à 21 euros à condition qu’elles augmentent leurs salariés : sur les bulletins de salaires ça s’est traduit par 0,05 euro en plus à l’heure ! ». À la CGT, Stéphane Fustec réclame des « contrôles », afin que les augmentations impulsées par les pouvoirs publics ne « disparaissent pas dans la marge des entreprises ». Tous les acteurs du secteurs du domicile réclament un statut unifié grâce à la 5e branche de la Sécu Le patron d’Auravie services à Clermont-Ferrand, Patrick Quenty, donne sa marge de manœuvre et sa marge tout court : « Sur 23 euros facturés de l’heure, le reste à charge pour le bénéficiaire est de 2,36 euros. Le coût réel de fonctionnement est de 21 à 22 euros ». « On ne peut pas augmenter le reste à charge car nos clients ne pourraient pas suivre » Julien Jourdan (Directeur de la fédération des entreprises des services à la personne (Fédésap)) Départements, employeurs, salariés partagent la même vision : la seule issue à cette situation critique, indécente au niveau des rémunérations et territorialement inégalitaire, c’est la mise en place de la cinquième branche grand âge -autonomie de la Sécurité sociale. C’est voté à l’Assemblée, le gouvernement a posé des jalons mais la crise sanitaire et les échéances électorales ne permettent de dégager aucune perspective à court terme. Dans leur rapport, les députés Bonnell et Ruffin ont évoqué, pour mieux la dénoncer, une « tentation » : recourir à l’immigration. Une façon cynique de maintenir le métier dans la précarité et donc, pour la France, de prendre soin de ses « vieux » sans jamais en payer le coût réel. Des départements plus ou moins généreux La prime Covid, décidée en janvier par le gouvernement, avait déjà révélé un « enthousiasme » inégal des départements à l’heure de récompenser les aides à domicile. Avec des montants très disparates et même deux conseils départementaux qui ont refusé de verser ladite prime. L’augmentation décidée en avril par le gouvernement ne concernera que les aides à domicile du secteur associatif mais Marie-Reine Tillon, présidente de la fédération UNA, redoute que des « départements ne jouent pas le jeu de l’augmentation. Les associations, elles, sont contraintes d’augmenter par la convention collective ». L’État via la Caisse nationale de Solidarité pour l’Autonomie prendrait en charge 150 millions d’euros de cette augmentation, somme inscrite dans la loi de finance de la Sécurité Sociale 2021. L’Association des départements de France a évalué le « reste à charge » : le surcoût pour l’ensemble des conseils départementaux est estimé à 301 millions d’euros. En dehors des primes et des augmentations, la « générosité » des départements envers le secteur de l’aide à domicile connaît de grandes variations : quelques centimes de différences de l’heure sur le montant de l’Aide personnalisée à l’autonomie (APA) peuvent avoir une très forte incidence sur la rentabilité des structures. Céciile, aide soignante à domicile dans un SSIAD en Corrèze Du côté de l’Association des départements de France, on explique ces variations par des différences de structures sociodémographiques des territoires : « Le taux de bénéficiaires de l’APA parmi les 60 ans varie de 2,6 à 9,4 % ». « Quand vous êtes dépendant, il faut choisir votre lieu d’habitation » Au cours de ce mandat, l’autonomie financière des Conseils départementaux s’est considérablement restreinte puisqu’ils n’ont pratiquement plus de leviers fiscaux. Les élections de juin n’en sont pas moins l’occasion d’affirmer des choix politiques, même dans un contexte contraint. « Gros morceau » des compétences sociales, le financement de l’autonomie révèle des écarts qui vont du simple au double et qui ne sont pas forcément corrélés à la « richesse » du département. Le financement moyen de l’APA est de 21 euros. La « fourchette » va de 17 euros à près de… 30 euros. Des départements comme l’Isère ou le Maine-et-Loire sont parmi les plus généreux. « Les tarifs les plus hauts sont liés à des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens », relève le chef d’entreprise Patrick Quinte. La France, pays des 365 fromages et des 95 tarifs APA. Avec des restes à charge qui peuvent plomber des petites retraites. Marie Reine Tillon fait ce constat : « Quand vous êtes dépendant, il faut choisir votre lieu d’habitation ». Innovation : la Corrèze a créé une académie des métiers de l'autonomie La Corrèze a fait partie des départements dont le tarif APA était le plus faible. Il est aujourd’hui dans la moyenne avec un tarif de 21 euros de l’heure. Un effort qui s’est accompagné d’un dispositif de financement différencié, comme l’explique le président du Conseil départemental Pascal Coste : « La prise en charge de ceux qui sont en dessous de 1.200 euros de retraite par mois est intégrale. Au-dessus, il y a une participation de 5 euros sur le reste à charge ». L'académie des métiers de 'autonomie a démarré il y a trois mois en Corrèze Lancée en début d’année, une innovation devrait participer à la reconnaissance et à l’attractivité du métier : l’académie des métiers de l’autonomie. Dans tous les services d’aide à domicile du département, des professionnelles sont valorisées en tant qu’ambassadrices ou tutrices, dans l’objectif de faire découvrir le métier. Une formation en alternance sur un an a été mise en place avec le lycée agricole de Naves. « Des tutoriels ont été créés par les professionnelles confirmées et intégrés aux téléphones de service : ils permettent aux nouveaux salariés de savoir comment s’y prendre face à une situation donnée », complète Pascal Coste. D'autres départements cherchent à s'inspirer de ce modèle La Corrèze actionne également le levier de la mobilité : « En partenariat avec le Crédit agricole, nous avançons 8.000 euros sur le financement du permis de conduire et de l’acquisition du véhicule ». La question du recrutement est devenue localement moins problématique : « Nous avons 37 personnes qui sont entrées dans le métier en trois mois. À ce rythme-là, nous devrions pouvoir remplacer les départs en retraite », se félicite le président du Conseil départemental. D’autres départements veulent s’inspirer du « modèle corrézien ». Sur leur lancée, les Limousins veulent élargir les compétences de son académie à tout le secteur du domicile : des soins infirmiers aux assistantes maternelles. Julien RapegnoLes aides à domicile effectuent des tâches de plus en plus techniques – le 06/05/2021 photo Franck Boileau

Marie-Reine Tillon, présidente de l’UNA, qui fédère les structures associatives d’aide à domicile, réclame une clarification : « Il faut faire le tri entre ce qui relève ou non du médico-social. L’argent public ne doit pas financer du ménage ou un coach à domicile chez des actifs ».

C’est bien le sous-financement de la prise en charge de la perte d’autonomie qui maintient les salaires sous la ligne de flottaison.

Tarif moyen de l’APA payé par les départements : 21 euros /heure. Coût d’un service de qualité : 30 euros

Aujourd’hui, le tarif moyen horaire de l’APA (aide personnalisée à l’autonomie) payé par les départements est de 21 euros : « Si on payait 100 % des déplacements, les temps de coordination, la formation. Si on veut faire un secteur vertueux, qui traite bien ses salariés et ses bénéficiaires, et qui fait faire des économies à la sécurité sociale : ça coûte 30 euros de l’heure », chiffre Julien Jourdan.
Certains départements se gargarisent de chouchouter leurs personnes âgées. .

« Les départements  exigent de nos services à domicile de ne pas employer plus de 20 % de diplômés, pour que ça ne coûte pas trop cher »

Marie-Reine Tillon (Présidente de l’Union des associations d’aide à domicile).

La présidente de la fédération des associations d’aide à domicile dénonce un « système schizophrène » où l’État et les départements se renvoient la responsabilité du sous financement.
Les départements ont subi de plein fouet la baisse des dotations de l’État et sont confrontés à une hausse continue des prestations sociales. C’est dire s’ils n’ont pas accueilli comme une bonne nouvelle l’annonce de la ministre en charge de l’autonomie le 1er avril.

15% de hausse de salaire mais seulement dans les structures associatives

Brigitte Bourguignon a promis des hausses de 15 % des salaires des aides à domicile du secteur associatif, à partir d’octobre. L’État et les départements doivent se partager le coût de cette hausse (lire ci-dessous).

Les acteurs privés de la branche protestent. Ils voient dans cette augmentation réservée aux seuls salariés du secteur associatif « une distorsion de concurrence », qui va encore leur compliquer le recrutement : « Avec la revalorisation de 160 euros du Ségur de la santé, on assiste déjà à une fuite de nos aides soignantes diplômées vers les Ehpad », s’inquiète Julien Jourdan.

Du côté des bénéficiaires de la hausse, on ne se réjouit pas trop à l’avance : « Les petites mains, qui n’ont pas de diplôme, ne vont toucher que 10-20 euros par mois en plus, les cadres ce sera plutôt 300 euros », évalue Anne Lauseig.
En Gironde, où elle travaille, la porte-parole des aides à domicile a déjà constaté la forte évaporation des augmentations consenties : « Une convention du Conseil départemental signée avec les entreprises permet de relever le tarif APA de 19 à 21 euros à condition qu’elles augmentent leurs salariés : sur les bulletins de salaires ça s’est traduit par 0,05 euro en plus à l’heure !  ».
À la CGT, Stéphane Fustec réclame des « contrôles », afin que les augmentations impulsées par les pouvoirs publics ne « disparaissent pas dans la marge des entreprises ».

Tous les acteurs du secteurs du domicile réclament un statut unifié grâce à la 5e branche de la Sécu

Le patron d’Auravie services à Clermont-Ferrand, Patrick Quenty, donne sa marge de manœuvre et sa marge tout court : « Sur 23 euros facturés de l’heure, le reste à charge pour le bénéficiaire est de 2,36 euros. Le coût réel de fonctionnement est de 21 à 22 euros ».

« On ne peut pas augmenter le reste à charge car nos clients ne pourraient pas suivre »

Julien Jourdan (Directeur de la fédération des entreprises des services à la personne (Fédésap))

Départements, employeurs, salariés partagent la même vision : la seule issue à cette situation critique, indécente au niveau des rémunérations et territorialement inégalitaire, c’est la mise en place de la cinquième branche grand âge -autonomie de la Sécurité sociale. C’est voté à l’Assemblée, le gouvernement a posé des jalons mais la crise sanitaire et les échéances électorales ne permettent de dégager aucune perspective à court terme.
Dans leur rapport, les députés Bonnell et Ruffin ont évoqué, pour mieux la dénoncer, une « tentation »  : recourir à l’immigration.
Une façon cynique de maintenir le métier dans la précarité et donc, pour la France, de prendre soin de ses « vieux » sans jamais en payer le coût réel.

Des départements plus ou moins généreux

La prime Covid, décidée en janvier par le gouvernement, avait déjà révélé un « enthousiasme » inégal des départements à l’heure de récompenser les aides à domicile. Avec des montants très disparates et même deux conseils départementaux qui ont refusé de verser ladite prime.
L’augmentation décidée en avril par le gouvernement ne concernera que les aides à domicile du secteur associatif mais Marie-Reine Tillon, présidente de la fédération UNA, redoute que des « départements ne jouent pas le jeu de l’augmentation. Les associations, elles, sont contraintes d’augmenter par la convention collective ».

L’État via la Caisse nationale de Solidarité pour l’Autonomie prendrait en charge 150 millions d’euros de cette augmentation, somme inscrite dans la loi de finance de la Sécurité Sociale 2021.

L’Association des départements de France a évalué le « reste à charge » : le surcoût pour l’ensemble des conseils départementaux est estimé à 301 millions d’euros.
En dehors des primes et des augmentations, la « générosité » des départements envers le secteur de l’aide à domicile connaît de grandes variations : quelques centimes de différences de l’heure sur le montant de l’Aide personnalisée à l’autonomie (APA) peuvent avoir une très forte incidence sur la rentabilité des structures.

Du côté des bénéficiaires de la hausse, on ne se réjouit pas trop à l’avance : « Les petites mains, qui n’ont pas de diplôme, ne vont toucher que 10-20 euros par mois en plus, les cadres ce sera plutôt 300 euros », évalue Anne Lauseig. En Gironde, où elle travaille, la porte-parole des aides à domicile a déjà constaté la forte évaporation des augmentations consenties : « Une convention du Conseil départemental signée avec les entreprises permet de relever le tarif APA de 19 à 21 euros à condition qu’elles augmentent leurs salariés : sur les bulletins de salaires ça s’est traduit par 0,05 euro en plus à l’heure ! ». À la CGT, Stéphane Fustec réclame des « contrôles », afin que les augmentations impulsées par les pouvoirs publics ne « disparaissent pas dans la marge des entreprises ». Tous les acteurs du secteurs du domicile réclament un statut unifié grâce à la 5e branche de la Sécu Le patron d’Auravie services à Clermont-Ferrand, Patrick Quenty, donne sa marge de manœuvre et sa marge tout court : « Sur 23 euros facturés de l’heure, le reste à charge pour le bénéficiaire est de 2,36 euros. Le coût réel de fonctionnement est de 21 à 22 euros ». « On ne peut pas augmenter le reste à charge car nos clients ne pourraient pas suivre » Julien Jourdan (Directeur de la fédération des entreprises des services à la personne (Fédésap)) Départements, employeurs, salariés partagent la même vision : la seule issue à cette situation critique, indécente au niveau des rémunérations et territorialement inégalitaire, c’est la mise en place de la cinquième branche grand âge -autonomie de la Sécurité sociale. C’est voté à l’Assemblée, le gouvernement a posé des jalons mais la crise sanitaire et les échéances électorales ne permettent de dégager aucune perspective à court terme. Dans leur rapport, les députés Bonnell et Ruffin ont évoqué, pour mieux la dénoncer, une « tentation » : recourir à l’immigration. Une façon cynique de maintenir le métier dans la précarité et donc, pour la France, de prendre soin de ses « vieux » sans jamais en payer le coût réel. Des départements plus ou moins généreux La prime Covid, décidée en janvier par le gouvernement, avait déjà révélé un « enthousiasme » inégal des départements à l’heure de récompenser les aides à domicile. Avec des montants très disparates et même deux conseils départementaux qui ont refusé de verser ladite prime. L’augmentation décidée en avril par le gouvernement ne concernera que les aides à domicile du secteur associatif mais Marie-Reine Tillon, présidente de la fédération UNA, redoute que des « départements ne jouent pas le jeu de l’augmentation. Les associations, elles, sont contraintes d’augmenter par la convention collective ». L’État via la Caisse nationale de Solidarité pour l’Autonomie prendrait en charge 150 millions d’euros de cette augmentation, somme inscrite dans la loi de finance de la Sécurité Sociale 2021. L’Association des départements de France a évalué le « reste à charge » : le surcoût pour l’ensemble des conseils départementaux est estimé à 301 millions d’euros. En dehors des primes et des augmentations, la « générosité » des départements envers le secteur de l’aide à domicile connaît de grandes variations : quelques centimes de différences de l’heure sur le montant de l’Aide personnalisée à l’autonomie (APA) peuvent avoir une très forte incidence sur la rentabilité des structures. Céciile, aide soignante à domicile dans un SSIAD en Corrèze Du côté de l’Association des départements de France, on explique ces variations par des différences de structures sociodémographiques des territoires : « Le taux de bénéficiaires de l’APA parmi les 60 ans varie de 2,6 à 9,4 % ». « Quand vous êtes dépendant, il faut choisir votre lieu d’habitation » Au cours de ce mandat, l’autonomie financière des Conseils départementaux s’est considérablement restreinte puisqu’ils n’ont pratiquement plus de leviers fiscaux. Les élections de juin n’en sont pas moins l’occasion d’affirmer des choix politiques, même dans un contexte contraint. « Gros morceau » des compétences sociales, le financement de l’autonomie révèle des écarts qui vont du simple au double et qui ne sont pas forcément corrélés à la « richesse » du département. Le financement moyen de l’APA est de 21 euros. La « fourchette » va de 17 euros à près de… 30 euros. Des départements comme l’Isère ou le Maine-et-Loire sont parmi les plus généreux. « Les tarifs les plus hauts sont liés à des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens », relève le chef d’entreprise Patrick Quinte. La France, pays des 365 fromages et des 95 tarifs APA. Avec des restes à charge qui peuvent plomber des petites retraites. Marie Reine Tillon fait ce constat : « Quand vous êtes dépendant, il faut choisir votre lieu d’habitation ». Innovation : la Corrèze a créé une académie des métiers de l'autonomie La Corrèze a fait partie des départements dont le tarif APA était le plus faible. Il est aujourd’hui dans la moyenne avec un tarif de 21 euros de l’heure. Un effort qui s’est accompagné d’un dispositif de financement différencié, comme l’explique le président du Conseil départemental Pascal Coste : « La prise en charge de ceux qui sont en dessous de 1.200 euros de retraite par mois est intégrale. Au-dessus, il y a une participation de 5 euros sur le reste à charge ». L'académie des métiers de 'autonomie a démarré il y a trois mois en Corrèze Lancée en début d’année, une innovation devrait participer à la reconnaissance et à l’attractivité du métier : l’académie des métiers de l’autonomie. Dans tous les services d’aide à domicile du département, des professionnelles sont valorisées en tant qu’ambassadrices ou tutrices, dans l’objectif de faire découvrir le métier. Une formation en alternance sur un an a été mise en place avec le lycée agricole de Naves. « Des tutoriels ont été créés par les professionnelles confirmées et intégrés aux téléphones de service : ils permettent aux nouveaux salariés de savoir comment s’y prendre face à une situation donnée », complète Pascal Coste. D'autres départements cherchent à s'inspirer de ce modèle La Corrèze actionne également le levier de la mobilité : « En partenariat avec le Crédit agricole, nous avançons 8.000 euros sur le financement du permis de conduire et de l’acquisition du véhicule ». La question du recrutement est devenue localement moins problématique : « Nous avons 37 personnes qui sont entrées dans le métier en trois mois. À ce rythme-là, nous devrions pouvoir remplacer les départs en retraite », se félicite le président du Conseil départemental. D’autres départements veulent s’inspirer du « modèle corrézien ». Sur leur lancée, les Limousins veulent élargir les compétences de son académie à tout le secteur du domicile : des soins infirmiers aux assistantes maternelles. Julien RapegnoCécile, aide soignante à domicile dans un SSIAD en Corrèze
 

Du côté de l’Association des départements de France, on explique ces variations par des différences de structures sociodémographiques des territoires : « Le taux de bénéficiaires de l’APA parmi les 60 ans varie de 2,6 à 9,4 % ».

 « Quand vous êtes dépendant, il faut choisir votre lieu d’habitation »

Au cours de ce mandat, l’autonomie financière des Conseils départementaux s’est considérablement restreinte puisqu’ils n’ont pratiquement plus de leviers fiscaux. Les élections de juin n’en sont pas moins l’occasion d’affirmer des choix politiques, même dans un contexte contraint.
« Gros morceau » des compétences sociales, le financement de l’autonomie révèle des écarts qui vont du simple au double et qui ne sont pas forcément corrélés à la « richesse » du département.

Le financement moyen de l’APA est de 21 euros. La « fourchette » va de 17 euros à près de… 30 euros.
Des départements comme l’Isère ou le Maine-et-Loire sont parmi les plus généreux.  « Les tarifs les plus hauts sont liés à des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens », relève le chef d’entreprise Patrick Quinte.
La France, pays des 365 fromages et des 95 tarifs APA. Avec des restes à charge qui peuvent plomber des petites retraites. Marie Reine Tillon fait ce constat :  « Quand vous êtes dépendant, il faut choisir votre lieu d’habitation ».

Innovation : la Corrèze a créé une académie des métiers de l’autonomie

La Corrèze a fait partie des départements dont le tarif APA était le plus faible. Il est aujourd’hui dans la moyenne avec un tarif de 21 euros de l’heure.
Un effort qui s’est accompagné d’un dispositif de financement différencié, comme l’explique le président du Conseil départemental Pascal Coste : « La prise en charge de ceux qui sont en dessous de 1.200 euros de retraite par mois est intégrale. Au-dessus, il y a une participation de 5 euros sur le reste à charge ».

Du côté des bénéficiaires de la hausse, on ne se réjouit pas trop à l’avance : « Les petites mains, qui n’ont pas de diplôme, ne vont toucher que 10-20 euros par mois en plus, les cadres ce sera plutôt 300 euros », évalue Anne Lauseig. En Gironde, où elle travaille, la porte-parole des aides à domicile a déjà constaté la forte évaporation des augmentations consenties : « Une convention du Conseil départemental signée avec les entreprises permet de relever le tarif APA de 19 à 21 euros à condition qu’elles augmentent leurs salariés : sur les bulletins de salaires ça s’est traduit par 0,05 euro en plus à l’heure ! ». À la CGT, Stéphane Fustec réclame des « contrôles », afin que les augmentations impulsées par les pouvoirs publics ne « disparaissent pas dans la marge des entreprises ». Tous les acteurs du secteurs du domicile réclament un statut unifié grâce à la 5e branche de la Sécu Le patron d’Auravie services à Clermont-Ferrand, Patrick Quenty, donne sa marge de manœuvre et sa marge tout court : « Sur 23 euros facturés de l’heure, le reste à charge pour le bénéficiaire est de 2,36 euros. Le coût réel de fonctionnement est de 21 à 22 euros ». « On ne peut pas augmenter le reste à charge car nos clients ne pourraient pas suivre » Julien Jourdan (Directeur de la fédération des entreprises des services à la personne (Fédésap)) Départements, employeurs, salariés partagent la même vision : la seule issue à cette situation critique, indécente au niveau des rémunérations et territorialement inégalitaire, c’est la mise en place de la cinquième branche grand âge -autonomie de la Sécurité sociale. C’est voté à l’Assemblée, le gouvernement a posé des jalons mais la crise sanitaire et les échéances électorales ne permettent de dégager aucune perspective à court terme. Dans leur rapport, les députés Bonnell et Ruffin ont évoqué, pour mieux la dénoncer, une « tentation » : recourir à l’immigration. Une façon cynique de maintenir le métier dans la précarité et donc, pour la France, de prendre soin de ses « vieux » sans jamais en payer le coût réel. Des départements plus ou moins généreux La prime Covid, décidée en janvier par le gouvernement, avait déjà révélé un « enthousiasme » inégal des départements à l’heure de récompenser les aides à domicile. Avec des montants très disparates et même deux conseils départementaux qui ont refusé de verser ladite prime. L’augmentation décidée en avril par le gouvernement ne concernera que les aides à domicile du secteur associatif mais Marie-Reine Tillon, présidente de la fédération UNA, redoute que des « départements ne jouent pas le jeu de l’augmentation. Les associations, elles, sont contraintes d’augmenter par la convention collective ». L’État via la Caisse nationale de Solidarité pour l’Autonomie prendrait en charge 150 millions d’euros de cette augmentation, somme inscrite dans la loi de finance de la Sécurité Sociale 2021. L’Association des départements de France a évalué le « reste à charge » : le surcoût pour l’ensemble des conseils départementaux est estimé à 301 millions d’euros. En dehors des primes et des augmentations, la « générosité » des départements envers le secteur de l’aide à domicile connaît de grandes variations : quelques centimes de différences de l’heure sur le montant de l’Aide personnalisée à l’autonomie (APA) peuvent avoir une très forte incidence sur la rentabilité des structures. Céciile, aide soignante à domicile dans un SSIAD en Corrèze Du côté de l’Association des départements de France, on explique ces variations par des différences de structures sociodémographiques des territoires : « Le taux de bénéficiaires de l’APA parmi les 60 ans varie de 2,6 à 9,4 % ». « Quand vous êtes dépendant, il faut choisir votre lieu d’habitation » Au cours de ce mandat, l’autonomie financière des Conseils départementaux s’est considérablement restreinte puisqu’ils n’ont pratiquement plus de leviers fiscaux. Les élections de juin n’en sont pas moins l’occasion d’affirmer des choix politiques, même dans un contexte contraint. « Gros morceau » des compétences sociales, le financement de l’autonomie révèle des écarts qui vont du simple au double et qui ne sont pas forcément corrélés à la « richesse » du département. Le financement moyen de l’APA est de 21 euros. La « fourchette » va de 17 euros à près de… 30 euros. Des départements comme l’Isère ou le Maine-et-Loire sont parmi les plus généreux. « Les tarifs les plus hauts sont liés à des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens », relève le chef d’entreprise Patrick Quinte. La France, pays des 365 fromages et des 95 tarifs APA. Avec des restes à charge qui peuvent plomber des petites retraites. Marie Reine Tillon fait ce constat : « Quand vous êtes dépendant, il faut choisir votre lieu d’habitation ». Innovation : la Corrèze a créé une académie des métiers de l'autonomie La Corrèze a fait partie des départements dont le tarif APA était le plus faible. Il est aujourd’hui dans la moyenne avec un tarif de 21 euros de l’heure. Un effort qui s’est accompagné d’un dispositif de financement différencié, comme l’explique le président du Conseil départemental Pascal Coste : « La prise en charge de ceux qui sont en dessous de 1.200 euros de retraite par mois est intégrale. Au-dessus, il y a une participation de 5 euros sur le reste à charge ». L'académie des métiers de 'autonomie a démarré il y a trois mois en Corrèze Lancée en début d’année, une innovation devrait participer à la reconnaissance et à l’attractivité du métier : l’académie des métiers de l’autonomie. Dans tous les services d’aide à domicile du département, des professionnelles sont valorisées en tant qu’ambassadrices ou tutrices, dans l’objectif de faire découvrir le métier. Une formation en alternance sur un an a été mise en place avec le lycée agricole de Naves. « Des tutoriels ont été créés par les professionnelles confirmées et intégrés aux téléphones de service : ils permettent aux nouveaux salariés de savoir comment s’y prendre face à une situation donnée », complète Pascal Coste. D'autres départements cherchent à s'inspirer de ce modèle La Corrèze actionne également le levier de la mobilité : « En partenariat avec le Crédit agricole, nous avançons 8.000 euros sur le financement du permis de conduire et de l’acquisition du véhicule ». La question du recrutement est devenue localement moins problématique : « Nous avons 37 personnes qui sont entrées dans le métier en trois mois. À ce rythme-là, nous devrions pouvoir remplacer les départs en retraite », se félicite le président du Conseil départemental. D’autres départements veulent s’inspirer du « modèle corrézien ». Sur leur lancée, les Limousins veulent élargir les compétences de son académie à tout le secteur du domicile : des soins infirmiers aux assistantes maternelles. Julien RapegnoL’académie des métiers de ‘autonomie a démarré il y a trois mois en Corrèze.

Lancée en début d’année, une innovation devrait participer à la reconnaissance et à l’attractivité du métier : l’académie des métiers de l’autonomie. Dans tous les services d’aide à domicile du département, des professionnelles sont valorisées en tant qu’ambassadrices ou tutrices, dans l’objectif de faire découvrir le métier. Une formation en alternance sur un an a été mise en place avec le lycée agricole de Naves. « Des tutoriels ont été créés par les professionnelles confirmées et intégrés aux téléphones de service : ils permettent aux nouveaux salariés de savoir comment s’y prendre face à une situation donnée », complète Pascal Coste.

D’autres départements cherchent à s’inspirer de ce modèle.

La Corrèze actionne également le levier de la mobilité : « En partenariat avec le Crédit agricole, nous avançons 8.000 euros sur le financement du permis de conduire et de l’acquisition du véhicule ». La question du recrutement est devenue localement moins problématique : « Nous avons 37 personnes qui sont entrées dans le métier en trois mois. À ce rythme-là, nous devrions pouvoir remplacer les départs en retraite », se félicite le président du Conseil départemental.
D’autres départements veulent s’inspirer du « modèle corrézien ». Sur leur lancée, les Limousins veulent élargir les compétences de son académie à tout le secteur du domicile : des soins infirmiers aux assistantes maternelles.

Julien Rapegno

Source LA MONTAGNE.

 

Test d’une combinaison de simulation du vieillissement : vingt minutes dans la vie d’un sénior…

Le réseau de résidences séniors Domitys a mis à disposition de son personnel et des personnels soignants de Vitry-Le-François pendant une quinzaine de jours, un kit de simulation de vieillissement.

Laurent Borde en combinaison de vieillissement à la résidence pour séniors Domitys de Vitry le François le 25 mars.

 

Imaginez vous beaucoup plus âgé, avec 20 ou 30 ans de plus. L’expérience est réalisable grâce à un kit de simulation de vieillissement de près de 20 kilos, avec altération de l’audition et de la vue, permettant de mieux comprendre les difficultés liées à l’âge. L’expérience est troublante. Nous l’avons testée.

Harnaché d’un gilet de 10 kilos qui coupe le souffle, des poids de plus de 2 kilos à chaque cheville qui ralentissent chaque pas, des avant bras très serrés, un casque auditif rendant quasiment sourd, des lunettes jaunies altérant fortement la vue, on se glisse dans la peau d’un sénior.

« Une expérience qui a du sens »

La démarche est mal assurée, le pas peu sûr, la respiration est parfois difficile. Pour Mélanie Grenier, directrice commerciale Grand Est chez Domitys, « c’est vraiment une expérience de sens. Ca va permettre à la fois aux professionnels du secteur et à nos collaborateurs de bien appréhender les difficultés liées à l’avancée en âge, d’échanger sur la situation, et d’adapter la façon de travailler avec les séniors pour mieux les accompagner au quotidien. »

La perte de repaires est totale

Outre la vue jaunie et déformée, qui fait un peu divaguer, certains gestes du quotidien pourtant simples deviennent compliqués. Se servir un verre d’eau est une véritable épreuve de force, avec l’obligation de tenir le verre à deux mains pour le porter à la bouche. Le geste pourtant anodin qui consiste à se relever d’un lit ressemble davantage à une épreuve de force. Quant à monter et descendre des escaliers, ou à marcher avec un déambulateur, cela relève par moments quasiment de l’exploit.

La difficulté de se servir un verre d'eau.

Cette expérience d’une vingtaine de minutes est à la fois troublante, enrichissante, et épuisante. Elle permet de mieux comprendre et surtout, de mieux appréhender, les conséquences, voire les affres de la vieillesse. Elle devrait également aider à modifier les habitudes de travail de certains soignants.

La société Domitys possède plusieurs kits expérimentaux qui peuvent être testés par les professionnels dans quelques unes de ses 140 résidences à travers la France.

Source FRANCE BLEU.