Besançon : malvoyant, il est devenu ébéniste malgré son handicap. « Il manipule des machines tranchantes »…

A Deluz dans le Grand Besançon, Sami Dubosc exerce depuis 2016 sa passion dans sa propre entreprise.

Pourtant cet ébéniste est malvoyant.

Un handicap qui aurait pu lui fermer les portes de l’artisanat du bois. Il a lancé un financement participatif pour adapter son atelier.

Malgré son handicap, Sami Dubosc peut travailler sur des machines, comme cette scie circulaire. Des lumières fortes ont été installées, et le système d'aspiration n'encombre pas ses zones de passages.

 

En 1997, Sami Dubosc a 17 ans. Après un CAP en menuiserie au lycée Saint-Joseph à Besançon, il suit un CAP ébéniste. Petit-fils d’ébéniste, arrière-petit-fils de scieur, il a toujours rêvé de travailler le bois. Un rêve qui aurait pu s’effondrer, le jour où on lui diagnostique une rétinite pigmentaire. Une maladie qui altère profondément sa vue. « Pour mon ophtalmo, ça n’était pas compatible avec l’exercice de la menuiserie », se souvient-il, « Il ne faut plus manier d’objets dangereux ». 23 ans plus tard, pourtant, il est à la tête de sa propre entreprise, la Manufacture Dubosc et fils, et il fabrique chaque jour des meubles et objets en bois.

Je ne peux pas paraître fataliste, au contraire, je veux véhiculer quelque chose de positif et qui peut amener à d’autres personnes handicapées à envisager l’entrepreneuriat

Sami Dubosc, ébéniste

Un accomplissement, rendu possible par sa persévérance, et par une adaptation soignée de son espace de travail. Aujourd’hui, pour continuer à améliorer ses conditions d’exercice, il lance une opération de financement participatif, en échange de créations en bois, ou de stage découverte.

Une passion qu’il n’a jamais abandonné

Après l’annonce de la maladie, il refuse de quitter son CAP. « Quand on est jeune et qu’on apprend ça », raconte Sami Dubosc, « c’est compliqué à gérer ». Alors, il « continue, coûte que coûte ». Pendant plusieurs années, il travaille dans le milieu du bois. Mais il est de plus difficile de trouver des emplois satisfaisants. Difficile aussi, de convaincre ses employeurs d’adapter son poste de travail. « Ils veulent bien prendre la prime travailleur handicapé » explicite sa femme, Jennifer Taillard-Dubosc, « mais quand il faut réaliser que c’est vraiment une personne handicapée qu’ils emploient, et qu’il faut adapter le poste… ça n’est pas fait. »

Sami Dubosc à l'oeuvre sur une raboteuse. La pièce est toujours lumineuse, et le sol, bien dégagé.

« La volonté de tous, c’était de le mettre dans une petite case » se souvient son épouse « tu es malvoyant, donc tu pourras être kiné, ou informaticien… ». Alors, la famille décide de réagir : « Je lui ai dit ‘tu as de l’or entre les mains’, et on a décidé de monter une ébénisterie. » En 2016, il fonde la Manufacture Dubosc et fils, où il est enfin libre d’adapter son environnement de travail à ses besoins.

Aujourd’hui Sami Dubosc ne peut plus compter sur sa vision périphérique. Son champ de vision est réduit, et il voit mal dans la nuit. « J’ai bénéficié d’une aide de l’Agefiph» explique-t-il, « j’ai pu avoir une compensation au niveau de l’éclairage dans mon atelier, une machine à commande numérique de petite taille pour avoir des finitions parfaites, et j’ai pu avoir un téléphone adapté ». Le système d’aspiration qui permet de nettoyer l’atelier a également été adapté : les tuyaux ont été fixés au plafond, plutôt que d’être au sol, pour éviter les chutes. « Ça lui a permis de gagner en vitesse et en confort » confirme sa femme.

Le système d'aspiration, qui permet à Sami Dubosc de ne pas trébucher sur des tuyaux au sol

Un financement participatif pour de nouveaux aménagements

Cependant, « on voit que ça n’est pas suffisant », nuance Jennifer Taillard-Dubosc, « il faut aussi une surface de sol qui soit impeccable ». Car un atelier de menuiserie est souvent un espace encombré. Le bois y est stocké, notamment pendant ses temps de séchage – « on travaille en local, et on sèche naturellement nos bois », précise Sami Dubosc – après une pose de vernis, etc.  Or « il y a des choses que je ne vois pas, je butte dedans et je me blesse ». « Quand on a une livraison et que l’atelier est rempli de matériaux, il ne met beaucoup plus de temps à faire les choses », précise sa femme.

Alors, le couple a lancé une campagne de financement participatif, pour aménager une dépendance présente sur le terrain, qui pourrait lui permettre de stocker en dehors de son atelier. Une manière d’accélérer le projet, mais pas seulement : « Le financement participatif nous est venu comme une évidence », confie Jennifer Taillard-Dubosc, « aussi, pour bousculer un peu les esprits ». « Je veux véhiculer quelque chose de positif », affirme Sami Dubosc. « Je trouve que c’est important de donner un message d’espoir, par exemple pour les personnes qui ont un enfant handicap » revendique son épouse « voilà, en adaptant son poste de travail, un enfant peut ne pas être restreint à quelques emplois, et il peut aussi aller au bout de ses rêves et faire le métier dont il a envie ».  Pour elle, son mari en est l’exemple, lui qui parvient à « manipuler des machines tranchantes » sans se blesser.

Sur cette cagnotte de financement participatif, les contributeurs peuvent obtenir des contreparties, comme une invitation à l’inauguration de la dépendance, ou un objet ou un meuble fait par Sami Dubosc. Mais les plus curieux peuvent aussi s’offrir un « atelier d’initiation aux métiers du bois », où les enfants sont aussi les bienvenus. Car partager son savoir-faire est un plaisir pour cet ébéniste, qui aimerait, un jour peut-être, pouvoir ouvrir les portes de son atelier au public.

Source FR3.

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