À Toulouse, une molécule oubliée permet de traiter une maladie rare du rein…

Une patiente de la région Occitanie a bénéficié d’un traitement unique pour tenter de soigner sa maladie rénale ultra-rare.

Cyrille Tupin, directeur général d'Abionyx, et le Pr Stanislas Faguer, néphrologue au CHU de Toulouse ont collaboré pour proposer un traitement à une patiente en insuffisance rénale.

 

Grâce à une molécule développée à Balma en Haute-Garonne et une collaboration avec le CHU de Toulouse, la jeune femme a pour l’instant évité la dialyse.
Une lueur d’espoir pour les personnes atteintes de maladies rares ou orphelines.

Sa maladie est extrêmement rare (moins de 40 cas ont été décrits dans le monde) et quasi méconnue. Mais cette patiente de la région Occitanie, âgée d’une quarantaine d’années, a pu bénéficier d’un traitement unique grâce à une molécule toulousaine qui était en train de tomber dans l’oubli.
Dans le cas de cette patiente, reçue à l’automne 2019 au CHU de Toulouse, une insuffisance rénale sévère, un taux de HDL cholestérol trop faible pour être dosé, et un flou visuel conduisent à des analyses plus poussées. Un test génétique montre un déficit en LCAT, une enzyme qui intervient dans le traitement du cholestérol à l’intérieur des cellules. L’absence de LCAT provoque alors une accumulation du cholestérol dans les tissus, essentiellement les reins, la rate et les yeux. Chez cette patiente, une biopsie rénale avait confirmé la présence de dépôts de cholestérol ; des dépôts lipidiques étaient également visibles sur sa cornée.

« Il n’existait pas de traitement »

« Il n’existait pas de traitement spécifique. Elle avait perdu 30 % de sa fonction rénale en six mois, ses reins fonctionnaient à peine à 20 % de leur capacité au mois d’octobre 2019. On se dirigeait malheureusement vers la dialyse », résume le Pr Stanislas Faguer, néphrologue dans le Département de Néphrologie et Transplantation d’Organes et membre du Centre de référence pour les maladies rénales rares (Hôpital de Rangueil, CHU de Toulouse).

Le médecin se tourne alors vers la société Abionyx Pharma dont le siège se trouve non loin de là, à Balma. La Biotech, qui a hérité des actifs de la société Cerenis Therapeutics, dispose d’une molécule, CER001, au départ développée pour le traitement des infarctus mais qui n’a jamais montré son efficacité dans cette indication. Or, ce bioproduit mimant le HDL cholestérol et contenant une protéine (APOA1) pouvait compenser une partie de l’activité de LCAT.
« CER001 contenait ce qu’il manquait dans le bilan lipidique de la patiente. Nous avons pensé que cet apport pourrait arrêter l’inflammation rénale observée chez cette patiente et extraire le cholestérol des tissus. Ce phénomène avait déjà été démontré chez l’animal et on savait que cette molécule était très bien tolérée chez des patients atteints de pathologies cardiovasculaires », explique Cyrille Tupin, directeur général d’Abionyx.

Soutenu par le CHU de Toulouse, le Pr Faguer demande une autorisation temporaire d’utilisation de CER001 à l’Agence Nationale de Sécurité du médicament. L’accord est obtenu en janvier 2020.
Dans un climat sanitaire tendu en raison du Covid-19, la patiente reçoit des doses par voie intraveineuse pendant 4 mois.
« Nous avons vu trois effets incroyables (1) : en quinze jours, il n’y avait plus de fuite urinaire de protéine, sa fonction rénale s’est stabilisée – elle l’est toujours après 14 mois et elle a pour l’instant évité la dialyse-, son flou visuel a disparu au bout du premier mois. Notre intuition était la bonne, elle plaide pour un repositionnement des molécules d’intérêt dans les maladies rares et pour des évaluations de cette molécule dans d’autres pathologies plus courantes qui impliquent un déficit de LCAT », conclut le Pr Stanislas Faguer.

(1) Les résultats de cet essai clinique unique ont été publiés dans la revue Annals of Internal Medicine
Source LA DEPÊCHE.
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