TÉMOIGNAGE. « On fait notre vie avec eux » : à la maison, elles ouvrent la porte au handicap…

Accueillantes familiales, Hélène et Élodie s’occupent, chez elles, de personnes en situation de handicap.

Un métier souvent méconnu.

Elles lancent un appel pour trouver de nouvelles familles.

Hélène Bougon (en noir à gauche) et Élodie Pouessel (au milieu) sont accueillantes familiales dans le pays de Vitré : elles lancent un appel pour trouver de nouvelles familles.

 

« Notre grand truc avec Sylvie, c’est la musique. » Hélène Bougon a le sourire quand elle se remémore les dernières fois où sa protégée l’a fait rire aux éclats. Sylvie a 59 ans et souffre d’un handicap. Depuis deux ans, elle vit chez Hélène et son fils de 9 ans, à Vitré. « Il a fallu un an d’adaptation entre les deux mais maintenant, ça se passe très bien. »

De la même manière, à Vergéal, à quelques kilomètres de Vitré, Élodie Pouessel et son mari Cédric, qui ont un agrément de couple (ils peuvent tous les deux assurer les responsabilités), accueillent Linda, 40 ans, Katy, 21 ans et Amélie, 23 ans. Elles sont venues agrandir la famille aux côtés de leurs deux filles de 3 et 6 ans.

Hélène et Élodie sont accueillantes familiales pour personnes handicapées, et très dévouées. Mais aujourd’hui, elles militent pour plus de reconnaissance de leur métier et de leurs droits. Les accueils familiaux constituent une alternative aux hébergements collectifs pour les personnes en situation de handicap ou âgées de plus de 60 ans mais sont souvent méconnus.

« Un métier qui mérite d’être connu et reconnu »

« C’est un métier qui tend à se professionnaliser, mais cela prend du temps. » Quand un contrat s’arrête, elles n’ont pas par exemple pas de droits au chômage. Pour les vacances, elles doivent s’y prendre un an à l’avance et trouver des familles relais pour accueillir les personnes dont elles ont la charge.

« Au départ, j’ai commencé par du relais, explique d’ailleurs Hélène Bougon, qui a en parallèle l’agrément d’assistante maternelle et garde des enfants. Sylvie a commencé à venir un été en vacances, puis est revenue et enfin de façon permanente car son accueil familial précédent a arrêté. » La petite famille apprend petit à petit à se connaître. Ils ont passé le confinement ensemble.

« Au début, j’en faisais trop pour elle alors qu’elle est capable. » Toute une équipe est constituée autour avec infirmier, kiné, taxi pour le transport en centre la journée à Rennes, à raison d’une journée sur deux en temps de Covid. « J’ai un parcours d’aide-soignante et j’ai aussi travaillé en maison de retraite. J’ai eu un déclic, il fallait faire quelque chose. Et puis au quotidien, ils nous ramènent tellement à l’essentiel. On fait notre vie avec eux, on les emmène au restaurant, au cinéma… »

« Katy rêvait depuis dix ans de faire de la danse »

Élodie Pouessel, elle, a marché dans les pas de sa maman. L’accueil à la maison fait partie du quotidien. Aide-soignante de formation, elle a passé dix ans à Saint-Hélier à Rennes et est accueillante familiale depuis 2018. L’agrément permet d’accueillir jusqu’à trois personnes. Sa plus grande fierté est de voir le bonheur dans leurs yeux. « Katy rêvait depuis dix ans de faire de la danse. La danse Louvignéenne a accepté de la prendre et elle est revenue toute heureuse après son premier cours. »

Linda, aussi, avait deux rêves : devenir mannequin ou serveuse. Son accueillante s’est démenée pour elle. « On a postulé dans plusieurs restaurants et le café Bulle (café associatif à Vitré) a accepté de la prendre une fois par mois. C’est de l’autonomie et la réalisation de ses rêves. »

Élodie ne regrette pas une seule seconde de s’être lancée dans l’aventure et d’avoir embarqué toute sa famille avec. « Ce sont de bons moments. Ils ont parfois un lourd passé mais ont un besoin d’affectif. »

Les deux jeunes femmes veulent désormais alerter les pouvoirs publics et sensibiliser de nouvelles familles. « On cherche du relais, notamment pour les vacances. » La formation dure quinze jours.

Contact : Ludivine Belan, référente accueil familial social à l’ADMR, tél. 07 87 50 92 25.

Source OUEST FRANCE.

 

 

Séverine Bellier raconte son quotidien d’accueillante familiale, « une alternative aux Ehpad encore méconnue »…!

Dans un livre, Séverine Bellier raconte son métier d’accueillante familiale pour des personnes âgées, une solution intéressante alors que la France manque de places en Ehpad.

Séverine Bellier raconte son quotidien d’accueillante familiale, « une alternative aux Ehpad encore méconnue »

  • Séverine Bellier a mis du temps à trouver sa voie. Mais elle est désormais passionnée par son métier : accueillante familiale.
  • Comme son nom l’indique, elle accompagne, chez elle, des personnes âgées dépendantes.
  • Pour faire découvrir cette solution aux familles et ce métier à ceux qui pourraient l’exercer, elle publie ce mercredi son témoignage, où elle raconte avec humanité et humour son quotidien.

« Mon rôle, c’est de donner du bonheur jusqu’au dernier souffle. (…) On me dit parfois  » c’est dur, ce que tu fais…  » Pas du tout ! J’exerce le plus beau métier du monde. » Dès les premières pages de son témoignage sur sa vie d’accueillante familiale, Séverine Bellier, 47 ans, tord le bras à un préjugé répandu : s’occuper 24 heures sur 24 de personnes âgées dépendantes serait un fardeau pour une personne sainte.

Dans Bienvenue chez Séverine*, une autobiographie à quatre mains avec Catherine Siguret, cette quadra détaille ses journées en compagnie de deux à trois personnes âgées et de sa famille, dans sa maison dans l’Orne . « Une alternative aux Ehpad encore méconnue » qui mérite qu’on s’y attarde.

Faire connaître son métier

« Le livre est un cadeau de Catherine Séguret, avoue Séverine, coupe au carré et pull bleu, les mains toujours en mouvement et le sourire aux lèvres, quand nous la rencontrons dans les locaux de Flammarion ce mardi. Quand elle m’a parlé de son projet, écrire sur ma vie, je me suis dit : « elle n’est pas bien la dame ! » Et maintenant, j’ai la boule au ventre. »

Elle espère faire connaître ce métier aux familles sans solution, mais aussi donner envie à d’autres de se lancer. « On a le temps de bien s’occuper des personnes âgées. En Ehpad, il y a tant de soignants qui aiment leur travail, mais qui n’ont plus les moyens de le faire bien. » Pour Séverine, on ne lésine pas avec le soin. Il faut dire que l’attention aux autres, elle connaît, elle qui a grandi dans une fratrie de onze enfants. Si elle n’a pas eu la chance de connaître ses grands-parents, sa mère avait déjà pris sous son toit une femme âgée, Lui montrant ainsi la voie. « Je ne pourrais pas me passer des personnes âgées, elles nous apprennent tellement », confie-t-elle.

Marier métier et vie familiale

Une fois la formation et l’agrément en poche du Conseil général, Séverine s’aménage un nid adapté pour recevoir trois personnes dépendantes, chez elle, à temps complet. Avec son mari, ils réaménagent une vieille grange pour en faire une maison de 250 m². Au rez-de-chaussée, les trois mamies s’affairent autour de la cuisine de Séverine la journée et dorment chacune dans leur chambre. Au premier, c’est l’étage pour la famille nucléaire : son mari et ses trois enfants. Mais le soir, tout le monde se retrouve autour de la table du dîner.

« Je ne vais pas changer mon quotidien ! Si on vient chez moi, il faut aimer les enfants et les animaux », prévient-elle sans ambages. Car la famille Bellier héberge aussi un chat, un chien et un perroquet… Et actuellement Marianne, 61 ans, Estelle, 52 ans, et Tonton, 89 ans, le premier homme accueilli de cette famille élargie. « Elle mène bien sa barque, toujours aux petits soins avec nous », assure Marianne, qui vit là depuis trois ans après un AVC qui a dévoré sa mémoire immédiate. « C’est comme si on était chez soi, renchérit Estelle, elle aussi handicapée. Je me sens moins seule, elle est toujours là quand j’ai besoin de parler. »

Séverine dévoile les rencontres, souvent heureuses, parfois ratées avec ses accueillies. Il y a les malades imaginaires et celles qui cachent une tumeur énorme sous une montagne de pudeur. Il y a celles qui deviennent une mamie pour ses propres enfants et celles qui gardent leur froideur. « Il faut que le feeling passe des deux côtés. J’apprécie d’autant plus mon métier que je choisis mes accueillies. Et puis je peux faire mes tâches ménagères tout en m’occupant d’elles et être beaucoup plus présente pour mes enfants qu’avant. »

Les petits soins et les bons petits plats

Elle raconte l’attention décuplée, les visites des familles, les jeux, les gâteaux très attendus du samedi midi, les Noël tous ensemble. « Mes proches savent que si je suis invité aux mariages, baptêmes et communions, je viens avec tout le monde ! » Les bons petits plats deviennent une carotte, mais Séverine sait aussi manier l’autorité pour sauvegarder l’hygiène, l’autonomie et la santé. Son récit ne tait pas les peurs bleues, quand une des accueillies fait un malaise à table, ni les bleus à l’âme, quand l’aînée de la maisonnée s’« éteint comme une bougie ». « Mémère Jeannine, elle me manquera toujours, mais il ne faut pas être égoïste et savoir les laisser partir, analyse Séverine. Elle voulait mourir chez moi. » Alors Séverine a fait tout ce qu’elle a pu pour la soulager jusqu’au bout. « Quand elle est revenue après trois jours à l’hôpital, elle était recourbée en fœtus sur son brancard, le poignet de biais. On l’a installé dans son lit, j’ai pris sa main et j’ai senti qu’elle se relâchait, apaisée. »

Ce contact physique, ces petits soins, comme crémer les mains chaque jour, cette écoute, ces silences partagés à éplucher les légumes font partie des petits plaisirs du quotidien. Et puis, il y a les grandes victoires. « L’accueil dont je suis le plus fière, c’est Greta. Car elle a pu retourner vivre chez elle. Pas dans son grand appartement avec escalier, mais dans un foyer-logement avec cantine. » Aucun doute, ce métier la comble. Ce qui ne l’empêche pas de s’octroyer quelques (rares) bouffées d’oxygène. En partant en voyage avec son mari et sa fille, quand les accueillies restent à la maison confiées aux soins de sa sœur.

Trouver la bonne distance

Pas facile pour autant de trouver la bonne distance. Séverine n’est ni infirmière, ni médecin. Mais elle peut compter sur son généraliste de campagne, qui suit toutes ses accueillies avec bienveillance. Si elle s’attache souvent, c’est son métier et elle ne peut suppléer la famille des accueillies. Chacun à sa place. « En général, ça se passe très bien avec les familles », nous assure-t-elle. Par contre, elle doit parfois tracer des limites. « Greta avait offert un synthé à ma fille. Mais quand cette femme, aisée et généreuse, a voulu lui payer des cours de musique, j’ai dû dire non. »

« Le système de l’accueil à la maison a fait la démonstration que c’était mieux, pour la sécurité comme contre l’isolement parce que nos accueillis n’ont pas souffert de la solitude non plus. »

Elle glisse aussi les détails pratiques de ce métier méconnu. Sur la formation, sur la logistique et le coût pour les familles. « Le prix varie en fonction de la dépendance de la personne, rappelle-t-elle. Par exemple, pour Estelle et Marianne, mes deux « jeunettes » qui ont un handicap mais sont encore assez autonomes, je perçois 1.300 euros par mois tout compris, c’est-à-dire loyer, nourriture, produits d’hygiène. Avec les charges, les familles payent autour de 1.500 euros. Mais pour une personne âgée beaucoup plus dépendante, alitée, ce sera plutôt 1.800 euros. » Tout en rappelant que beaucoup de ces familles reçoivent des aides financières…

« Le Covid, on ne l’a pas vraiment vécu », souffle-t-elle pendant notre entretien. Claquemurée dans sa grande maison, vigilante sur tout, mais sans jamais lâcher la main de ses accueillies, elle a pris soin de ses pensionnaires, mais aussi de sa propre mère, devenue dépendante. Qu’elle se félicite de ne pas avoir envoyé en Ehpad, particulièrement endeuillés par l’épidémie. « Le danger sanitaire m’a confirmé plus que jamais que j’étais utile aux autres au quotidien, écrit-elle. Le système de l’accueil à la maison a fait la démonstration que c’était mieux, pour la sécurité comme contre l’isolement, parce que nos accueillis n’ont pas souffert de la solitude non plus. » Séverine ne risque pas de manquer de tendresse pour ses vieux jours, entre sa large famille et les liens forts qu’elle a noués dans sa vie professionnelle. « Même à la retraite, je pense que je garderai une personne chez moi. Les gens sont tellement beaux à l’intérieur… »

* Bienvenue chez Séverine, Flammarion, 23 septembre 2020, 19 €.

Source OUEST FRANCE.