Allier – Pour ces mamans d’enfants souffrant de handicap, le congé « proche aidant » est une « première avancée »…

C’est un début de reconnaissance, pour ceux qu’on appelle les aidants familiaux.

Depuis le 1er octobre, le congé proche aidant offre aux salariés la possibilité de faire une pause pour prendre soin d’une personne dépendante, tout en étant payé.

Pour ces mamans d’enfants souffrant de handicap, le congé "proche aidant" est une "première avancée".

Dans l’Allier, deux mamans d’enfants souffrant de handicap, y voient une première avancée, mais encore insuffisante, au vu de leur quotidien ultra chargé.

Mener de front activité professionnelle et accompagnement d’un enfant souffrant d’un handicap n’est pas simple. Doubles journées, rendez-vous médicaux, piles de papier à remplir, c’est le quotidien de ces mamans.
Parent en perte d’autonomie, conjoint malade…

Depuis le 1er octobre, le congé qui permet à un salarié du privé, fonctionnaire, indépendant ou demandeur d’emploi, d’arrêter son activité professionnelle pour accompagner un membre de sa famille, est indemnisé. D’une durée maximale de trois mois, il peut être renouvelé, sans dépasser un an sur l’ensemble de la carrière du salarié. L’allocation journalière du proche aidant est de 52 € pour un aidant vivant seul et 44 € pour une personne vivant en couple. Elle est versée par les CAF ou la MSA.

« Dans mon cas, un an, ça fait longtemps que ça a été mangé avec tous les rendez-vous médicaux »

Pour Véronique Chomet, Yzeurienne maman de Gabriel, 15 ans, souffrant de la myopathie de Duchenne (1), « c’est une avancée, cela peut être bénéfique dans le cadre de pathologies peu lourdes. Mais dans mon cas, un an, ça fait longtemps que ça a été mangé avec tous les rendez-vous médicaux ».

Son fils souffre d’une maladie génétique provoquant une dégénérescence progressive des muscles de l’organisme. Au lycée moulinois où il étudie, Gabriel, en fauteuil électrique, est accompagné par une AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap).

Véronique Chomet est elle-même AESH à temps partiel (à 60%) après avoir travaillé à temps complet dans le privé. Un choix du cœur, mais pas que : « Dans le privé, c’était compliqué. Je n’arrivais pas à dire que je devais m’absenter. J’ai parfois dû poser des congés pour des rendez-vous. Là, je suis libre à partir de 17 heures, c’est plus simple ». Car il lui faut jongler entre les rendez-vous chez le kiné (2 par semaine), ceux avec des spécialistes à Clermont-Ferrand : « Huit jusqu’en décembre, pour lesquels le temps de trajet mange toute la journée ».

« Qu’on se rende compte du temps que ça prend, de l’énergie que ça demande »

Et le quotidien : aider son fils à se laver, s’habiller… « Il faut trouver une place handicapée pour se garer, sortir le fauteuil. Cela demande d’une bonne gestion d’emploi du temps. Tout doit être réfléchi. Je ne fais plus rien de spontané ». Un quotidien parfois « fastidieux, monotone ». Au total, elle comptabilise 3 heures par jour pour son rôle d’aidant. Mais cela n’empêche ni les sorties au PAL, au ciné, ni les crises de fous rires.

Pour ces mamans d’enfants souffrant de handicap, le congé "proche aidant" est une "première avancée"

Parfois, on culpabilise parce qu’en continuant à exercer une activité professionnelle on est fatigué, moins disponible, mais il y a aussi des moments de fous rires, où on souffle. Il ne faut pas en vouloir à la terre entière, car ce n’est la faute de personne.

On y pense moins, mais il y a aussi le portage des dossiers administratifs : MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), médicaux. « J’y passe une heure par semaine. Il y a toujours un document qui manque. J’ai une formation de secrétariat, ça m’aide à gérer le planning des rendez-vous. Pour ceux qui ne sont pas à l’aise avec l’informatique, ça doit être un casse-tête ».

Véronique, divorcée, s’appuie sur son ex-mari, ce qui lui permet « de souffler un peu », et sur sa fille, Lucie, 12 ans. « Elle met la table, fait de petites choses, mais je ne veux pas lui mettre ce poids. Je me suis rendu compte que je lui en demandais trop. Je ne veux pas qu’elle ait l’impression d’être une aide à domicile. Il faut qu’elle ait sa vie de préado ! »

Pour ces mamans d’enfants souffrant de handicap, le congé "proche aidant" est une "première avancée"

Malgré ses proches, Véronique se sent parfois seule : « On m’a proposé un soutien psychologique, mais à Clermont. Je n’ai pas le temps ! Ce que j’aimerais, c’est qu’on se rende compte du temps que ça prend, de l’énergie que ça demande ».

Elle plaide surtout pour davantage de reconnaissance : « Ce terme ”d’aidant”, c’est comme si on était extérieur à la situation, comme aide à domicile, alors qu’on est dedans tout le temps ! Il faudrait aller plus loin, une reconnaissance similaire à une situation professionnelle. »

À Neuilly-le-Réal, Céline Aussert, maman de Lucas, 10 ans, atteint du syndrome d’Asperger (2), scolarisé en école primaire, attend elle aussi davantage de reconnaissance. « Ce congé, c’est un bon début, mais je me demande comment font les mamans qui travaillent du lundi au vendredi. Un an sur toute une carrière, ce n’est pas beaucoup ».

« Un an sur une carrière, ce n’est pas beaucoup »

La Bourbonnaise, aussi maman de Jules, 5 ans, est agent en école, ce qui lui permet de caler les rendez-vous médicaux le mercredi. « Et j’ai la chance d’avoir les vacances scolaires. J’ai quand même dû parfois poser des jours sans solde, quand ce n’est pas possible d’avoir rendez-vous mercredi ».

Chez le psychiatre, une fois par mois à Clermont, c’est « bataille pour avoir le mercredi. Les places sont rares ». Il y a aussi les rendez-vous chez un pédiatre spécialisé dans les troubles du spectre autistique à Montluçon.

Après plusieurs années de suivi chez un ortoptiste et une psychomotricienne à Gannat, « des après-midi entiers », elle vient d’obtenir une place au Service d’éducation spéciale et de soins à domicile l’Envol, à Moulins.

Remplir le dossier de 30 pages de la MDPH,
« une grosse galère »

Malgré le soutien de son mari, Céline se sent souvent seule dans ce « combat ». « Il y a eu cinq ans d’errance médicale avant qu’un diagnostic soit posé. Remplir le dossier de 30 pages de la MDPH (Maison Départementale des personnes handicapéestous les deux ans, c’est une grosse galère, épuisant ».

Elle évoque aussi les démarches pour obtenir une aide de transport, refusée au motif qu’elle habitait trop loin. « Je mets ma vie entre parenthèses pour mon fils. J’ai renoncé au sport. Le mercredi est consacré aux rendez-vous médicaux.

Ce n’est pas simple pour Jules, il n’a pas la vie d’un enfant de 5 ans ». Elle avoue de « gros coups de blues » : « Un soutien psychologique, ce serait bien. Car on vous pose un diagnostic, et on vous dit, débrouillez-vous. L’autisme est encore méconnu, suscite beaucoup d’incompréhension ».

(1) Elle a créé l’association Des ailes pour Gabriel. But : récolter des fonds pour améliorer le quotidien de Gabriel.
(2) Cette forme d’autisme sans déficience intellectuelle affecte la manière dont la personne communique avec les autres.

Source LA MONTAGNE.

 

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